

Éditions 10/18, 2003 (319 pages)
Ma note : 15/20
Quatrième de couverture …
Dans l’espace de temps (1928-1961) qui sépare la première apparition de Maud Silver de la dernière, le rôle de la femme dans la société a considérablement évolué. Les romans de Patricia Wentworth ne tracent pas seulement le panorama de cette évolution. Ils proposent également, à travers le personnage de Miss Silver, une réelle alternative à l’état de dépendance et aux liens de subordination qui caractérisent la condition féminine de son temps.
Mon avis …
Loïs Latter semble avoir tout pour elle : la beauté, l’argent, le charisme et un mari qui l’aime. Lorsqu’un médium renommé lui annonce qu’elle sera sous peu victime d’un empoisonnement, la voici dans tous ses états ! Qui donc pourrait lui en vouloir au point de chercher à l’assassiner ? Menant son petit monde à la baguette, Loïs peine à comprendre qu’elle est antipathique au possible. Anthony Latter, une ancienne conquête, et Julia Vane, une cousine éloignée, sont bien les seuls à lui tenir tête. Lors d’un repas familial, prise de nausées, Loïs en est certaine : quelqu’un a dû empoisonner le café turc qu’elle tient tant à déguster. Miss Silver entre alors en scène, et conseille dans un premier temps à Jimmy Latter de consommer les mêmes plats et boissons que son épouse. Ce qui n’empêchera pas de retrouver le corps inanimé de Loïs, quelques jours plus tard… Meurtre prémédité ? Suicide ? Toutes les pistes sont alors explorées.
Publié en 1947, Le marc maudit (Latter End) signe mes retrouvailles avec miss Maud Silver. Lues il y a plusieurs années, j’avais plutôt apprécié les premières enquêtes mettant en scène notre détective : Le masque gris, L’affaire est close et Le chemin de la falaise. Si elle présente quelques points communs avec une certaine Jane Marple, miss Silver possède sans doute un côté un peu plus guindé. Il faut imaginer une vieille dame respectable, au chignon strict, qui ne se sépare jamais de son tricot ou encore de ses tenues victoriennes (passées de mode depuis un long moment déjà). Sa présence reste parfois discrète selon les enquêtes. Reste que je trouve cette série so british fort sympathique : une fois de plus, je n’ai pas boudé mon plaisir !
Patricia Wentworth nous propose ici un huis clos familial à la sauce Cluedo. Les suspects ne manquent pas, et miss Silver se retrouve à seconder Scotland Yard pour démêler le vrai du faux. L’atmosphère surannée de ce récit est délicieuse, tout comme j’ai apprécié me plonger dans cette peinture de la société anglaise d’après-guerre. On ressent bien sûr que l’heure est au changement, que ce soit au niveau de la condition féminine de l’époque ou encore sur la question de la domesticité. J’ai plus que tout aimé me perdre dans les couloirs de Latter End, ce manoir qui nous semble absolument magnifique, tout comme j’ai adoré détester le personnage de Loïs.
Malgré quelques longueurs, on ne s’ennuie pas une seule seconde. Les portraits psychologiques sont suffisamment étoffés, et l’on se plaît à assister aux histoires d’amour et jeux de dupes des uns et des autres. Le final se montre quant à lui bien pensé, même si je m’y attendais un peu (l’hypothèse m’avait traversé l’esprit à un moment donné). Je garde en tout cas un bon souvenir de cette lecture. Si je préfère sans aucun doute Hercule Poirot (indétrônable à mes yeux !) à miss Silver, j’apprécie cette série de romans pour son atmosphère so british et l’écriture, surannée mais non dénuée de charme, de Patricia Wentworth.
Extraits …
« Elle était assise très droite, nette et démodée, de sa coiffure à ses petits pieds placés sagement côte à côte. Elle avait une frange frisottée et un chignon serré sur la nuque, sévèrement maintenu par une résille. »
« – Ne vous désolez pas comme ça mon canard. Je ne peux pas croire qu’il arrivera du mal à Mr Jimmy à cause de cette mauvaise femme, qu’avait pas plus de cœur qu’une noix pourrie. Préparez-vous une bonne tasse de thé et ne vous laissez pas abattre. »