Ma note Ma chronique Une maison isolée dans un coin perdu. C’est là que vit un homme en compagnie d’un chien. Alors que tombe la première neige de l’hiver et que le jour décline, il est surpris par des coups frappés à sa porte. La femme qui se présente lui dit s’appeler Isabelle et qu’elle est tombée en panne à proximité de sa maison. Ce que recouvre la neige Où ? Quand ? Ce qu’en dit l’éditeur Les critiques Les premières pages du livre Elle La première chose qui me frappa lorsque j’entrai dans le chalet fut l’atmosphère de solitude jalousement entretenue qui y régnait. C’était difficilement descriptible mais très présent. On eut dit que quelqu’un l’avait bâti seul, pierre après pierre, à la force de ses muscles et qu’il comptait en avoir tout aussi seul la jouissance. J’avais une grande connaissance de la solitude et celle-c1 était protégée comme une citadelle imprenable. Extraits « Je ne sais plus comment elle était habillée, quelle coupe de cheveux elle avait, ni même les premiers mots qu’elle avait prononcés mais j’ai sy immédiatement qu’avant de la rencontrer, je vivais dans l’obscurité. C’était comme si j’avais passé toute ma vie sous une éclipse et qu’enfin la lune ne masquait plus le soleil. Elle ne m’a pas seulement ouvert les yeux, elle à éclairé mon regard. » p. 74 « Finalement, j’ai fait ce que je savais faire de mieux. J’ai laissé tomber tout ce que j’avais en cours et je lui ai écrit un livre. Je l’ai sobrement intitulé Alexandra. Ça m’a pris quatre semaines. Quatre semaines. Tous mes autres romans ont mis plus d’un an et demi. Ce furent les quatre semaines les plus fécondes que je n’ai jamais vécues. J’étais. envoûté. Les phrases coulaient toutes seules de mes doigts. J’en avais partout sur les mains, dans ma tête, dans mes oreilles, mes yeux. J’étais recouvert de mots. Je n’avais jamais connu ça et ne le connaîtrais plus jamais. Il me suffisait de penser à elle pour qu’éclaboussent dans ma tête des phrases, des images. C’était tellement intense, violent que c’en était presque effrayant. C’était magique. J’étais réellement habité, et elle était mon hôte. Ces quatre semaines furent si intenses que j’aurais pu en crever. » p. 83 « J’ai raconté l’éblouissement, maintenant je dois raconter l’obscurité qui petit à petit nous a encerclés. À propos de l’auteur Stéphane Lavaud © Photo DR Né au siècle dernier en banlieue parisienne, Stéphane Lavaud partage son temps entre l’écriture, la musique et ses activités professionnelles. Ce que recouvre la neige est son troisième roman. (Source : Éditions La Part Commune) Compte Instagram de l’auteur Tags
★★★★ (j’ai adoré)Quand la mort frappe à votre porte
Stéphane Lavaud signe un roman envoûtant, un récit troublant dans lequel réalité et fantasme se mêlent dans une danse macabre. Un huis clos hivernal entre un écrivain déchu et une femme mystérieuse qui nous tient en haleine jusqu’à la dernière page.
