Astrid Manfredi, « La petite barbare »

Barbare blog

Au début, la couverture franchement moche de ce roman ne m’a pas du tout donné envie. Et puis, j’ai lu un article élogieux dans le magazine Lire consacré à la rentrée littéraire, et j’ai compris que là, vraiment, ce livre était pour moi.9 sur 10

envie

Quatrième de couverture

« Moi, monsieur, je suis pleine du bruit assourdissant de vivre. »
En détention on l’appelle la Petite Barbare ; elle a vingt ans et a grandi dans l’abattoir bétonné de la banlieue. L’irréparable, elle l’a commis en détournant les yeux. Elle est belle, elle aime les talons aiguilles et les robes qui brillent, les shots de vodka et les livres pour échapper à l’ennui. Avant, les hommes tombaient comme des mouches et elle avait de l’argent facile.
En prison, elle écrit le parcours d’exclusion et sa rage de survivre. En jetant à la face du monde le récit d’un chaos intérieur et social, elle tente un pas de côté. Comment s’émanciper de la violence sans horizon qui a fait d’elle un monstre ? Comment rêver d’autres rencontres et s’inventer un avenir ?
La Petite Barbare est un bâton de dynamite rentré dans la peau d’une société du néant. Un roman brut et stupéfiant.

Mon avis

C’est l’histoire d’une fille qui a envie de vivre. Qui ne supporte pas les inégalités sociales, qui ne supporte pas le manque d’affection de sa mère, l’indifférence de « l’homme qui prétend être [son] père ». Sa famille, c’est Esba, son pote ultra-violent, ultra-respectueux (jamais un regard lubrique, jamais une main qui s’égare), qu’a des yeux ultra-beaux dans lesquels on peut même lire de la douceur, si on se concentre bien.

C’est l’histoire d’une nana qui aime être belle, se faire remarquer et en jouer, parce que si un clin d’oeil bien placé peut faire cracher de la thune à un blaireau qu’en a trop, pourquoi se priver? Et puis tout va trop loin. Allez directement en prison, ne passez pas par la case départ, ne touchez pas 200 euros.

On la surnomme « La petite barbare », parce que c’est rassurant de mettre les gens dans des tiroirs et puis leur retirer leur prénom, leur identité, c’est une tactique éprouvée pour les déshumaniser. Enfermée dans le sobriquet, Elle paraît donc moins humaine, moins comme nous (qui ô grand jamais ne serions assez stupides – influençables – mauvais [biffez la mention inutile] pour en arriver LÀ), elle n’a qu’à croupir au fond de sa cellule, ça lui fera les pieds, et tout le monde s’en moque.

Entre ses quatre murs, tantôt en isolement, tantôt pas, elle nous raconte son parcours, les espoirs déçus, la spirale qui l’a entrainée au fond du trou. Elle raconte les matons toujours avides d’une viande fraîche à laquelle ils font le plus infâme des chantages pour jouir de ses faveurs ; elle raconte les psys, la solitude. Et elle raconte les livres. Ces bouquins qui ne lui servent pas simplement à s’évader (la Petite Barbare est bien plus complexe que cela) mais à réfléchir, à se construire une identité, à croire que peut-être, un jour…

La plume de l’auteur est à l’image de sa protagoniste : brute, percutante, terriblement sensible. Même poétique, parfois, dans sa manière de raconter la douleur et l’espoir. Alternant l’exposition de sa descente aux enfers et sa vie quotidienne sur place, elle ne s’excuse pas, ne justifie pas, n’accuse personne. Elle n’a pas de remords et ne cherche pas le pardon. Elle dissèque, simplement. Elle avance comme elle peut, en attendant que sa vie commence enfin.

conclusion

La petite barbare est un roman coup de poing doublé de la très grande subtilité – servie par une écriture nuancée et sensible – de la protagoniste, qui raconte son histoire sans trémolos dans la plume, sans apitoiement. Sans fierté, non plus. Mais sans renier qui elle est, qui elle espère devenir. Un récit qu’elle raconte, en somme, en toute dignité.