En deux mots
À la mort de son grand-père, Yannick hérite d’une modeste ferme en montagne, alors que ses sœurs reçoivent des biens bien plus conséquents. S’il se sent lésé, il décide pourtant de s’installer à Saint-Loup. Là-haut, son talent de photographe et peintre s’épanouit. Il rencontre la maire, la médecin du village. La vie reprend des couleurs.
Ma note
★★★ (bien aimé)
Ma chronique
Le bel héritage
Alain Pyre célèbre la renaissance d’un homme dans les hauteurs des Alpes-Maritimes. En suivant Yannick, qui hérite d’une fermette à Saint-Loup, il dépeint la métamorphose d’un artiste qui, en retrouvant ses souvenirs d’enfance, se construit un bel avenir.
Nous sommes dans une étude de notaire à Nice, en janvier 1999 pour la lecture du testament que Fernand Bianchi a rédigé pour ses petits-enfants. Véronique hérite d’une belle propriété à Lantosque avec sa Renault Twingo. Sophie décroche un appartement de standing à Nice, terrasse panoramique sur la mer. Et Yannick une fermette de trente mètres carrés perdue au « Bout du monde », avec une Vespa de 1967.
Si l’injustice saute aux yeux de la fratrie, Yannick décide malgré tout d’accepter la situation et quitte Paris pour s’installer dans cette ferme délabrée. Et c’est là que la magie opère. Saint-Loup n’est pas un territoire inconnu pour lui. Enfant, il habitait la région avant que ses parents ne décident de partir. Dès son arrivée, les souvenirs émergent. Des images, des odeurs, des sensations enfouies remontent à la surface, comme une reconnexion avec un passé oublié.
Et même si sa situation n’est pas très enviable, il s’accroche, aidé par Marius, son voisin, et deux femmes remarquables : Marie, la maire et Myriam, la médecin. Cette dernière va lui confier ses deux enfants pour une initiation artistique. Ces moments de transmission et de partage sont appréciés autant par le maître que par les élèves. Les photos et les toiles commencent à se vendre, l’artiste va aussi se rapprocher de ses deux sœurs, retrouver une vie sentimentale. Mais dans cette ambiance heureuse le drame n’est jamais loin. Lors d’une sortie en montagne avec les enfants, le trio finit par se perdre et Yannick perd la confiance de Myriam. Cette épreuve révèle la fragilité des équilibres retrouvés et teste la solidité des liens nouvellement noués.
Dans ce paysage qui devient un personnage à part entière, l’artiste trouve de quoi nourrir son art et panser ses plaies. Il joue avec l’ombre des versants, les perspectives changeantes, capture les couleurs, immortalise les lumières. Grâce à sa sœur, son talent, longtemps en friche, trouve l’espace pour s’épanouir en exposant dans une galerie d’art de Menton.
On comprend alors que son héritage n’était pas un cadeau au rabais. Son grand-père avait vu juste. Ce « Bout du monde » était un lieu pour renaître. Un territoire pour se retrouver.
Alain Pyre, dans un style sans fioritures, sait créer des ambiances, faire vivre des lieux. On sent la montagne, on respire l’air pur, on voit la lumière rasante sur les versants et on n’a qu’une envie, partir à notre tour explorer la région.
Par-delà les versants confirme son talent à tricoter des récits où les valeurs humanistes, l’amitié, la famille, occupent une place de choix. C’est un roman lumineux qui fait du bien à celui qui le lit.
Par-delà les versants
Alain Pyre
Éditions de Borée
Roman
202 p., 19,90 €
EAN 9782812940767
Paru le 21/08/2025
Où ?
Le roman est situé principalement dans la région niçoise et le Mercantour.
Quand ?
L’action se déroule de nos jours.
Ce qu’en dit l’éditeur
La lecture du testament de Fernand laisse ses trois petits-enfants abasourdis. Si ses soeurs reçoivent un patrimoine intéressant, Yannick, lui, hérite d’une modeste fermette sur les hauteurs du Mercantour. Pourquoi avoir été ainsi lésé? Vivotant à Paris et n’ayant rien à perdre, il s’installe malgré tout dans ce coin isolé, dans l’espoir de jours meilleurs. Sa passion pour la photographie le mène bientôt à redécouvrir les lieux de son enfance, depuis longtemps quittés. Et si cet héritage n’était finalement pas si anodin?
