

Éditions Pocket, 2025 (505 pages)
Ma note : 18/20
Quatrième de couverture …
Répondant à l’invitation du comte Dracula, qui prépare son prochain voyage en Angleterre, Jonathan Harker découvre à son arrivée dans les Carpates, un pays mystérieux. Un pays aux forêts ténébreuses et aux montagnes menaçantes. Un pays peuplé de loups et dont les habitants se signent au nom de Dracula. Malgré la bienveillance de son hôte, Jonathan éprouve une angoisse grandissante : Dracula ne se reflète pas dans les miroirs et se déplace sur les murs en défiant les lois de l’apesanteur…
La première phrase
« Bistritz, le 3 mai. Quitté Munich à 8h35 du soir, le 1er mai, avec l’intention d’arriver à Vienne le lendemain de bonne heure. »
Mon avis …
Lorsque Jonathan Harker, jeune clerc de notaire, entreprend un long voyage afin de rencontrer le comte Dracula, le doute et l’effroi s’insinuent rapidement dans son esprit. Si les paysages forestiers des Carpates ne manquent pas de charme, notre héros n’adhère pas franchement aux us et coutumes pratiqués dans cette région reculée. Les paysans se signent sur son passage. Une vieille femme lui glisse dans la main une petite croix. Les loups se regroupent en meute et se font entendre. Mais surtout son hôte, un client fortuné souhaitant acquérir une propriété en plein cœur de Londres, se livre à des habitudes étonnantes. Outre le fait de posséder un teint blafard, il ne s’alimente jamais, ne se reflète dans aucun miroir et (comble de l’horreur) utilise sa force physique peu commune pour ramper le long des murs, la tête en bas ! Pris au piège, Jonathan n’a plus qu’une idée en tête : fuir, pour sauver sa peau mais également pour retrouver sa fiancée, Wilhelmina.
Quel roman fascinant ! Autant vous l’avouer tout de go, cette lecture fut un véritable coup de cœur. Dracula est pour moi un chef d’œuvre de la littérature gothique. Oui, rien que ça ! Les paysages, la nature, sont magnifiquement décrits. Il y a bien sûr des tombes, des cimetières, mais aussi ce château comme laissé à l’abandon, aux couloirs interminables, aux pièces interdites, aux rares meubles couverts de poussière. La première partie du récit, se déroulant en Transylvanie, est glaçante à souhait. On tremble pour Jonathan Harker. On espère qu’il parviendra à quitter ce lieu terrifiant. Mais, surtout, Bram Stoker nous décrit un vampire plus effrayant que jamais ! Derrière moults courtoisies et politesses, celui-ci est en capacité d’exercer une véritable forme d’emprise. Mais il a tout autant le pouvoir de se transformer en animal, de se faire obéir des créatures dites inférieures (les loups en font partie) ou bien encore de commander les éléments. Dracula illustre cette lutte entre le bien et le mal, entre le doute et la croyance.
Le récit est construit exclusivement à partir de lettres et d’extraits de journaux intimes. Le format épistolaire renforce cette sensation d’être au plus près des protagonistes puisqu’ils partagent avec nous leurs émotions, et souvent leurs pensées les plus secrètes. Rapidement, le lecteur est amené à faire connaissance avec Lucy Murray (une amie proche de Wilhelmina) ou encore avec le Dr Seward, un brillant médecin qui dirige une clinique psychiatrique. Les passages où il tente de soigner son patient, Renfield, un adorateur mais surtout une victime du comte, alimentent le climat d’horreur puis la montée en tension à l’œuvre au fil des pages.
Puis, il y a bien sûr le personnage d’Abraham Van Helsing. Ami du Dr Seward, nous rencontrons ce médecin néerlandais alors même qu’il est appelé au chevet de Lucy. Apathique, de plus en plus faible, l’état de la jeune femme inquiète. Ses crises de somnambulisme associées à des pertes de mémoire se multiplient. Pour Van Helsing, commence alors une véritable chasse au monstre. Si l’hypnose et la transfusion sanguine ne suffisent pas à sauver les victimes, le voici qui s’engage alors à traquer personnellement le vampire, jusque dans son antre !
