

Éditions Le livre de poche, 2021 (123 pages)
Ma note : 17/20
Quatrième de couverture …
Dans un château de la lointaine Styrie, au début du XIXe siècle, vit une jeune fille solitaire et maladive. Lorsque surgit d’un attelage accidenté la silhouette ravissante de Carmilla, une vie nouvelle commence pour l’héroïne. Tandis qu’une inquiétante torpeur s’empare de celle qui bientôt ne peut plus résister à la séduction de Carmilla, une étrange maladie se répand dans la région.
Métaphore implacable de l’amour interdit, Carmilla envoûte jusqu’à la dernière ligne… jusqu’à la dernière goutte de sang ! Maître du récit de fantômes et de vampires, l’Irlandais Sheridan Le Fanu est l’un des pionniers du roman de mystère anglais. Carmilla (1872) annonce le Dracula de Bram Stoker.
La première phrase
« En Styrie, bien que nous ne comptions nullement parmi les grands de ce monde, nous habitons un château ou schloss. Dans cette contrée, un revenu modeste permet de vivre largement : huit ou neuf cents livres par an font merveille. »
Mon avis …
Plus de vingt ans avant la publication de Dracula (Bram Stoker), Sheridan Le Fanu mettait déjà en scène une grande figure de la littérature vampirique : Carmilla (1872). La période d’Halloween approchant à grands pas, l’occasion était là pour ouvrir ce court roman fantastique que j’ai littéralement adoré. L’écrivain irlandais plante ici un décor gothique à souhait, propice à déclencher quelques frissons. Cette lecture fut un quasi coup de cœur.
Comme j’ai aimé l’atmosphère de ce récit ! Il vous faut imaginer un château autrichien isolé, entouré de vastes forêts, le village le plus proche se situant à des miles à la ronde… Orpheline de mère, l’héroïne de cet écrit (Laura) vit de manière on ne peut plus retirée aux côtés de son père et de ses deux gouvernantes. Craintive, elle reste sur le qui-vive depuis l’apparition d’une silhouette sombre près de son lit alors même qu’elle était âgée de six ans. La vie s’écoule lentement jusqu’à un curieux incident qui la ramènera à cette rencontre pour le moins surprenante. Un accident de berline a lieu aux alentours du château. Une jeune fille (Carmilla) s’en sort miraculeusement. Pressée par le temps, sa mère ne peut attendre qu’elle se rétablisse et accepte qu’elle soit hébergée au château jusqu’à son retour. Elle confie alors au père de Laura que Carmilla se montre fragile, souvent souffrante, et qu’il ne faut en aucun cas la questionner sur son passé ou sa famille et ce, afin de lui éviter des émotions pénibles. Alors qu’elle semble incarner l’innocence même, Carmilla va se révéler plutôt énigmatique et dangereuse.
Rapidement, un mal mystérieux semble s’abattre sur le village. Les décès s’enchaînent et la médecine semble impuissante si ce n’est pour observer que les victimes portent de petites marques au niveau du cou. Laura repense alors à l’événement qui avait pu fortement la secouer petite, jusqu’à reconnaître dans les traits de Carmilla l’apparition qui s’était alors glissée dans son lit il y a bien des années.
Le Fanu forge ici une atmosphère à la fois mystérieuse, envoûtante et sensuelle. J’ai aimé la manière dont l’auteur déroule son récit. Chuchotements, messes basses entre nos personnages, on ne découvre qu’à la fin ce qui a été pensé pour tenter de sauver Laura. Mais ce que j’ai préféré reste cette ambiance gothique à souhait. Les pages auront tourné à vitesse grand V. J’ai frissonné dans les pièces sombres du château. J’ai ressenti tout l’isolement de Laura dans cet immense domaine. J’ai admiré la beauté des paysages au clair de lune. Je n’ai pu que me questionner quant à l’identité réelle de Carmilla, et sur ce qu’elle a pu vivre avant son arrivée au château. Le Fanu ne répond pas à toutes nos questions. Mais je n’ai pas été frustrée outre mesure tant je trouve que cela participe à conserver cette aura mystérieuse autour de la figure du vampire. Je suis maintenant prête à lire Dracula. Reste que je relirai certainement Carmilla un jour, et que son intrigue me restera, je pense, longtemps en tête.
Extraits …
« Une nuit, alors que j’avais à peine six ans, je m’éveillai soudain, et, après avoir regardé autour de moi, je ne vis pas ma bonne dans la chambre. Comme ma nourrice ne s’y trouvait pas non plus, je me crus seule. Je n’eus pas peur le moins du monde, car j’étais un de ces enfants heureux que l’on s’applique à garder dans l’ignorance des histoires de fantômes, des contes de fées, et de toutes ces légendes traditionnelles qui nous font cacher notre tête sous les couvertures quand la porte craque brusquement ou quand la dernière clarté d’une chandelle expirante fait danser plus près de notre visage l’ombre d’une colonne de lit sur le mur. »