Sachant que personne ne viendrait ici sans raison, l’homme finit par lui faire avouer qu’elle est bien venue pour le voir, qu’elle est le visage de la mort. Une relation étrange s’installe alors entre eux. L’homme accepte cette présence avec une résignation troublante : « C’est peut-être suicidaire mais après tout, c’est l’état d’esprit permanent dans lequel je me trouve depuis que j’ai emménagé ici. Je sais très bien vivre avec ce sentiment. Ce n’est pas mourir qui m’effraie, mais de vivre sans toi. Et puisque tu n’es plus là, puisque j’ai toujours froid, mourir en essayant de me réchauffer ne me paraît pas dénué de bon sens. »
On comprend que c’est à la suite d’une déception amoureuse qu’il a choisi de vivre reclus. Alors, peu à peu, l’intrigue glisse vers le roman noir. Au fil de sa confession, on apprend que l’homme était un écrivain à succès, couronné de prestigieux prix littéraires. Il était marié et vivait un bonheur tranquille jusqu’au jour où il avait rencontré une journaliste venue l’interviewer. Une rencontre foudroyante : « Je ne sais plus comment elle était habillée, quelle coupe de cheveux elle avait, ni même les premiers mots qu’elle avait prononcés mais j’ai su immédiatement qu’avant de la rencontrer, je vivais dans l’obscurité. C’était comme si j’avais passé toute ma vie sous une éclipse et qu’enfin la lune ne masquait plus le soleil. »
Subjugué, l’écrivain ne pense plus qu’à une chose, la conquérir en lui écrivant un livre. « Finalement, j’ai fait ce que je savais faire de mieux. J’ai laissé tomber tout ce que j’avais en cours et je lui ai écrit un livre. Je l’ai sobrement intitulé Alexandra. Ça m’a pris quatre semaines. Quatre semaines. Tous mes autres romans ont mis plus d’un an et demi. Ce furent les quatre semaines les plus fécondes que je n’ai jamais vécues. J’étais. envoûté. Les phrases coulaient toutes seules de mes doigts. J’en avais partout sur les mains, dans ma tête, dans mes oreilles, mes yeux. J’étais recouvert de mots. Je n’avais jamais connu ça et ne le connaîtrais plus jamais. Il me suffisait de penser à elle pour qu’éclaboussent dans ma tête des phrases, des images. C’était tellement intense, violent que c’en était presque effrayant. C’était magique. J’étais réellement habité, et elle était mon hôte. Ces quatre semaines furent si intenses que j’aurais pu en crever. » La période qui a suivi était forte, intense. Le bonheur si parfait, qu’il ne pouvait durer.
Le huis clos devient de plus en plus étouffant. Un soupçon de folie plane sur ce face-à-face. On se demande si Isabelle n’est pas qu’une illusion, un produit de l’esprit torturé de cet homme brisé.
Stéphane Lavaud manie le suspense avec maestria. L’intrigue semble nous amener sur différentes pistes. Le côté mystique est savamment entretenu. Cette mort qui prend les traits d’une femme, cette confession qui se déroule dans l’intimité glacée d’une maison perdue, tout concourt à créer une atmosphère unique.
« J’ai raconté l’éblouissement, maintenant je dois raconter l’obscurité qui petit à petit nous a encerclés. » Car après l’extase vient forcément la chute. Le bonheur si parfait ne pouvait durer.
L’auteur sait faire monter la tension jusqu’au moment de faire tomber les masques. Il livre le secret de cette rencontre à haut risque avec une précision chirurgicale. Chaque révélation nous rapproche de la vérité, chaque confession nous enfonce un peu plus dans l’abîme de cette âme en perdition.
Ce que recouvre la neige nous rappelle avec force que parfois, certaines peurs, certaines douleurs nous conduisent à des actes qui peuvent faire de nous des monstres. Un roman troublant qui interroge sur les méandres de l’âme humaine. Un coup de maître.
Stéphane Lavaud
Éditions La Part Commune
Roman
162 p., 17,90 €
EAN 9782844185228
Paru le 11/09/2025
Le roman est situé principalement en France, dans un endroit isolé non précisé ainsi qu’à Paris.
L’action se déroule de nos jours.
Un homme en quête de sa propre fin.
Une femme qui vient bousculer sa réalité.
Ensemble, ils vont jouer à un jeu mortel.
Qui, de la vie ou de la mort, sortira vainqueur ?
Suite à une déception sentimentale, un écrivain s’isole dans un chalet retiré, où, profondément meurtri et déprimé, il y attend la mort. Alors qu’une tempête de neige fait rage, une inconnue frappe à sa porte. Prétextant avoir été surprise par la tempête, elle cherche un refuge.