Dracula est ainsi construit en plusieurs parties : le voyage dans les Carpates ; le retour de Jonathan en Angleterre, dans un état traumatique ; l’arrivée du comte et le transport de mystérieuses caisses, puis le final où il est question de chasse au vampire. J’ai beaucoup aimé cette forme d’amitié et d’entraide, indestructible, qui unit nos personnages face à l’horreur de ce qu’ils traversent. C’est émouvant. J’avais réellement l’impression d’être à leurs côtés. Les derniers chapitres qui se déroulent dans un paysage enneigé sont pour le moins haletants. Très affaiblie, Wilhelmina compte sur sa foi pour s’en sortir, tandis que Van Helsing commence à douter de ce qu’il pourrait réellement advenir. Une véritable course contre le temps s’amorce, à leurs risques et périls.
Je pense avoir tout aimé dans ce roman ! Certains passages sont misogynes, oui, mais n’oublions pas que Dracula a été publié en 1897. Wilhelmina (dite Mina) se montre en tout cas plus combative et courageuse que bien des héroïnes de son siècle ! Plutôt que de s’évanouir à chaque ligne, elle est dans l’action. Je pardonne donc à Bram Stoker ces quelques passages où tous les protagonistes louent à l’excès les qualités de Mina (qui se montre notamment performante en dactylographie). Je préfère y voir un témoignage, ô combien précieux, de la manière dont la place de chacun était pensée dans la société de cette époque.
Je ne peux donc que vous encourager mille fois à ouvrir ce roman à l’atmosphère gothique qui tantôt nous glace tantôt nous embarque totalement. Les chapitres consacrés au voyage de Jonathan en Transylvanie ou encore la lecture du journal de bord du Déméter me resteront longtemps en tête. Tout comme les descriptions de Renfield, ce patient destiné à rester enfermé dans sa chambre tant ses comportements intriguent (les médecins autant que le lecteur !). Vous l’aurez compris, je n’ai pas assez de mots pour décrire combien j’ai été happée, scotchée, par l’atmosphère de ce roman. De Dracula, je ne connaissais jusqu’ici que le film de Francis Ford Coppola (que je ne trouve d’ailleurs pas si fidèle que cela au roman). Ici, point d’histoire d’amour entre Mina et Dracula. C’est bien mieux, encore plus haletant et effrayant. Rien ne vaut de toute façon la lecture des œuvres d’origine. En tout cas, depuis que j’ai refermé ce récit, je ne conçois plus du tout les chauves-souris de la même manière !
Extraits …
« Mais comme je tendais l’oreille j’entendis du bas de la vallée le hurlement d’une meute de loups. Les yeux du Comte s’allumèrent comme des braises et il dit : “Écoutez-les donc, ces enfants de la nuit. N’est-ce pas la plus belle des musiques… ?” »
« La tête du comte passa par la fenêtre de l’étage en dessous ; sans voir son visage, je reconnus l’homme à son cou, à son dos, et aux gestes de ses bras. D’ailleurs, ne fût-ce qu’à cause de ses mains que j’avais eu tant d’occasions d’examiner, je ne pouvais pas me tromper. Tout d’abord, je fus intéressé et quelque peu amusé, puisqu’il ne faut vraiment rien pour intéresser et amuser un homme quand il est prisonnier. Ces sentiments pourtant firent bientôt place à la répulsion et à la frayeur quand je vis le comte sortir lentement par la fenêtre et se mettre à ramper, la tête la première, contre le mur du château. Il s’accrochait ainsi au-dessus de cet abîme vertigineux, et son manteau s’étalait de part et d’autre de son corps comme deux grandes ailes. »