Haute-Folie

  Haute-FolieEn lice pour le Prix Castel 2025

En deux mots
L’incendie de la ferme familiale un soir d’orage va entraîner des drames cascade. Joseph, qui deux ans au moment des faits, va tenter de se construire une vie loin des malheurs. Mais le passé ne s’efface pas si aisément.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

« Un fantôme que hantent d’autres fantômes »

Dans un roman plein de bruit et de fureur, de silences et de secrets, Antoine Wauters raconte les drames qui ont frappé la famille de Blanche et de Gaspard. Et comment leur fils Joseph, après une longue guerre errance, à retrouvé ses racines. Une quête bouleversante.

Un soir d’orage, Gaspard assisté impuissant à l’orage qui va provoquer l’incendie de leur ferme de Haute-Folie que son ivrogne de père à oublié d’assurer. Blanche, son épouse, le verra essayer de lutter toute la nuit avec des moyens dérisoires avant de devoir constater, épuisé, qu’il ne reste que des ruines fumante, quelques oies et huit vaches. Les bêtes et la famille vont trouver asile chez Léo, le frère de Gaspard, et sa femme Anna, le temps de se retourner.
Et pendant que Gaspard cherche un nouveau travail pour nourrir les siens et reconstruire la ferme, Blanche s’occupe de leur fils Josef, né alors que la ferme familiale brûlait.
Quand Jungker offre à Gaspard un pécule lui permettant de lancer les travaux de reconstruction à condition qu’il rénové l’aile ouest de sa ferme, il entrevoit le bout du tunnel. Mais une fois les travaux terminés, il lui offre de lui racheter ses huit vaches en échange d’une somme conséquente. Gaspard va finir par accepter et débuter la reconstruction. C’est au moment où la famille fête la naissance de leur fille que Jungker débarque avec des hommes de main, exigeant d’être remboursé sous prétexte que ses vaches étaient malades et mourraient l’une après l’autre.
Face à l’injustice Léo ne décolère pas, mais son frère finit par obtempérer et rembourse l’escroc.
Ce faisant, il signe son arrêt de mort. Après avoir tenté en vain de trouver un nouveau travail et sauver sa ferme, il fait le constat de son échec et se pend à la poutre de la grange en laissant un mot pour demander pardon. À côté de sa tombe viendra s’ajouter celle de sa fille, emportée par la maladie.
Un peu plus tard Jungker est retrouvé égorgé au côté de Blanche, qui s’est donné la mort après s’être vengée.
Aux côtés de Léo et Anna, ses parents adoptifs, Josef va grandir en essayant d’occuper ce lourd passé. Seulement voilà, il côtoie un oncle qui ne se pardonne pas la perte de son frère et va sombrer à son tour. Et quand l’amour vient mettre du baume sur son cœur meurtri avec l’arrivée de Fermine, une jeune fille venue seconder Anne à la ferme, la guerre vient mettre un trait brutal sur leur relation. Il s’enfuit et va chercher à écrire une nouvelle histoire, loin de la Haute-Folie du monde.
Mais ce fantôme reste hanté par ses autres fantômes.
Ce roman se lit presque en état de transe. Les mots touchent le cœur et l’âme. Wauters cisèle chaque phrase avec un souci constant du mot juste. Qu’il décrive « les corymbes du pommier changés en brandons roux », les tourments de l’âme ou « l’amour dans les fougères », sa langue irradie.
On pense à Madelaine avant l’aube de Sandrine Collette. Même force des liens familiaux. Même puissance du lieu. Même écriture éblouissante au service d’une tragédie rurale. Mais Wauters va plus loin dans l’exploration de la mémoire. Il écrit depuis « une petite chambre à cheval entre mémoire et oubli ». Car ce livre pose une question vertigineuse : comment vivre quand toute sa lignée s’est tue ? « Certains êtres ne nous quittent pas, même quand ils meurent », affirme le narrateur. « Ils disparaissent, or ils sont là. » Les morts parlent à travers les vivants. Les lieux hantent ceux qui les ont fuis. « Je ne suis pas loin de croire que ce sont eux qui écrivent nos vies. »
Après Nos mères (Prix Victor Rossel 2013), Pense aux pierres sous tes pas, Ténèbre, et surtout Mahmoud et la montée des eaux (2021), Antoine Wauters s’impose comme une voix majeure de la littérature belge et francophone. Son écriture, d’une densité poétique rare, explore les failles de l’intime et les blessures transgénérationnelles.
Dans ce livre puissant, Josef chemine vers une forme de pureté en se défaisant progressivement « des oripeaux du monde et du poids de sa lignée ». L’errance devient quête. Le silence, parole.
La version audio, dite par Alexandre Pallu, magnifie cette traversée des ténèbres. Sa voix rend la gravité et la force du roman avec une justesse de ton remarquable. Elle donne chair aux fantômes. Elle fait résonner la beauté tragique de ces personnages confrontés au mal de vivre.
Haute-Folie est un roman qui console autant qu’il bouleverse. Un livre nécessaire sur la mémoire, l’identité et la transmission du malheur. Une œuvre lumineuse.

