Voir son steak comme un animal mort de Martin Gibert


Voir son steak comme un animal mort de Martin Gibert"La plupart des gens désirent le bien des animaux. Mais voilà : ils aiment aussi leur steak. C'est ce qu'on appelle le paradoxe de la viande. Nous ne voulons pas voir que ce que nous mangeons, c'est de l'animal mort.
De plus en plus de chercheurs expliquent ce phénomène de «dissonance cognitive» par des pratiques sociales et des croyances qui visent précisément à occulter la souffrance animale. Tout converge pour nous convaincre, depuis l'enfance, qu'il est normal, naturel et nécessaire de consommer des produits d'origine animale. Pourtant, dans les faits, rien n'est moins vrai - tant du point de vue de la santé que de l'éthique animale et environnementale.
Dans cet essai accessible et engagé, Martin Gibert propose une synthèse des débats contemporains sur le paradoxe de la viande. Ce faisant, il présente le véganisme, un mouvement moral et politique en pleine émergence qui lutte pour la justice animale, sociale et environnementale."

Le véganisme est un mot que l'on rencontrede plus souvent plus souvent dans les médias ces dernières années, que l'on connaît cependant peumais qui a, tout de même, une image négative... Parfois c'est tellement plus simple d'apprêter une telle imageà quelque chose d'inconnu... plutôt que de chercher à comprendre...
Qu'est-ce que que le véganisme / un végan ? Pour faire simple un végan c'est une personne qui lutte contre TOUTES les exploitations animales. Par conséquent, il bannit de son assiette tous les produits issus des animaux : exit la viande, le poisson, les oeufs, les produits laitiers, le miel, les produits fabriqués à partir de ces aliments etc... Mais il bannit également le cuir, la fourrure, la laine etc... et il est absolument contre les zoos, les corridas, les cirques, les expérimentations, les produits de beauté et d'hygiène issus de ces expérimentations... bref tout ce qui exploite de près ou de loin l'animal. C'est donc plus qu'un régime alimentaire.... C'est avant tout un engagement politique et moral !
Martin Gibert, docteur en philosophie morale nous présente à travers sa propre expérience, ses recherches, ses rencontres, un essai où il explique, chiffres à l'appui, pourquoi devrions-nous tous devenir végans
Bien évidemment l'auteur n'est pas né végan... C'est un cheminement... Il explique qu'il aime la viande, le fromage mais aussi le cuir... et pourtant il ne mange ni les uns et ne porte plus les autres ! Pourquoi ? Tout simplement pour des raisons d'éthique animale et environnementale
Dès l'introduction, Martin Gibert pose et se pose les questions que chacun, végés ou non peuvent (et devraient) également se poser : s'il est possible de vivre sans infliger des souffrances non nécessaires aux animaux, pourquoi ne pas le faire ? Pourquoi alors si ce n'est pas nécessaire, la consommation mondiale ne cesse d'augmenter ? Quels sont les justifications à la consommation de viande, de lait et sont-elles justes et véridiques ?
Ce livre découpé en quatre chapitres, présente pour chacun un argument (de poids) au véganisme  : 
  • chapitre 1 : l'argument moral : les animaux sont des êtres reconnus sensibles, par conséquent nous ne devrions pas les exploiter, d'aucune manière que ce soit,
  • chaptire 2 : l'argument environnemental : consommer des produits animaux pollue (et pas qu'un peu !),
  • chapitre 3 : l'argument psychologique : qu'est-ce qui nous empêche de remplacer la bonne dinde aux marrons de Noël par un plat végétal ?
  • chapitre 4 : l'argument humanisme et spécisme : aimer les animaux ce n'est pas leur donner plus d'importance qu'aux humains, c'est défendre l'un ET l'autre ! Aimer les animaux ce n'est pas non plus juste adorer prendre soin de Choupa la petite chatte Angora qui passe son temps à faire l'aller-retour entre sa gamelle dans la cuisine et le canapé ou être seulement indigné quand un pseudo mec en manque de virilité s'affiche fièrement à côté de son nouveau trophée de chasse tué au Zimbabwe...
Écrit de manière très accessible (pour les allergiques à la philosophie), ce livre a de captivant, qu'il présente en plus, un aspect psychologique souvent peu ou trop rapidement traité dans les autres livres sur le sujet : le fameux "paradoxe de la viande", la dissonance cognitive (l'argument psychologique du chapitre 3)L'auteur énumère les alibis les plus utilisés par ceux qui prônent un régime alimentaire à base d'animaux et les démonte un par un par des études, des chiffres (ne prenez pas peur.... ce livre n'en est pas non plus inondé). Il en donne même un terme : la végéphobie.Il explore également notre incohérence morale, nos contradictions avec certaines espèces que l'on protège, que même la loi protège, et les espèces que l'on n'hésite pas à massacrer en masse pour le simple plaisir gustatif ou distractif. Il appuie là où cela fait mal et n'hésite pas à déconstruire le mythe de la "suprématie humaine" : le spécisme*.  Autre point intéressant, l'auteur remontel'histoire et décrit le rapport des hommes avec les animaux, la domestication, l'asservissement depuis l'homo-sapiens. Ce plaidoyer passionnant pour le véganisme très travaillé, allie donc faits, recherches, exemples percutants, parfois humour et ironie. Il s'agit d'un livre qui démontre et démonte, qui donne matière à réflexion, que l'on soit végétariens/liens, végans, ou omnivores. Mon seul micro bémol à ce texte, l'emploi redondantde l'expression "à son endroit" qui au bout de la deux centième page commence à devenir indigeste...A titre personnel, je me suis beaucoup retrouvée dans le parcours de l'auteur, dans sa progressionétape par étape vers le véganisme, mais également dans l'évolution de sa pensée (même s'il me reste encore 2 % à faire évoluer de la mienne pour prétendre être végan).
Ce livre de Martin Gibert est d'autant nécessaire qu'à l'heure actuelle il devient primordial de savoir de quoi est composé nos assiettes et d'arrêter d'ignorer le massacre auquel nous participons depuis des millénaires. Il est plus que primordial de faire évoluer les mentalités. Il est important d'arrêter de se cacher derrière l'argument "j'aime les animaux mais..." Comment peut-on prétendre aimer les animaux et les manger ? Comment peut-on prétendre aimer les animaux, prendre soin de son chien, de son chat voire de son perroquet, mais adorer sa tranche de jambon ? Comment peut-on prétendre aimer les animaux et ne pas voir ce qu'est, et comment a été obtenu l'entrecôte saignante qui accompagne la poignée de frites et les deux feuilles de salade que l'on a commandée au serveur? Comment peut-on prétendre avoir des préoccupations écologistes mais ne pas pouvoir se passer du filet mignon cuisiné par belle-maman le dimanche midi ?
Hier étaient abolis l'esclavage, le travail forcé des enfants, aujourd'hui est punie la xénophobie, les femmes ont le droit de travailler, de voter, peut-on espérer que demain on reconnaisse enfin aux animaux leur droit à une vie paisible ?

En librairie depuis le 21 mai 2015,

Lux Editeur - 18 € - 251 pages


* N.B. : j'aurai l'occasion d'évoquer de nouveau le spécisme en avril lors de la sortie du livre d'Aymeric Caron sur le sujet.

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois