Home de Toni Morrison (rentrée littéraire 2012)

Par Litterature_blog

Morrison © Bourgois 2012

Frank Money, soldat noir rentré brisé de la guerre de Corée, s’échappe d’un hôpital psychiatrique de Seattle et part vers le sud pour venir au secours de sa sœur, Cee. Cette dernière, utilisée comme cobaye par un médecin blanc, agonise. Sans autre richesse que sa médaille militaire, Franck se lance sur la route. Après avoir gagné Atlanta et arraché Cee aux griffes de son tortionnaire, le soldat Money retourne avec elle à Lotus, un bled perdu et arriéré où tous deux ont grandi. « Le pire endroit du monde » selon Frank, mais aussi le seul où il pourra trouver l’aide nécessaire au sauvetage de celle qui représente sa seule famille.
Le titre pourrait faire penser au fameux « Home Sweet home ». C’est tout le contraire. Frank, soldat rejeté par son propre pays à cause de sa couleur de peau ne peut-être chez lui nulle part. Dans cette Amérique de l’après-guerre où les droits civiques n’existent pas encore, un noir buvant un café au milieu de clients blancs peut se faire tabasser en toute impunité. Même à Lotus, dans la bicoque où une grand-mère indigne l’éleva, Frank n’était pas chez lui. Le roman raconte l’errance de cet homme au bord de la clochardisation, incapable de trouver un foyer. Un homme qui ne pourra même pas se réfugier en lui-même pour trouver un semblant de paix à cause des terribles cauchemars qui le hantent.
Le roman alterne l’histoire de Frank et celle de Cee jusqu’au moment de leurs retrouvailles. Tous les thèmes habituels de Toni Morrison sont présents dans ce texte court et dense : les liens familiaux, les fantômes du passé, le racisme ordinaire, le rôle des femmes et l’indispensable liberté individuelle. Dans ce portrait cinglant de l’Amérique des années cinquante, l’auteur décrit la colère des siens, la solidarité, l’entraide et le partage qui permettent de supporter l’oppression. Sans morale ni pathos, elle peint le tableau de vies complexes, parfois contradictoires. La construction est habile, la prose est dépouillée, elle va à l’essentiel même si de temps en temps surgissent quelques passages proche d’une certaine poésie. Il se dégage de ce texte d’à peine 150 pages une surprenante puissance romanesque, véritable marque de fabrique de celle qui reste à ce jour le seul auteur afro-américain couronné par le prix Nobel de littérature.
Home se termine sur une note positive. Au bout du chemin, Frank et Cee trouveront une forme de rédemption et d’apaisement. Une porte ouverte sur un avenir meilleur…
Home de Toni Morrison. Christian Bourgois, 2012. 152 pages. 17,00 euros.
L'avis de Choco



1ère participation au mois américain de Plaisir à cultiver