Les critiques
Babelio
Blog l’atelier de Litote
Blog de Marie Nel
Les premières pages du livre
« 1
Nice, 12 janvier 1999
— Mesdames, monsieur, asseyez-vous, je vous prie.
La voix métallique du notaire rabougri dépasse à peine de son bureau en acajou. Il nous dévisage, par-dessus ses lunettes en demi-lune. Ses doigts effleurent une enveloppe méticuleusement posée sur un sous-main en cuir. Qu’attend-il, dans son trois-pièces sur mesure ?
Pas un souffle. Décor solennel et suranné, sous le clair-obscur de persiennes en bois. Dans un recoin de l’étude au papier peint défraîchi, une fenêtre étriquée concentre de larges panicules de mimosa sur fond d’azur ; enfin une note allègre dans ce cadre oppressant ! Janvier, à Nice, me ferait presque oublier la grisaille parisienne.
— Comme annoncé dans le courrier que je vous ai adressé, je vais procéder à la lecture du testament-partage de votre grand-père, M. Fernand Pierre Jean Bianchi, né à Saint-Loup, dans les Alpes-Maritimes, le vendredi 12 mars 1915. Son décès a eu lieu à Lantosque, le lundi 23 novembre 1998.
Un bref coup d’œil à ma hauteur : deux femmes superbes se tiennent droites, immobiles sur des chaises aux dossiers démesurés. Mes deux sœurs semblent s’être coordonnées sur le code vestimentaire : tailleurs noirs, bas assortis, escarpins à talons, cheveux tirés en arrière. Leur posture s’accorde également en tout point : lèvres pincées, genoux serrés, mains croisées sur des jupes crayon sans le moindre faux pli. Quelle allure ! Quelle élégance ! Quelle distinction ! Et moi, si proche, à quoi dois-je ressembler, mal rasé, flottant dans un pull peluché, avec un jeans rapiécé et des baskets poussiéreuses ? Ont-elles honte de leur frère cadet ? Et ce personnage tout droit sorti d’un placard ou d’un film de Tim Burton, que pense-t-il d’un homme de trente-neuf ans à ce point négligé ?
Je soussigné, Fernand Bianchi, né le 12 mars 1915 à Saint-Loup (06450), demeurant 14, route du Belvédère, à Lantosque (06450), lègue les biens suivants à mes petits-enfants.
À Véronique, la propriété de Lantosque (06450) que j’occupe en ce moment, comprenant une maison avec étage et cave, cinq pièces et trois chambres, d’une surface habitable de cent cinq mètres carrés, sur terrain clos de mille cinq cent quatre-vingt-dix mètres carrés, ainsi que mon véhicule, une Renault Twingo.
À Sophie, l’appartement numéro 2, au quatrième étage de la résidence « Les balcons de la Riviera », au numéro 16, corniche André-de-Joly, à Nice (06300). Ce bien, actuellement mis en location, a une surface habitable de soixante-douze mètres carrés. Il comporte trois pièces, dont deux chambres, une terrasse panoramique donnant sur la ville et sur la mer, une cave privative et un emplacement de stationnement en sous-sol.
À Yannick, ma ferme, sur un terrain de quatre hectares, à l’extrémité du chemin des Feuillus, au lieu-dit le Bout du monde, à 1 300 mètres d’altitude, dans la commune de Saint-Loup (06450). D’une surface habitable de trente mètres carrés, elle possède un espace de vie, une chambre, une étable de vingt-cinq mètres carrés, ainsi que mon premier véhicule, une Vespa de 1967.
Fait à Nice, le vendredi 31 juillet 1998.
Fernand Bianchi
Rédigé à la demande du testateur, M. Fernand Bianchi, par Me Jean-Hubert Lantéri, en son étude sise au 3 bis, avenue Jean-Médecin, à Nice, en présence de Josette Cauvin, résidant 22, rue Bottero, à Nice, et de Pierre Magnan, domicilié au numéro 9, rue Rossetti, également à Nice, en qualité de témoins.