Haute-Folie
Antoine Wauters
Éditions Gallimard
Roman
176 p., 19 €
EAN 9782073101556
Paru le 21/08/2025

Version audio
C’est au comédien Alexandre Pallu que l’on doit la version audio – très réussie – du roman. Avec une voix grave, mais sans jamais surjouer, il nous livre toute l’intensité dramatique de ces drames à répétition.

Où ?
Le roman est situé dans un endroit non spécifié.

Quand ?
L’action n’est pas inscrite dans un temps défini.

Ce qu’en dit l’éditeur
« Je crois que certains êtres ne nous quittent pas, même quand ils meurent. Ils disparaissent, or ils sont là. Ils n’existent plus, or ils rôdent, parlant à travers nous, riant, rêvant nos rêves. De même, quand on pense les avoir oubliés, certains
lieux ne nous quittent pas. Ils nous habitent, nous hantent, au point que je ne suis pas loin de croire que ce sont eux qui écrivent nos vies. La Haute-Folie est un de ces lieux. Toute notre histoire tient dans son nom. »
Haute-Folie raconte la vie de Josef, un homme dont la famille a été frappée, alors qu’il venait de naître, par une série de drames qui ne lui ont jamais été rapportés. Peut-on être en paix en ignorant tout de sa lignée ? Où chercher la sagesse quand un feu intérieur nous dévore ? Qu’est-ce que la folie, sinon le pays des souffrances qui n’ont nulle part où aller ?
Servi par un style fulgurant, ce roman cruel et lumineux explore la marginalité et les malédictions qui touchent ceux dont l’histoire est ensevelie sous le silence.

Les critiques
Babelio
Brut Media
RTBF (Élodie Marchal)
Kimamori (Yassi Nasseri)
Benzine mag. (Marie-Laure Kirzy)
France Inter (La 20e heure)
Le carnet et les instants (Thierry Detienne)
Collatéral (Johan Faerber)
France culture (Les midis de culture)
Club Mediapart
Be Perfect mag.
Blog Le coin lecture de Nath
Blog Serial lectrice
Blog Sur la route de Jostein
Blog Aude bouquine
Blog Vagabondage autour de soi 
Blog Tête de lecture


Antoine Wauters présente « Haute-Folie » © Production Éditions Gallimard

Les premières pages du livre
« Qu’importe si celui qui s’apprête à briser le silence, si celui qui parle après que toute sa lignée s’est tue, si celui-là est pris pour un menteur ou pour un fou. À ce moment de
mon histoire, moi, je ne pouvais plus faire autrement. Les trous d’ombre qui avaient digéré ma mémoire, je devais y plonger.
Impossible de dire comment ça s’est passé. Ce qui a fait que je suis finalement retourné là-bas, dans ce pays que j’avais perdu de vue et que ma mémoire même avait englouti. Il a fallu que ma mère s’en aille, qu’elle parte, que sa bouche se ferme à jamais pour que, par un étrange jeu
d’inversion, ce qu’elle avait décidé de taire durant sa vie se donne à entendre, comme un appel lointain. Impossible de dire comment j’ai reçu cet appel. Peut-être que c’était en moi
depuis toujours. Peut-être que ce qu’on croit avoir perdu continue de vivre en nous, comme dans une petite chambre à cheval entre mémoire et oubli, ou plus exactement, une petite chambre de mémoire en plein cœur de l’oubli. Je le crois. Je crois que certains êtres ne nous quittent pas, même quand ils meurent. Ils disparaissent, or ils sont là. Ils n’existent plus, or ils rôdent, parlant à travers nous, riant, rêvant nos rêves. De même, quand on pense les avoir oubliés, certains lieux ne nous quittent pas. Ils nous habitent, nous hantent, au point que je ne suis pas loin de
croire que ce sont eux qui écrivent nos vies. La Haute-Folie est un de ces lieux. Toute notre histoire tient dans son nom.