Rapidement, l’homme devine que cette femme n’est autre que la mort personnifiée et qu’elle est venue pour l’emporter.
Elle lui propose alors un marché : raconter l’histoire tragique qui l’a amené à souhaiter mourir et, en retour, elle décidera de son sort. Une fois son récit achevé, son hôte mystérieuse lui montre un visage tout à fait inattendu, le poussant à douter de tout, même de sa propre raison. Et si la mort avait un visage ? Et si ce visage était celui de la vérité ?
Babelio
« Lui
Ils avaient annoncé de la neige pour la nuit et moi, j’attendais.
Assis en tailleur sur le sol, enroulé nu dans une couverture, je patientais. La fenêtre face à moi occupait toute mon attention et emplissait mon esprit d’un étrange mélange de curiosité et de calme. J’étais curieux de neige et l’attente m’apaisait. La frêle lueur du feu qui se diffusait dans la pièce était propice à la contemplation, la couverture qui m’entourait réchauffait mon corps pâle. Tout était immobile. Tout était parfait. Mon état d’esprit était tel que plus rien n’importait hormis les gros nuages blancs et leur contenu poudreux suspendu dans le ciel derrière ma fenêtre. Ce n’était pas beaucoup mais pour moi, c’était énorme. Ça faisait combien de temps que je n’avais pas attendu quelque chose ? Combien de temps que je n’avais pas espéré ?
Pastorius aussi attendait. Bien sagement assis, le museau relevé, il semblait captivé par la contemplation du monde mystérieux derrière le rectangle de la fenêtre. Le ciel capturait toute son attention. La légère inquiétude que l’on pouvait déceler dans son regard n’altérait en rien le contentement qui s’y lisait. Lui aussi savait qu’il allait neiger. Il le savait mieux que moi.
L’éclat des flammes dans la cheminée baguenaudait À travers la pièce d’un pas feutré. Ce qui émanait de l’âtre était à la fois son, lumière et chaleur. Je n’avais besoin de rien de plus. Le hurlement du vent dehors que le simple vitrage n’arrivait pas à faire taire, en se mélangeant au doux crépitement du feu, mâtinait le silence d’une touche de mystère. Bien qu’assourdi, ce bruissement était suffisamment présent pour être ressenti comme une troisième présence. Il y avait moi, le chien, et ce silence de faussaire.
À mes pieds, des livres éparpillés. Au fond de la pièce, un piano orné d’une vieille partition. Sur un mur, une photo jaunie représentant deux alpinistes du début du vingtième siècle. Dans un coin, le téléphone que j’avais rendu muet en arrachant la prise. Une petite lampe éteinte, un fauteuil décati, la couverture de Pastorius, la cheminée, un bout de papier, moi.
Ils avaient annoncé de la neige pour la nuit, et moi, j’attendais. En fait, cela faisait six mois que j’attendais. Six mois que tu es partie.
Je passais machinalement mes doigts entre les oreilles tombantes de Pastorius. Le vieux chien plissa les yeux de plaisir sans pour autant quitter du regard la fenêtre. Avec le temps, lui aussi avait appris à distinguer l’essentiel du superflu. Avec l’âge, il sentait de plus en plus mauvais et passait l’essentiel de son temps à dormir. Cela ne me gênait pas. Moi-même, je ne devais pas sentir si bon que ça. Sa compagnie m’était justement agréable grâce à ces traits que je reconnaissais être, à d’autres niveaux, également les miens. On se sent toujours mieux lorsqu’on est deux à pencher du même côté. Moi qui n’avais jamais aimé les chiens (et les animaux en général), je comprenais mieux à présent pourquoi on les qualifiait de « meilleurs amis de l’homme. » J’étais d’accord, en y incluant la condition de vivre soi-même comme une bête. Chaque jour de solitude me rendait un peu plus animal et chaque nuit blanche me poussait à hurler silencieusement cette solitude à la lune. Ah, cette fichue solitude, qui n’était pas assez puissante pour me submerger mais ne me permettait de respirer qu’une fois sur deux. Cette solitude qui m’accablait mais ne m’accablerait jamais autant qu’une présence. J’en avais besoin comme l’alcoolique a besoin d’un verre, même s’il sait que ça le tue à petit feu. Pas parce que c’est mieux, mais simplement parce que c’est plus vivable ainsi.