Coup de théâtre, pour nous trois qui ne nous faisions aucune illusion en nous rendant chez le notaire ! Nous n’avons conservé de notre grand-père que des souvenirs de jeunesse remontant au début des années 1970 ; ceux d’un homme rustre, mais droit, travailleur fier et infatigable, condamné à vieillir seul, après avoir perdu son épouse et ses trois enfants.
— Comment est-ce possible ?
Aux yeux interrogateurs du tabellion, Véronique ajoute que nous étions persuadés qu’il vivait dans l’indigence.
— Cela fait presque vingt-sept ans qu’il a rompu les ponts avec nos parents et que nous ne l’avons pas revu.
— À une exception près, précise Sophie, lors des obsèques de Papa et Maman, trois années après leur brouille.
— Parlons-en ! Il n’a rien dit au cimetière, avant de disparaître à jamais.
J’interviens :
— Il faut reconnaître que je l’ai bien aidé ! Si je n’étais pas entré dans une colère monumentale en l’apercevant à l’arrière de l’assemblée, peut-être les choses auraient-elles évolué autrement.
— Tu n’y es pour rien, Yannick, rétorque Véronique, nous étions jeunes et malheureux. Comment aurions-nous pu nous comporter en adultes ?
— Ce n’était peut-être pas possible à l’époque, mais par la suite nous n’avons rien fait pour recoller les morceaux.
— Remuer le fer dans la plaie ne changera pas le passé… conclut Sophie.
Le notaire porte le regard au ciel. Il apparaît encore plus tassé, sous la hauteur démesurée du plafond. Son attention revient vers nous lentement. Il nous dévisage avec une expression troublante. Ce ne sont plus des petits yeux tatillons que nous affrontons, mais deux perles semblant ruisseler de larmes.
— Il ne vous a rien dit à propos de lui ou de nous, au moment de la rédaction de son testament ?
— Non, monsieur Bianchi. Si je me souviens bien, il n’était guère bavard. Je n’ai pas cherché à connaître ses motivations, préférant veiller au respect scrupuleux des volontés de mon client. À l’évidence, il était en pleine possession de ses facultés mentales.
Le silence réinvestit les lieux. Quoiqu’identique au précédent, il s’empare de mon attention qui se met à butiner tout ce qu’elle trouve sur son passage en direction des persiennes et des mimosas. La bouche ouverte, Sophie et Véronique se sont encore raidies sur leurs chaises ; mille questions les taraudent. Et moi, ai-je réalisé l’iniquité de l’héritage et l’injustice dont je suis victime ? Peut-être, après tout, ai-je mal entendu ? Je secoue la tête, mais le silence demeure. Pour l’heure, seuls importent les mimosas…
— Maître, comment est-ce possible ? lance Sophie, la plus impulsive d’entre nous.
Toute l’humanité qui a envahi le regard du juriste se retire à la faveur d’un froncement de sourcils. Il se lève, traverse lentement la pièce et ouvre un long tiroir dont il extrait un dossier. Revenu derrière son bureau disproportionné, il tourne des pages remplies d’écritures serrées. Que recèlent ces lignes qu’il ne nous appartient manifestement pas de connaître ? Je sais que je me fais de fausses idées : la plupart d’entre elles doivent simplement définir le cadre juridique des deux ou trois passages susceptibles de nous intéresser.
— Au vu des éléments en ma possession, la loi ne m’interdit pas de vous divulguer ce dont le testateur m’a fait part : il n’a exprimé aucune objection à cet égard. Je devais le vérifier.
Nous l’observons, le souffle suspendu. Jamais des secondes ne nous ont paru si longues et imprévisibles. Que vont-elles nous apprendre ? Quel secret de famille bouleversera sous peu nos certitudes ? Il replonge dans le dossier.
— Vous m’avez signalé que vos derniers contacts avec le défunt remontent aux années 1970… Voyons quelles informations ultérieures auraient pu être consignées par mon clerc, dit-il en arpentant des feuilles entières d’une voix disséquant chaque syllabe. Vous êtes forcément au courant de la mort de votre grand-mère, Jeanne Bianchi, née Rossi, à seulement trente-sept ans, en 1953… Ah ! voici quelque chose susceptible de vous intéresser : le remariage de M. Bianchi en 1975.
Nous nous dévisageons tous les trois, incrédules et interdits.