Minuit cet été-là quand la foudre frappe le vieux
tilleul, l’atteint au cœur, le cuivre et le roussit, puis, changée en torche, quand elle s’invite dans les hautes terres, entre les haies à chauves-souris, et remonte jusqu’à la ferme pour entièrement la balayer, la dévaster.
Blanche, sous les jurons de Gaspard en train de cracher des seaux sur les stalles et les foins, sur les boiseries et les outils dix fois rôtis déjà, Blanche, sa femme, quitte la ferme sans bruit, se fraye un chemin entre le val et le replat vert, où, se retournant, elle aperçoit la grange, les corymbes du pommier changés en brandons roux, et les poils de leurs bêtes, dévastés, balayés.
Le souffle court, portant quelque chose ou, disons, le maintenant, mains sur le bas du ventre, elle gravit la côte débouchant sur la crête aux Cassis, et sur elle s’agenouille. Puis, n’y tenant plus, fondue sur un tapis de mousse, elle remonte sa robe à hauteur de genou et se met à hurler, des cris qui semblent contenir toute la
douleur du monde, des cris tels que les flammes, tout en bas à la ferme, soudain se figent.
Gaspard est à présent allongé contre Blanche. Il a quitté la ferme et serre la main de sa femme qui continue de hurler, pousser, pousser et puis crier jusqu’à ce que, entre ses cuisses, le doux museau paraisse, puis la fine touffe de cheveux de leur premier enfant, ce garçon du malheur qu’ils baptiseront Josef. Depuis le vieux tilleul, les flammes ont rebondi pour former au seuil de l’étable un gigantesque brasier. Vingt-cinq brebis sont mortes. Vingt vaches. Ne restent que les
oies, huit vaches et le dindon. Plus tard, tout le pays racontera comment le brasier cuisit jusqu’aux yeux de Gaspard, courant avec ses seaux remplis de larmes, tandis que les flammes lapaient la terre et avalaient le reste.
On parlera de l’éclair et de la colonne rouge descendue du grand arbre, puis de son avancée entre les cassissiers, dans les hautes herbes, et de comment elle entra à la Haute-Folie pour entièrement la balayer, la dévaster.
Chaque jour depuis le drame, pendant que Blanche se ronge les sangs, épuisée, mal nourrie, touchée par le typhus, Gaspard arpente le monde, la fumée blanche et bleue de sa pipe en écume de mer à ses trousses, à la recherche d’un autre travail. Ailleurs. Peu importe où.
Le temps de se refaire.
Et cependant qu’il marche, il revoit en pensée le
visage de son ivrogne de père. Et il le maudit, Gaspard.
Trois fois il le maudit. Pour le mari violent. Pour le père impossible. Et pour l’abruti qui, sacrifiant l’avenir des siens pour sa dose journalière d’eau-de-vie, n’a pas jugé bon de l’assurer, la Haute-Folie.
Des fougères lui lèchent les chevilles, des ronces et des orties cinglent ses pauvres mollets, quand, depuis le sentier de Pisse-Vache, sur l’autre versant, il aperçoit la ferme, ses prés, leurs quelques bêtes encore debout, après quoi il se remet en route et accélère le pas. Il le
jure et se le promet : il trouvera du boulot, il restaurera la ferme. Et il le hurle à la terre entière, aux humains et aux bêtes, aux enfants et aux dieux. Et tous le croient fou.
Un jour sur deux, on le retrouve endormi en bordure de chemin. Hagard. Perdu. Mais c’est le temps du regain, pense-t‑il. Et le voici dans les vergers, fixant le soleil et faisant gonfler de fruits frais les poches de sa canadienne. »

À propos de l’auteur

Antoine Wauters © Photo Francesca Mantovani

Antoine Wauters est notamment l’auteur, aux Éditions Verdier, de Mahmoud ou La montée des eaux (prix Wepler – Fondation La Poste, prix du Livre Inter) et, aux Éditions du sous-sol, du Musée des contradictions (prix Goncourt de la nouvelle). Son œuvre est traduite dans de nombreux pays. (Source : Éditions Gallimard)

Page Wikipédia de l’auteur
Page Facebook de l’auteur
Compte Instagram de l’auteur

Tags
#HauteFolie #AntoineWauters #editionsgallimard #hcdahlem #roman #RentréeLittéraire2025 #litteraturefrancophone #litteraturecontemporaine #litteraturebelge #Mémoire #Tragédie #HistoireFamiliale #AlexandrePallu #CritiqueLittéraire #CoupDeCoeur #livreaudio #RentreeLitteraire25 #rentreelitteraire #rentree2025 #RL2025 #lecture2025 #livre #lecture #books #blog #parlerdeslivres #littérature #bloglitteraire #lecture #jaimelire #lecturedumoment #lire #bouquin #bouquiner #livresaddict #lectrice #lecteurs #livresque #lectureaddict #litterature #instalivre #livrestagram #unLivreunePage #writer #reading #bookoftheday #instabook #litterature #bookstagram #bookstagramfrance #lecturedumoment #bibliophile #avislecture #chroniqueenligne #chroniquelitteraire #jaimelire #lecturedumoment #book #bookobsessed #bookshelf #booklover #bookaddict #reading #bibliophile #bookstagrammer #bookblogger #readersofinstagram #bookcommunity #reader #bloglitteraire #aupouvoirdesmots #enlibrairie