Hormis les rares visites de Génaro, je vivais dans l’isolement le plus total. Il passait quelques heures dans l Semaine, pour faire un petit peu de ménage, me ramener du bois pour la cheminée et cuisiner. Outre une force impressionnante pour son âge, il était aussi bon bricoleur. Moi qui n’ai jamais été très habile de mes mains, il m’avait surpris en débouchant l’évier avec un sac plastique en moins de temps qu’il ne m’en aurait fallu pour appeler un plombier. De toute façon, comment aurais-je fait pour appeler un plombier alors que j’avais saccagé le téléphone ? Il sonnait trop. De plus, grâce au ciel, Génaro n’était pas très bavard et se déplaçait silencieusement. À moins que ce ne soit moi qui devenais sourd ? À force de solitude et de silence, peut-être mon ouïe s’était-elle engourdie tout comme moi ? Peut-être que la chape de glace qui se formait autour de mes pensées commençait à emprisonner mes autres sens ?
En fait, je crois que je ressemblais plus à Pastorius, à l’espèce animale en général, qu’à un être humain. Moi, je ne me ressemblais plus. De quelqu’un, j’étais devenu personne. J’avais perdu mon identité et délesté mon existence de bon nombre de ses besoins en emménageant ici. Même mon égo, si fort autrefois, je l’avais réduit à néant, le foulant furieusement du talon pour qu’il n’en reste que poussière. De la poussière et des cendres. De la terre noire et stérile. Cela faisait une éternité que je n’avais pas rencontré mon visage dans un miroir mais si cette rencontre avait eu lieu, je suis persuadé que je n’y aurais rien vu s’y refléter. Un vampire. Un vampire se nourrissant de son propre sang. Un vampire cannibale. Je m’étais tellement dépouillé que j’en devenais invisible. J’étais venu ici les mains vides, et m’étais dépiauté de mes oripeaux, conscient du lourd fardeau qui, de toute façon, m’incombait et qu’il me faudrait inévitablement porter seul. C’était amplement suffisant. Même nu et vide, ce poids pesait comme mille enclumes. À part pour caresser la truffe de Pastorius et espérer que dans le ciel percent les nuages, je n’avais de force pour rien d’autre.
Pour la première fois depuis longtemps, j’eus envie de fumer ; l’une des nombreuses habitudes que j’avais laissées derrière moi, inutile.
Le premier flocon, danseur éphémère, tomba miraculeusement, se faisant aussitôt malmener par le vent qui perturba sa course. Comme un trapéziste ivre, il virevoltait sous le chapiteau de la nuit, se lovant dans sa noirceur pour en être expulsé et réapparaître, chancelant, dans l’air glacial. Sa trajectoire, faite de courbes gracieuses et de subtils entrelacs m’hypnotisait. Le cristal d’eau immaculé pirouetta encore Une fois puis s’élança vers moi avant de s’écraser contre la vitre. Aussi minuscule fût-il, j’en ressentis le choc dans Mon sternum.
Pastorius émit un gémissement.
Un frisson me parcourut l’échine.
On frappa à la porte.
Je ne bougeais pas. La possibilité que l’on frappe à ma porte à une heure aussi incongrue était pratiquement inexistante. Pour les autres moments de la journée, improbable. C’était justement pour cette raison que j’avais choisi cette maison. Située sur le flanc d’une colline à l’accès peu praticable, isolée des autres habitations, elle me procurait l’isolement et le calme dont j’avais tant besoin. Mes plus proches voisins vivaient à des kilomètres de là et je doutais même qu’ils connaissent mon existence.
