Lisa, âgée d'une quarantaine d'années, rejoint la terre du Groenland, dernier lieu de vie de son sœur Sarah, portée disparue depuis vingt-sept ans. En quête de cette frangine dont l'absence traumatise et emplit de présence la cellule familiale, Lisa se confronte au milieu hostile mais néanmoins sublime de la banquise en perdition, parce qu'il fait trop chaud ici et là-bas. À l'image de ses recherches, le milieu se décline entre espoir et découragement.
Je ne prends aucun risque en lisant une œuvre de Valentine Goby : la liste des romans en fin de chronique témoigne d'un certain engouement de ma part pour son petit univers. Alors on m'avait signalé que Banquises se dégustait plus légèrement que Kinderzimmer. Je confirme : Banquises est définitivement plus accessible, même s'il parle de deux disparitions - celle d'une jeune femme en devenir et celle du paradis blanc dont la fonte des glaces est le prélude à d'autres dérèglements climatiques. J'ai aimé cette histoire même si elle a moins retenti chez moi que Kinderzimmer ou L'échappée (l'histoire démarre plus rapidement que dans le dernier roman cité.)
Le parallèle entre l'implosion familiale suite à la disparition de Sarah et la déliquescence du manteau neigeux est réussi : le cataclysme que chaque manque induit (l'un clanique, l'autre mondial) est décrit minutieusement, sans pesanteur, sans morale, juste par l'énonciation de faits. Sarah quitte le cocon parce qu'elle a perdu définitivement une partie d'elle-même, la banquise voit ses membres la lâcher inexorablement, entraînant des pertes animales et des désastres locaux, un changement brutal de l'écosystème. L'une explose sa famille et l'expose à la douleur de l'absence sans réponse, l'autre résiste mais pour combien de temps ? Pas si simple pour Lisa de grandir dans l'ombre d'une Sarah qui prend toute la place dans le cœur de ses parents : il devient alors paradoxal qu'ils oublient leur cadette au profit de celle qui n'est plus parmi eux et dont l'absence rythme leur quotidien.
Banquises marque un tournant dans l’œuvre de Valentine Goby. Ici, l'écrivaine libère sa prose, ne s'encombre pas de fioriture littéraire, ne cherche pas l'incident marquant. Elle laisse ses personnages errer. On sent qu'elle ne force aucun trait, abandonne parfois les verbes, juxtapose les mots et s'autorise la liberté du phrasé. Du coup, son intrigue gagne en fluidité. Je reste persuadée qu'il a fallu Banquises pour faire naître Kinderzimmer.
Valentine Goby a su transmettre le désarroi des familles de disparus, qui restent à jamais dans le doute. Il n'y a pas de deuil possible et d'une certaine façon, le pèlerinage qu'effectue Lisa représente sa manière d'abandonner le mythe sororal. C'est peut-être aussi ce qui nous attend lorsque la banquise ne sera plus !
Éditions Le Livre de Poche
LC avec le sieur Géronimo : mille mercis de m'avoir accompagnée !
autres avis : Kathel, Aifelle, Anne, Clara, Cathulu,
de la même auteure
Des corps en silence
Kinderzimmer
L'échappée
La note sensible
Petit éloge des grandes villes
et une note de la rencontre avec Valentine Goby sur Banquises.
Je ne prends aucun risque en lisant une œuvre de Valentine Goby : la liste des romans en fin de chronique témoigne d'un certain engouement de ma part pour son petit univers. Alors on m'avait signalé que Banquises se dégustait plus légèrement que Kinderzimmer. Je confirme : Banquises est définitivement plus accessible, même s'il parle de deux disparitions - celle d'une jeune femme en devenir et celle du paradis blanc dont la fonte des glaces est le prélude à d'autres dérèglements climatiques. J'ai aimé cette histoire même si elle a moins retenti chez moi que Kinderzimmer ou L'échappée (l'histoire démarre plus rapidement que dans le dernier roman cité.) Le parallèle entre l'implosion familiale suite à la disparition de Sarah et la déliquescence du manteau neigeux est réussi : le cataclysme que chaque manque induit (l'un clanique, l'autre mondial) est décrit minutieusement, sans pesanteur, sans morale, juste par l'énonciation de faits. Sarah quitte le cocon parce qu'elle a perdu définitivement une partie d'elle-même, la banquise voit ses membres la lâcher inexorablement, entraînant des pertes animales et des désastres locaux, un changement brutal de l'écosystème. L'une explose sa famille et l'expose à la douleur de l'absence sans réponse, l'autre résiste mais pour combien de temps ? Pas si simple pour Lisa de grandir dans l'ombre d'une Sarah qui prend toute la place dans le cœur de ses parents : il devient alors paradoxal qu'ils oublient leur cadette au profit de celle qui n'est plus parmi eux et dont l'absence rythme leur quotidien.
Banquises marque un tournant dans l’œuvre de Valentine Goby. Ici, l'écrivaine libère sa prose, ne s'encombre pas de fioriture littéraire, ne cherche pas l'incident marquant. Elle laisse ses personnages errer. On sent qu'elle ne force aucun trait, abandonne parfois les verbes, juxtapose les mots et s'autorise la liberté du phrasé. Du coup, son intrigue gagne en fluidité. Je reste persuadée qu'il a fallu Banquises pour faire naître Kinderzimmer.
Valentine Goby a su transmettre le désarroi des familles de disparus, qui restent à jamais dans le doute. Il n'y a pas de deuil possible et d'une certaine façon, le pèlerinage qu'effectue Lisa représente sa manière d'abandonner le mythe sororal. C'est peut-être aussi ce qui nous attend lorsque la banquise ne sera plus !
Éditions Le Livre de Poche
LC avec le sieur Géronimo : mille mercis de m'avoir accompagnée !
autres avis : Kathel, Aifelle, Anne, Clara, Cathulu,
de la même auteure
Des corps en silence
Kinderzimmer
L'échappée
La note sensible
Petit éloge des grandes villes
et une note de la rencontre avec Valentine Goby sur Banquises.
