Les Yeux de la Momie, de Robert Bloch

Par Murphypoppy

Ce recueil de 10 nouvelles de l’auteur Robert Bloch (qui donna naissance au fameux Psychose qu’Hitchcock a porté à l’écran en 1960) est aussi prévisible que plaisant. Mais voyons le tout plus en détail…

Le visiteur venu des étoiles : Le but de cette histoire étant – l’auteur le dit lui-même – de rendre hommage à Lovecraft, on ne peut qu’avouer que le challenge est réussi. Plus que quelques éléments de l’univers Lovecraftien, on retrouve ici l’ambiance du maître au point où il serait facile de confondre les deux auteurs. L’histoire en tant que telle est trop courte pour être résumée sans spoilers. Sans être révolutionnaire ni très développée, elle reste une bonne entrée en matière pour un recueil.

Les yeux de la momie : L’univers Egyptien ne m’a jamais vraiment attiré plus que ça, mais il faut avouer que Bloch a su rendre une banale histoire de momie maudite mystérieuse et prenante. Même avant l’entrée en jeu du monstre de l’affaire, l’histoire est baignée de noirceur avec un héros terrorisé d’avance qu’une malédiction ne lui tombe dessus et son ami pas très net qui le traîne dans une histoire déjà louche en elle-même. La malédiction de notre momie est plutôt originale, d’après moi, et le tout donne une petite histoire vite lue mais dont la brièveté sert à l’inscrire dans les mémoires.

Scarabées : On continue dans le monde des momies, avec cette fois un insecte emblématique du folklore Egyptien. Bien plus subtile que la précédente nouvelle, elle en est d’autant plus marquante. Le héros nous raconte comment un ami égyptologue est revenu complètement changé et étrange d’une fouille. Une fausse piste originale (et peut-être involontaire) est de placer cette histoire juste après Les yeux de la momie ; ce qui pourrait faire croire à une suite de cette dernière. Sans en dire plus sur ces chers scarabées, je préciserais seulement que, là encore, nous avons affaire à une histoire classique – certaines légendes urbaines pourraient d’ailleurs s’y retrouver – mais ça ne pose aucun problème à la lecture. Il s’agit d’ailleurs de la meilleure des trois premières nouvelles du recueil pour moi.

L’étrange voyage de Richard Clayton : On change complètement de domaine cette fois, en plongeant dans une histoire aux frontières de la science-fiction où un astronaute enfermé dans une fusée aussi grande qu’un placard doit patienter dix longues années avant d’atteindre Mars. On ne se pose même pas la question de savoir si sa santé psychologique survivra au voyage tant la réponse est évidente, et voir ce personnage plonger dans un enfer de solitude est hypnotique. Là encore, on sent la chute venir dès les premières lignes, mais elle n’en est pas moins géniale.

La cape : Cette fois, on frôle la comédie avec cette histoire plutôt originale de vampirisme. De ce côté, j’ai déjà vu des déclinaisons de toutes sortes, plus ou moins réussies, avec entre autre un collier vampire et une plante vampire. Ici, il s’agit simplement d’une cape qui change lentement son porteur en vampire. L’idée est très sympathique et le tout se lit plutôt vite.

La maison du crime : Dès les premières lignes, on s’attend à l’histoire qui va découler, mais ça ne la rend pas moins prenante, à défaut d’être surprenante. Un couple dont le « et ils vécurent heureux » n'a pas très bien tourné visite une maison dite hantée par une femme décapitée. Il n’y a, cette fois, pas réellement une chute à proprement parler mais plutôt deux morceaux de chutes (ironique pour une histoire de décapitation) qui se réunissent ; dont une partie est, comme je le disais, totalement prévisible, mais l’autre bien moins attendue. Je me répète sans doute, mais à l’image des autres nouvelles, on tombe là encore dans une courte histoire courue d’avance mais qui restera malgré tout dans les mémoires.

Presque humain : Une ambiance assez glaçante pour cette histoire de science-fiction qui commence d’une façon plutôt surprenante. Un homme armé entre sous la menace dans la demeure d’un professeur parce qu’il veut « voir Junior ». Cette ouverture est vite expliquée pour laisser place à une situation sombre au possible. Cette nouvelle, qui aurait ravi Freud, est celle du recueil qui se rapproche le plus du fameux Psychose, avec sa tension quasi permanente, et n’est pas sans rappeler le Frankenstein de Mary Sheley. En bref, alors que j’ai tendance à n’aimer la science fiction que de loin, Bloch a réussi, une fois de plus, à me faire accrocher à ce super thriller.

« Irma-la-Douce » : On continue dans le ton froid et implacable avec une épouvante qui puise sa source autant dans le folklore que dans l’horreur sociale. On a donc Irma, petite fille sage et intelligente, que son père bat en la traitant de sorcière à la moindre occasion. La nounou d’Irma va donc s’en plaindre à l’oncle de cette dernière. Ce qui glace, c’est surtout que cette situation ne semble déranger que la nounou, dont la réaction de fuite est aussi choquante que le désintérêt évident de l’oncle à cette histoire. L’histoire filtre avec le surnaturel, bien entendu, mais finalement, on ne sait pas trop ce qui horrifie le plus. Encore une histoire plutôt marquante, en résumer.

L’ombre du clocher : Pour n’expliquer que le début, on a donc un taxi assez bavard et un client qui ne l’est pas du tout. Le client arrivé à destination descend, suite à quoi, on apprend que le taxi aura été la dernière personne à l’avoir vu en vie. Un début assez intriguant donc, suite auquel on s’amuse à remonter la chronologie pour expliquer le tout. Alors qu’on commence à y voir plus clair dans l’intrigue qui se profile, force est de constater que cette nouvelle est sans doute la plus représentative de son auteur. On y croise Lovecraft, on y enquête comme dans une histoire de ce dernier, on remonte jusqu’aux momies d’Egypte, toujours en suggérant, rarement en montrant le surnaturel qui est à l’œuvre. Bref, une histoire assez plaisante à laquelle je n’aurais à reprocher que le choix de la narration. Tout est expliqué de façon implacable, tel un rapport. C’était sans doute nécessaire pour ne pas finir avec une nouvelle de 100 pages ; c’est tout de même dommage de ne faire que survoler les faits. Mais l’idée générale, la façon de remonter la chronologie, la situation du taxi et la fin de l’histoire sont autant d’éléments qui en font tout de même une histoire plaisante à lire.

Manuscrit trouvé dans une maison déserte : Une sorte de retour aux sources, avec cette dernière nouvelle qui rappelle sans mal celles de Lovecraft ou encore Le visiteur venu des étoiles qui ouvrait le recueil. Sans être la plus marquante, cette histoire narrée par un enfant explique comment Ceux d’ailleurs ont insidieusement assaillis sa demeure perdue sur une colline. De quoi hantée les rêves des pauvres lecteurs, même si cette ultime nouvelle ne m’a pas autant emballé que certaines précédentes.

En bref, s’il fallait ne retenir que trois histoires, ce serait L’étrange voyage de Richard Clayton, Presque humain et « Irma-la-Douce ». Toutes les nouvelles du recueil ont toutefois leur intérêt. Les plus « décevantes » sont sans doute La cape et Le visiteur venu des étoiles mais elles n’en sont pas moins prenantes.

Muprhy