On frappa de nouveau. Plus fort. Des coups secs et pugnaces. Je ne bougeais toujours pas. Pastorius dressa les oreilles. Les coups se firent plus insistants, presque suppliants. Je remontais la couverture sur mes épaules. Pastorius grogna. Un éclat de bois fit crépiter le feu.
Alors, elle m’apparut.
Emmitouflée sous une longue écharpe de laine, un gros bonnet lui mangeant le haut du visage, je la vis, face à moi.
Un sourire crispé aux bords des lèvres, d’une pâleur à crever Ja nuit, je l’aperçus, derrière la fenêtre, comme déposée par mon premier flocon de neige. Elle articula des mots que le vent s’empressa de dévorer. Pastorius gémit. Un pan de ma couverture glissa sur mon épaule. Je me levai à contrecœur.
Dissimulant du mieux que je pus ma nudité à l’aide du plaid, j’ouvris la porte et, sans même attendre qu’elle n’en franchisse le seuil, regagnai ma place.
Elle entra.
Comme si elles avaient synchronisé leurs mouvements, au même instant, des milliers de petites étoiles blanches et glacées se mirent à jaillir du ciel en trouant les ténèbres. Les nuages avaient enfin ouvert leur ventre et se vidaient de paillettes cristallines.
Ils avaient annoncé de la neige pour la nuit. Ils ne s’étaient pas trompés.
Tout ici paraissait replié sur soi-même, ne vivre que pour soi. Le feu dans la cheminée se regardait resplendir. Le piano poussiéreux qui ornait un coin se récitait silencieusement des mélodies secrètes. Même les livres, éparpillés sur le parquet de bois, ne paraissaient pas avoir besoin de lecteurs. L’horloge murale égrenait un temps que tous dédaignaient. Et cet homme, maître de cérémonie de ce monde enfoui dans le monde, de cet univers de solitude, veillait farouchement le silence.
Assis à même le sol, recouvert d’une lourde couverture bleu persan, il ne semblait pas décontenancé par ma visite, impromptue. Tout juste intrigué. C’était un peu comme s’il m’attendait. Son attente avait pris fin et il me regardait sans impatience. Le chien, par contre, prit peur et s’enfuit. Lui avait deviné. Les animaux savent ces choses-là.
Le feu dans la cheminée exhalait une agréable odeur de résine. Je m’en approchai pour m’y réchauffer. Le silence avait pris les choses en main. Il me regarda enlever mes gants et mon écharpe sans faire de commentaire. Il fut juste un peu surpris de la réaction de son chien mais retomba aussitôt dans une sorte de contemplation. Il attendait la suite des événements, ou peut-être tout simplement que je m’en aille. Me frottant vigoureusement les mains, je me demandais quand allait-il me demander des explications. Rien ne vint. [l était cloué dans la nuit. J’enlevais mon manteau glacé et humide. Quelques flocons tombèrent de mon col sur le s0l et moururent au même instant. N’était-ce pas Shakespeare qui s’était demandé ce que devenait le blanc, une fois la neige fondue ? Il meurt, c’est tout, comme toute chose.
Dans le silence et l’obscurité, je m’approchais davantage du feu, enlevais mon bonnet et déversais mes cheveux.
Je sentais son regard posé sur moi. Un regard perçant. Il n’avait toujours pas prononcé un mot. Me sentant étouffée par ce mutisme, je me décidai à rompre le silence. Tout en continuant à me frotter les mains au-dessus du feu, je dis :
— Excusez-moi de vous déranger à cette heure, mais je suis tombée en panne pas loin d’ici. Heureusement j’ai vu de la lumière et votre maison. Toujours pas un mot, juste quelques clignements d’yeux m’incitant à continuer.
