Cinquante nuances de Grey - E.L James *

Anastasia Steele, surnommée Ana, termine ses études en littérature. À l'occasion du désistement de sa meilleure amie (rédactrice en chef du fanzine universitaire) souffrante d'un rhume carabiné, Ana interroge Christian Grey, mécène de la fac et part à la découverte de ce richissime et séduisant self-made-man, dans tous les sens. Comme quoi, une grippette peut mener à de belles grimpettes !

Cinquante nuances de Grey par E l James

image captée sur le site Libfly.com

Quoi vous dire de plus qui n'a pas été déjà mentionné : 1) je n'ai pas pris mon pied en lisant cette histoire (c'est un peu dommage, au vu de la quinzaine d'orgasmes connus par Ana et Cricri d'amour) 2) oui, ce bouquin accumule tous les poncifs du genre. Rien ne le sauve et pourtant, il a cartonné au box-office : why ?
Petit mélange culinaire littéraire, plat indigeste...
E.L James n'offre que du light : lire Cinquantes nuances m'a fait penser à un slogan d'il y a longtemps dont certains d'entre vous se souviennent peut-être, celui de la marque Canada dry « cela ressemble à de l'alcool mais ce n'est pas de l'alcool ».
On dirait de la chick lit mais cela n'en est pas (parce qu'au niveau de la psychologie inexistante des personnages, de la richesse syntaxique des dialogues nullissimes, on n'en est plus au ras-la-moquette, mais à creuser bien profond ( voire pilonner pour reprendre un des termes  favoris de l'auteure). Ce n'est pas non plus un roman porno parce qu'elle évite les descriptions précises et surtout ne s'aventure pas sur quelque chose qu'elle ne semble pas maîtriser, mais use du timing des films X ( à savoir aucune transition entre les scènes, chaque changement de plan offre une nouvelle position, un scénario qui se répète à l'infini « du cul, du cul, du cul » et finit en cucul la praline ... Normal, me direz-vous ).
Bref, Cinquante nuances de Grey correspond à un bon vieux Harlequin bas de gamme au rythme mou ( ennuyeux au vu des circonstances ), où s'enchaînent les ébats sexuels et les questions prout-prout, avec ces sempiternelles réflexions d'une infinie poésie : « bordel de merde » ( autre variante possible : « putain de bordel de merde » ), « tu sens bon, Bébé » ( Cadum ? )  , « qu'il/elle est beau/belle ! » ( what a surprise ! ), « waouh, cette érection ! » ( nom d'une pipe ! ), « est-ce qu'il m'aime ? est-ce que je l'aime ? Ah non, je ne l'aime  pas ! Ah si, je l'aime ! » ( faut savoir ). Bref, l'éclate totale !
mais convives nombreux et patients !
Cependant, il faut bien reconnaître qu'E.L James est une filouse qui, à défaut d'un énorme potentiel littéraire, a ouvert une brèche : elle offre du Lévy-Musso version canapé avec le petit côté transgressif des cravaches et des menottes.
Elle use d'un procédé littéraire qui a bien marché chez les copains ( du style Quand souffle le vent du Nord de Daniel Glattauer) et qui relance son intrigue, à savoir la correspondance électronique : cela remplit les pages et ne demande aucun effort de rédaction. J'y verrais même le meilleur du livre ( avec le titre en VO, Fifty shades of Grey : la traduction française a zappé le subtil jeu de mots : flûte, alors ! ) .
Alors, pourquoi ce succès ? 
pour les mêmes raisons que celui des émissions de TF1 et de certaines chaînes de la TNT (D8, NRJ 12, etc) : l'offre du vide. J'entends par là, que lire Cinquante nuances de Grey n'exige aucun neurone en action, que cette lecture ne nourrit personne, qu'elle fait juste passer le temps, qu'elle détend sans prendre la tête ( mais là, je parle pour les fans, parce que l'écriture, la narration et la moralité de l'histoire m'ont particulièrement énervée ! )
