De cape et de crocs (T11) Vingt mois avant

Chronique « De cape et de crocs (T11)  » : “Petit lapin, je vous en conjure : n’allez pas à Paris”

Scénario de Alain Ayroles, dessin de Jean-Luc Masbou,

Public conseillé : Tout public

Style : Fable animalière « Classique »
Paru chez Delcourt, le 5 novembre 2014
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L’histoire

Besace à dos, Eusèbe, le petit lapin se rend à Paris. Muni d’une mettre de recommandation de son père, il se voit déjà intégrer la compagnie des gardes du cardinal.
Mais avant ça, Eusèbe rencontre un groupe de chasseurs. Il s’interpose entre leur chef, Limon, Grand veneur et un pauvre faon sans défense. Limon, enragé, poursuit l’outrecuidant. Heureusement, Eusèbe trouve refuge chez madame de Trois-Croix, la protégée du roi.
Une carotte fraîche aidant, l’infortuné lapinou raconte son histoire. Dernier né d’une fratrie de 26 enfants, il a été poussé par son père hors du terrier, pour embrasser la carrière militaire. Pour cela, il doit retrouver sur Paris, Monsieur de Roquefort, un ancien compagnon d’arme du paternel et lui demander une place dans son corps d’élite…

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Ce que j’en pense

Comment ça ? Vous ne connaissez pas la fière série “De cape et de crocs” de Alain Ayroles et Jean-luc Masbou ?
Vous êtes passés à travers dix tomes (et dix-sept années) d’aventures (abracadabrantes), de poèmes (aux rimes riches), de combats épiques (à la pointe de l’épée) et de scènes comiques ? Soyez honnis jusqu’à la dixième génération, mécréant !
Heureusement pour vous, il est possible de faire pénitence, en plongeant dans l’histoire d’avant la série. Car les deux larrons (Messires Masbou et Ayroles) sont de retour, non pas avec une suite (c’en est fini de Don Lope de Villalobos y Sangrin et de Armand Raynal de Maupertuis), mais une pré-quelle. Il faut dire qu’ils nous avaient bien prévenus : Enfin, nous allons savoir ce “qu’Eusèbe allait faire dans cette galère ?”
Les deux compères rembobinent donc l’histoire et nous ramènent (pas 20 ans après comme certains célèbres mousquetaires) mais 20 mois avant.
Toujours férus de références classiques, Ayroles et Masbou nous abreuvent de personnages en tout genre (Molière, Cyrano de Bergerac, fables animalières de La Fontaine et références cinéphiles ne sont pas loin), tout en racontant le parcours initiatique et drolatique du lapinou.
De son carré de luzerne jusqu’à Paris, Eusèbe va en découdre avec une belle série d’ennuis. Pour commencer, direction les gardes du Cardinal. Oui, les méchants et non pas les gentils mousquetaires qui mènent la vie dure à ces gredins-là !
Bien entendu, l’expérience va tourner court. Eusèbe, dans de mauvais draps, passe alors de l’écritoire d’un poète (avec quelques tirades de haut vol) aux planches d’un saltimbanque/arracheur de dents…
De quoi varier les plaisirs (et surtout les délires) entre scènes de pure comédie, aussi rafraîchissantes qu’amusantes à lire.

Coté personnages, évidemment, Ayroles et Masbou ne peuvent plus utiliser la galerie de portraits improbables qu’ils ont glanés dans telle pièce de théâtre, roman ou film de cape et d’épée. Plus de “Raïs Kader”, de “Maître d’armes”, d’Hermine ou de “caillou” vivant…
Ils introduisent donc de nouveaux personnages qu’il va falloir “épaissir”. En dehors du craquant et naïf Eusèbe, nous retrouvons une belle femme dans le secret des alcôves (Madame de Trois-Croix), trois intrigants et beaucoup de rôles secondaires de comédie. C’est le “risque” d’une préquelle : repartir de zéro, sans les personnages auxquels nous nous étions attachés.
L’histoire, elle, reste dans le cadre. Beaucoup de scènes disparates et divertissantes et une trame principale, assez simple, qui avance gentiment.
Malgré ces cruelles absences, j’ai ressenti un plaisir intacte en dévorant le premier opus des aventures d’Eusèbe.

Le dessin

Impossible de ne pas évoquer le dessin (sublime) de Jean-Luc Masbou en parlant de “De cape et de Crocs”. Dans le genre caricatural, son travail se pose en “maître de peinture”.
De base classique, son dessin (“peinture” serait plus appropriée…) mélange allègrement des personnages tout droit sorti d’une farce de Molière ou d’un roman d’aventure avec des animaux aux attitudes anthropomorphiques… dans le plus grand naturel.
Ne rechignant pas à la tache (j’imagine qu’Ayroles veille…), il s’attaque, dans ce 11ème épisode, aussi bien à des scènes de rue d’un Paris médiéval, qu’à des intérieurs de châteaux bourgeois.
Enfin, et surtout, outre la qualité picturale de son travail, les expressions et grimaces de son petit monde sont à se tordre de rire.
Je ne dirais qu’un mot : chapeaux !

Pour résumer


Oyez, oyez, braves gens !
Venez admirer les troubadours, Masbou et Ayroles explorer à leur manière, la fable animalière
Naif et drôlatique, de luzerne en estoc, le lapin s’en allait par les chemins,
De peur, mais surtout de rire, il nous fit tomber çà la renverse,
Car, qui mieux qu’un gentilhomme de la sorte peut finir aux galères ?
Assurément pas le loup ni le renard, encore moins l’ours ou le singe,
Monsieur de la Fontaine l’a dit, Ayroles et Masbou l’ont contredit !
C’est Eusèbe, dont il s’agit !

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