— … Mais je ne vais pas vous déranger bien longtemps. Il me faudrait juste donner un coup de téléphone. Mon portable ne capte pas ici. Contre toute attente, il déclara :
— Je n’ai pas le téléphone. Sa voix, pourtant peu sonore, détonna dans l’épais silence. Une voix rauque, presque enrouée, mal éclaircie. Une zébrure dans le calme.
— C’est pas un téléphone, là-bas ? lui demandais-je en désignant du menton l’objet posé sur un tabouret en bois.
— Il ne marche pas. D’un rapide coup d’œil, je vérifiai la prise. Des fils nus agonisaient, décapités. J’imaginais sans mal que c’était lui qui avait organisé ce saccage.
— Vous n’avez pas un portable, une connexion Wi-Fi ou même, je ne sais pas, un radio-émetteur ?
Son regard ne fit que confirmer ce que j’avais deviné. J’eus même droit à un piètre sourire à l’évocation du Wi-Fi.
— Non, je n’ai rien de tout ça, déclara-t-il. |
— Comment faites-vous pour communiquer ?
Il haussa les épaules :
— Je ne communique pas. Décontenancée, je m’approchais du feu en me frottant les bras. Je n’arrivais toujours pas à me réchauffer. Mes os étaient glacés. Le chien n’était toujours pas réapparu. La nuit nous observait.
Frissonnante, je lui demandais :
— Excusez-moi de vous demander ça, je ne voudrais pas abuser de votre gentillesse mais auriez-vous quelque chose de chaud à boire ? Je suis glacée. Je dois être en hypothermie. Du thé ou du café, n’importe quoi qui puisse me réchauffer. Quelque chose de chaud et fort.
Il me regarda un long instant avant de répliquer en m’indiquant une direction du bout du menton :
— Dans la cuisine. Placard de gauche. Première étagère.
Il resserra la couverture autour de son cou.
Me contentant de ces ellipses, je me dirigeais vers la petite cuisine. Placard de gauche. Première étagère. J’y trouvais du café, des filtres à café ainsi que des bols dépareillés et une petite bouteille de rhum de cuisine. Je repérai une cafetière sale sur un évier en émail veiné de salissures noires. J’eus instinctivement envie de prendre une éponge et de frotter ces taches profondément ancrées. Je Îles trouvais dérangeantes, presque obscènes. Je voulais les faire disparaître, les faire mourir comme de la neige fondue. Je me retins. Je nettoyais quand même la cafetière et la remplis d’eau, puis je mis un filtre en papier dans lequel je versai du café. Je sortis la bouteille de rhum et en but une longue gorgée à même le goulot. Le goût était horrible et le choc si subit que j’en eus les larmes aux yeux mais immédiatement je sentis une vague de chaleur irradier mon corps. Pendant tout le temps que le café coula, je restais debout à contempler la cafetière et à écouter son glouglou grotesque.
« C’est peut-être suicidaire mais après tout, c’est l’état d’esprit permanent dans lequel je me trouve depuis que j’ai emménagé ici. Je sais très bien vivre avec ce sentiment. Ce n’est pas mourir qui m’effraie, mais de vivre sans toi. Et puisque tu n’es plus là, puisque j’ai toujours froid, mourir en essayant de me réchauffer ne me paraît pas dénué de bon sens. » p. 56
Les images arrivent étonnamment vite dans mon esprit. Comme si elles attendaient, patiemment, tapies derrière une porte que j’avais cru close à jamais. Comme si elles savaient que malgré mes vœux, il ne fallait pas qu’elles disparaissent, que j’aurais de nouveau besoin d’elles, qu’un jour je laisserai un passage, une lumière, pour qu’elles puissent se faufiler. La béance que je laisse à mes souvenirs provoque un tel appel d’air qu’ils s’engouffrent tous, sans hiérarchie de temporalité ou d’portance. C’en est suffocant. » p. 104
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