La loterie - Shirley Jackson

Par Murphypoppy

Quatrième de couverture :  

La damnation au quotidie, l'horreur au goutte à goutte...

  Il suffit parfois d'une simple rage de dents pour s'enfoncer insensiblement dans un cauchemar sans issue et pour voir la réalité se diluer, s'effilocher.   Où que vous alliez, vous êtes perdu. D'un côté, un univers bureaucratique, absurde, sans espoir. De l'autre, la superstition et le retour à la barbarie. Et partout les mêmes préjugés aveugles, la même cruauté inconsciente, la même momification des sentiments.   Regardez bien autour de vous : vous êtes en enfer... vous ne l'avez jamais quitté ! Poche: 273 pages Editeur : Pocket Collection : Terreur

 Mon avis :

Shirley Jackson était un sacré personnage : décédée avant ses 50 ans, on apprend à travers la quatrième de couverture qu'elle s'auto-proclamait sorcière. Soit. Pour moi, elle restera cette figure, injustement méconnue malgré le prix littéraire qui porte son nom, de mes débuts de lectrice dans les années '90 (souvenirs...). Son roman Maison hantée - adapté à deux reprises sur grand écran - reste le seul roman à m'avoir fait frissonner de peur à ce jour.

Mais ici, il sera question de ses nouvelles, courtes, figurant dans le recueil intitulé La loterie du nom de la nouvelle qui clôt l'ouvrage. Je ne vous ferai pas de résumé de chaque nouvelle mais vous livrerai mon ressenti global.

Pour commencer, que vous dire sinon que cette lecture a été un véritable coup de coeur ?

Les nouvelles ont en commun une peur qui s'installe dans le quotidien le plus banal, ce moment où tout bascule, où une situation apparemment sous contrôle nous échappe, où les autres ne sont pas toujours ce qu'on croit qu'ils sont, où nous apprenons que nous pouvons nous-même être cet autre. Abandonner notre identité le temps d'une visite dans un meublé ou bien le temps d'une vie, l'élément effrayant peut venir de l'autre mais aussi de soi.

L'écriture est simple, subtile et distille la peur, ou l'angoisse devrai-je plutôt dire, par touche. Certaines thématiques relatives à l'identité, à la peur des autres, la peur de soi reviennent invariablement. De même que certains personnages ou descriptions trouvent un écho dans plusieurs nouvelles comme la vaisselle orange ou, plus intriguant, cet homme au costume bleu qui, lors de la nouvelle où il nous est introduit - L'amant diabolique, disparait pour réapparaître, l'air de rien, dans quelques autres nouvelles - sous la forme plus d'un détail que d'un véritable personnage, toutefois. Ainsi, les textes prennent une coloration mystérieuse, presque mystiques. Il devient intéressant de faire dialoguer les nouvelles entre elles pour, peut-être, y discerner un début de mythologie.

J'ai eu un coup de coeur plus particulier pour les nouvelles L'amant diabolique, Combat judiciaire et Jardin fleuri qui, pour ce dernier, traite des thèmes comme l'hypocrisie, le racisme, l'injustice à l'échelle d'un village qui m'a laissé un vertigineux sentiment d'angoisse.

Quelques bémols quand même :

- les nouvelles se terminent de façon brusque, parfois sans que le problème initial ait été résolu.

- ne vous attendez pas à avoir la frayeur de votre vie. Nous avons affaire ici à des nouvelles d'ambiance où l'angoisse est subjective et propre aux différents protagonistes.

Pour finir n'oubliez pas : Si l'enfer, c'est les autres comme disait Sartres, cet ouvrage en est l'illustration.

Bonne lecture !

Poppy