— Elle s’appelait Madeleine Pietri et a vu le jour en 1922, à Lantosque. Après s’être unie avec un certain Scipion Giordano, en 1946, elle s’est retrouvée veuve à l’âge de quarante et un ans. Elle est ensuite retournée dans son village d’origine, avant d’épouser votre aïeul et de s’installer chez lui, à Saint-Loup.
Sophie intervient :
— Vous employez l’imparfait. Ça veut dire…
— Qu’elle est décédée, effectivement ! Attendez… Oui, il y a un peu plus de deux ans : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle n’est pas présente parmi vous, en tant qu’héritière.
— Elle n’avait pas d’enfants ? poursuit-elle.
— Aucun successeur : vous constituez la seule famille du défunt.
— Remarié en 1975 : l’année de l’enterrement de Papa et Maman ! s’étonne Véronique. Connaissez-vous la date ?
— Voyons… Le 26 juillet.
— Et les obsèques ont eu lieu le 1er octobre, enchaîne cette dernière. Peut-être Papy allait-il nous apprendre, au cimetière, qu’il venait de se remarier et nous présenter sa femme ?
Je réagis à mon tour :
— Si ça se trouve, elle était là, à ses côtés, sans qu’on la remarque !
Une deuxième fois, en quelques minutes à peine, je me surprends à culpabiliser de mon attitude à l’égard de notre grand-père, lors des funérailles de nos parents.
— Et ensuite ? demande Véronique qui ne comprend toujours pas d’où proviennent les propriétés dont nous semblons hériter.
— Attendez… Oui, c’est cela, répond le notaire, les biens procèdent de la tante de la seconde épouse de Fernand Bianchi : Anna Mercier, née Pietri, à Tende, en 1895. Elle est décédée en 1987 à Aix-en-Provence, où elle a vécu toute son existence, après son mariage avec un commerçant ayant fait brillamment fructifier les affaires familiales.
— Ils n’avaient pas de descendance ? rebondit Sophie.
— Si ! Mais les biens qui vous reviennent par l’intermédiaire de votre arrière-belle-mère ne correspondent qu’à une partie de la succession d’Anna Mercier. Le reste a été réparti entre d’autres bénéficiaires.
— Sacré magot ! s’exclame Véronique, l’aînée de mes sœurs. Désolée ! ajoute-t-elle, écarlate.
Faisant mine de ne pas avoir relevé ses propos, le notaire nous apprend que l’importante somme parvenue sur le compte bancaire de notre grand-père a été investie par le couple dans la pierre.
— Paysans de souche, ils ne juraient que par des placements tangibles.
Il s’empresse de signaler que sa remarque ne comporte aucune connotation péjorative.
— Comment savez-vous cela ? Il ne m’a pas semblé vous avoir vu le lire dans le dossier.
— Exact, monsieur Bianchi : je m’en souviens, car j’ai moi-même procédé à l’enregistrement des biens acquis par votre aïeul et sa seconde épouse. J’ai d’ailleurs salué la pertinence de leurs choix : un appartement luxueux, idéalement situé sur les hauteurs de Nice, pour une mise en location ; et une propriété récente et confortable, avec vue imprenable sur la vallée de la Vésubie, dans une localité de plus en plus prisée. Pour être franc – et j’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur –, j’ai songé qu’ils avaient été judicieusement conseillés.
— Et son ancienne ferme ?
La mine du notaire s’assombrit. Je sonde discrètement la réaction de mes sœurs, tiraillé entre inquiétude et curiosité.
— Sur ce point, monsieur Bianchi, vous me voyez dans l’incapacité de vous répondre. Rien n’a été consigné lors de la rédaction du testament à propos de l’habitation de Saint-Loup dans laquelle votre parent a vécu jusqu’à son déménagement à Lantosque. »
À propos de l’auteur
Alain Pyre © Photo Le Démocrate
Alain Pyre est un romancier français publié aux éd. de Borée, aux éd. Gabelire et chez France Loisirs. Ingénieur en aérospatiale et formateur, ses romans explorent les comportements humains lors de passages clefs de l’existence. La nature — la montagne en particulier — occupe une place centrale dans ses ouvrages. (Source : Éditions de Borée)
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