Ce roman est le pendant livresque d'un programme télévisuel [ou cinématographique] qui ne demande pas de concentration intense (pour conserver les fameux 10% de cerveau disponible pour la pub d'une boisson gazeuse sucrée, par exemple), où des chroniqueurs qui n'ont pas inventé le fil à couper le beurre, dissertent pendant des heures sur rien [où des cascades visuellement spectaculaires cachent un scénario illogique et des dialogues totalement creux (cf Fast and Furious 7) ] C'est une histoire qui vire en romance parce que sinon, l'auteure n'aurait pas pu tenir la longueur ( c'est aussi valable pour d'autres domaines, mais cela ne nous regarde pas ! ) .
Que retenir ?
Cinquante nuances de Grey est un roman rétrograde aux clichés énormes, où la nymphe vierge rencontre l'apollon aux multiples expériences (et va tenter de compenser les démons intérieurs du bellâtre... le mythe revisité de la catin/mère protectrice et du petit garçon à cajoler/pervers névrotique, le raccourci hasardeux de la femme battue qui reste pour sauver le monde de son dégénéré d'homme), un remake psychologique à deux balles de Cendrillon (ou de n'importe quel conte de fées avec une princesse dedans et le côté régressif de la salle de jeux ), de Pretty Woman sans Disney (la prostituée et le milliardaire) mais avec la queue de Mickey revisitée, de Twilight (l'amour impossible, la rupture etc).
Ce genre d'ouvrage se vend avant tout par le buzz créé, grâce à un marketing agressif, sus à la qualité : cela se confirme de plus en plus, notamment avec les récents chefs d’œuvre de Trielweiler, de Zemour, de Houellebecq et les devantures des grandes surfaces (culturelles ou non) qui libèrent ostensiblement de la place aux romans érotiques de degré zéro, quitte à éclipser les belles valeurs littéraires (la littérature étrangère) qui perdent du coup en visibilité (et donc en lisibilité).
Ce concentré de vacuité fonctionne en mode binaire. Ana et Christian ne cessent d'osciller entre deux attitudes : leurs regards s'embrasent ( mode 0 ) / ils remuent du popotin ( mode 1 ) ; ils se prennent la tête ( mode 0 ) / ils s'amusent avec Tango Charly ( mode 1 ). Même, leurs ébats suivent la même cadense : très souvent, deux petits coups successifs ( mode 1 ) et hop, au dodo ou à table ! ( mode 0, ou l'inverse ). La routine semble satisfaire ce pseudo-couple prédateur/proie ou dominant/servile. Cette monotonie m'a atomisée : je me suis franchement ennuyée !
Pourquoi j'ai débuté le tome 2 ? 
Je ne juge pas ceux ou celles qui ont apprécié cette intrigue : c'est un genre qui ne me contente pas, c'est tout ( il m'en faut plus : une histoire bien écrite et qui se tient, des protagonistes consistants, une prose nourrie).
J'ai été surprise par la réaction de trois de mes amies qui m'ont affirmé avoir été choquées par deux scènes du tome 1 (le premier bain et le tampon) supprimées dans le film, d'après elles. [ Le mauvais goût associé à la grossièreté et l'écriture nase ont achevé ma farouche détermination : que de répétitions linguistiques ! Le français offre pourtant de très beaux synonymes ]. Les moments en question m'ont même paru évidents.
Globalement, j'attendais mieux et plus varié. Je suis limite déçue ! La page 160 du tome 2 a été fatale : je voulais parfaire mon analyse sur cette série, j'ai abandonné, vaincue par la prose insignifiante d'E.L.
Traduction de Denyse Boileau (qui, soit n'était pas en grande forme lors de de la traduction, soit a respecté scrupuleusement l'écrit originel )
Éditions Lattès LC partagée avec Aspho, Zarline, Syl (qui reprendra la lecture, si elle en a envie) et Sharon : le forum nous a permis de nous soutenir moralement lors de cette épreuve. Je vous embrasse toutes les quatre.
exemplaire emprunté à mon amie A. ( je la remercie vivement : elle nous a évité un achat inutile car elle a accepté le voyage de son exemplaire, jusqu'à chez Aspho)
autres avis :Aspho, Zarline, Syl et Sharon , Hélène, Théoma, Sylire, Leiloona, Adalana, Cess,
et un de plus pour les challenges de Piplo et de Daniel
A vos nombres 2014Premier roman 2015
pour rester dans l'ambiance, une Guesh partie (fine)
et je n'oublie pas les fans de la série et/ou du film



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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois