Dans la tête d’Elton Munk

Par Henri-Charles Dahlem @hcdahlem

En deux mots
Elton Munk, milliardaire visionnaire inspiré d’Elon Musk, prend peur. Non pas pour sa vie, mais pour son intelligence. Il veut l’assurer contre le risque de « dévoiement ». S’ensuivent des séances chez un psychiatre, une rencontre avec une influenceuse en pleine crise existentielle, et une plongée vertigineuse dans les angoisses de notre époque.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

Le génie a peur de devenir con

Ralph Vendôme signe une satire féroce et jubilatoire. Écrit en 2021, avant qu’Elon Musk ne rejoigne Trump, ce roman n’est pas une parodie mais une réflexion profonde sur l’intelligence, la réussite et le vide existentiel qui guette les maîtres du monde numérique.

Elton Munk est aujourd’hui l’un des hommes les plus riches du monde. On le connaît pour ses fusées, ses satellites et son projet d’aller sur Mars. On le connaît aussi pour ses voitures électriques, son réseau social ou encore ses recherches sur l’intelligence artificielle. On voit bien que le modèle de ce personnage est inspiré de façon très transparente d’Elon Musk. Mais comme le roman a été écrit en 2021, il ne parle pas de l’engagement du grand patron auprès de Donald Trump, ni de son bref séjour au sein de l’équipe gouvernementale. Et après tout qu’importe puisqu’il ne s’agit pas d’un roman à clé, ni d’une biographie non autorisée, mais bien davantage d’une réflexion sur l’intelligence, sur la personnalité d’un homme public riche et adulé, sur ses motivations et ses craintes, sa réussite et son infortune.
Tout commence par une peur inédite. « Quand il voit ce qu’il voit et entend ce qu’il entend, Elton Munk commence à avoir peur de penser ce qu’il pense. » Habitué à dominer le monde par son intelligence, il craint soudain de la perdre, « à force de voir les conneries devenir la pensée dominante, diffusée sur toutes les plateformes par n’importe qui, vous, moi, lui. » Sa solution ? Assurer son intelligence comme un pianiste assure ses mains. Lloyd, prince de l’assurance, reste interloqué. « Vous voulez rire ! » s’exclame-t-il. Mais Munk ne plaisante jamais avec son bien le plus précieux. L’assureur exige une évaluation. Direction le cabinet de David Allen, psychiatre à la barbe grise et aux « rides bienveillantes ». D’abord méfiant, le patient finit par se prendre au jeu. Mieux, les séances vont devenir un espace de liberté : « Quand je parle avec vous, mon esprit se libère et devient créatif. Dès que je sors d’ici, les idées novatrices se multiplient. » Le génie découvre les vertus de l’introspection. Il explore ce qui l’a construit, ce qu’il est vraiment derrière la façade du visionnaire.
Les dialogues avec Allen sont incisifs, drôles, cruels parfois. Munk avoue être « un sale type qui déteste se laisser marcher sur les pieds, capable de représailles en cas d’attaque, de trahison et de vengeance. (…) Les amis d’un jour sont les ennemis du lendemain et ils connaissent vos faiblesses. J’ai compris le message et appris à rendre coup pour coup. Moi aussi je suis un salaud. » » L’homme providentiel se révèle dans toute sa complexité, loin de l’image lisse du gourou de la tech.
C’est alors qu’entre en scène Irène Schwab. Des millions de followers. Une puissance virtuelle immense. Elle est tout ce que Munk méprise : la futilité incarnée, le règne de l’apparence. Pourtant, leur rencontre bouleverse tout. Irène prend conscience de « l’incongruité de sa puissance ». Deux angoisses opposées se font face. Lui craint de perdre son intelligence. Elle découvre qu’elle n’en a jamais eu besoin pour régner. Deux faces d’un vide existentiel. Mais dans cette quête identitaire, deux autres personnages vont jouer un rôle important, son inséparable ami de jeunesse qui le ramène à ses origines et Peggy, la serveuse d’un bar perdu au milieu de nulle-part qui lui rappelle l’humanité ordinaire.
Ralph Vendôme dresse un portrait grinçant du nouvel ordre mondial. Celui façonné par les milliardaires de la Silicon Valley, entre angoisse et fascination. Ces hommes qui veulent « contribuer à construire un autre monde » finissent par rencontrer Dieu lui-même. « Un type très fréquentable, pas du tout larmoyant comme on pourrait le penser. Mais il reste impuissant à changer le monde. »
Le roman navigue avec brio entre satire et anticipation. Il nourrit nos craintes de voir les machines remplacer les hommes, de voir l’intelligence artificielle prendre le pouvoir. Munk incarne cette tension : génie créateur ou apprenti sorcier ? Que vaut l’intelligence face à la bêtise collective ? Les génies peuvent-ils sauver l’humanité ou la condamnent-ils ? Sommes-nous tous contaminés par les conneries ambiantes ? Ce roman pose les bonnes questions.
La narration est allègre, les dialogues incisifs. L’humour noir est omniprésent, la charge contre nos petitesses féroce.
Autour de cet Elton, tour à tour attachant et détestable, brillant et pathétique, chaque chapitre apporte son lot de révélations ou de rebondissements. Sans dévoiler la fin, disons simplement que l’épilogue est à la hauteur des enjeux. Intersidéral, oui ! Vendôme ose tout, jusqu’au bout.

Dans la tête d’Elton Munk
Ralph Vendôme
Éditions M.E.O.
Premier roman
196 p., 20 €
EAN 9782807005228
Paru le 20/08/2025

Où ?
Le roman est situé principalement aux États-Unis.

Quand ?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Elton Munk, un des hommes les plus puissants du monde, maître des technologies nouvelles et de la conquête spatiale, découvre qu’il n’est pas tout à fait insensible aux futilités qui accaparent ses contemporains. La phobie de « devenir con » s’empare de lui et le conduit, avec l’aide d’un psychiatre, dans un inquiétant voyage intérieur pour tenter de comprendre comment le petit Monkey est devenu l’homme qu’il est aujourd’hui. C’est au terme d’un long périple, dans un motel perdu au milieu du désert, que se fera la révélation. Et puisqu’Elton Munk est un personnage d’exception, le dénouement de ce récit ne pourra être que hors norme, en orbite autour de la terre, sous les regards ébahis, admiratifs ou railleurs du monde entier. Rédigé avant que son modèle devienne mégalomane et commence à vraiment faire peur, Dans la tête d’Elton Munk, mélange d’humour et de clairvoyance, anticipe le basculement civilisationnel qui s’effectue sous nos yeux impuissants.

Les critiques
Babelio 
RTBF (Sous couverture) 
Blog Le Belge qui lit 
RTBF (Bénédicte Bauloye) 

Les premières pages du livre
« Avertissement de l’auteur
 Ce roman a été écrit de février à septembre 2021, soit avant qu’Elton Munk devienne mégalomane et fasse vraiment peur.

1
 Quand il voit ce qu’il voit et entend ce qu’il entend, Elton Munk commence à avoir peur de penser ce qu’il pense. Il est un des hommes les plus riches du monde, un des plus influents, le pape de la nouvelle technologie, l’empereur des paiements électroniques, le grand maître de l’espace avec ses fusées révolutionnaires qui reviennent à leur point de départ et le théoricien le plus respecté de l’intelligence artificielle. On ne compte plus les articles à sa gloire, les témoignages sur son orgueil et sa suffisance, son arrogance légendaire. Les biographies non autorisées qui décrivent son enfance supposée ou ses liaisons tapageuses. Les thèses sur son apport scientifique au monde de demain. Ses réalisations sont disséquées, étudiées, admirées et critiquées par les plus éminents scientifiques du monde entier. Sa capacité à lever des fonds, à rassembler autour de lui des fous furieux de l’investissement aussi bien que des pères de famille soucieux de l’avenir de leur progéniture. Son aptitude à faire rêver à un monde meilleur, plus rapide, plus vaste. Partout on essaye de s’en inspirer, de l’imiter, de le dupliquer, mais c’est impossible. Elton Munk est unique, il est d’ici et maintenant, un géant capable de transformer l’univers.
Elton Munk n’est pas vraiment mégalomane. Ses projets plongent leurs racines dans l’intelligence naturelle, dans les milliards de connexions du cerveau humain. Dans les milliards de milliards de connexions des cerveaux humains reliés entre eux. Elton Munk croit en son intelligence, pourquoi en serait-il autrement quand on voit ce qu’il a accompli grâce à elle ? Elle ne l’a jamais trahi, jamais déçu. Il a confiance en elle comme les ingénieurs ont confiance en leurs calculs quand ils entreprennent de construire un pont au-dessus d’un fleuve. Comme un pianiste a confiance en ses doigts devant un clavier et une partition de Liszt. Comme un sniper en haut d’une tour, l’œil dans le viseur télescopique avant le tir. À l’aide de son intelligence, Munk veut contribuer à construire un autre monde.
Mais à force d’entendre les dirigeants de ce monde-ci multiplier les déclarations absurdes, nier des évidences, répéter les erreurs du passé. À force de voir les populations des pays démocratiques voter pour des irresponsables voire des paranoïaques qui ont peur de leur ombre. Pire encore dans les dictatures où le goût du sang paraît dominer tout processus rationnel de progrès. À force de voir des foules imbéciles se réunir derrière des slogans primaires, des idées d’un autre temps, crier vengeance et saborder leur propre embarcation. À force de constater que des gens de moins en moins cons soutiennent des causes imbéciles, des professeurs, des écrivains, des philosophes, des scientifiques comme lui, qui les expliquent et les théorisent. À force de voir les conneries devenir la pensée dominante, diffusée sur toutes les plateformes par n’importe qui, vous, moi, lui. Oui, lui, Elton Munk, le visionnaire, l’empereur, le pape, étonné de ne pas demeurer insensible aux conneries ambiantes, surpris de les comprendre parfois, de les respecter, de les défendre même à l’une ou l’autre occasion. D’en prendre à son compte. D’en émettre aussi, et de première main, c’est arrivé, il n’en revient pas, comment a-t-il pu énoncer pareilles inepties ? Est-il tombé sur la tête ? A-t-il été contaminé par ce virus ? Elton Munk prend peur. Pas pour lui, pas pour sa vie, non. Il a peur pour son intelligence.
Toute transformation du monde est basée sur l’intelligence humaine. Qui a inventé la roue, le feu, l’imprimerie ? Qui a découvert la théorie de la relativité, qui a écrit la théorie du parapluie ? Qui a marché sur la lune ? L’intelligence artificielle, par exemple, n’existe que par l’intelligence humaine. Elton Munk sait que s’il avait été con, rien de ce qu’il a accompli n’aurait été. Et sans les Elton Munk qui l’ont précédé, nous en serions encore à l’âge des cavernes. L’intelligence est donc la pierre angulaire de tout l’édifice. Elle seule permet de mettre l’utopie en équations, de seller les chevaux et d’explorer l’espace ! Alors, quand il la surprend à se dévoyer dans des conneries, à y être réceptive, à en diffuser, il s’inquiète. Donc, raisonne-t-il avec justesse, si je perds mon intelligence je perds ma faculté divine à créer et à transformer l’univers. Donc, poursuit-il, je dois la protéger. L’assurer.

2
– Comment cela ? demanda Lloyd, le prince de l’assurance, qui l’avait immédiatement reçu. On n’hésite pas quand Elton Munk en personne vous demande un entretien.
Le bureau de Lloyd était situé en haut d’une tour d’où la vue sur les assurés était panoramique.
– Une assurance sur mon intelligence. Si je la perds, vous payez.
– Vous êtes sérieux, Elton ?
– Très sérieux, Lloyd. L’intelligence est mon outil de travail. Si je la perds je suis foutu. C’est comme le tennisman et son bras, le dessinateur et sa main, la soprano et ses cordes vocales.
– Mais qu’est-ce qui vous fait croire que vous risquez de la perdre ? Vous êtes plus brillant que jamais ! Si j’en crois ce que je lis, vous êtes au sommet de votre art.
– Il ne faut pas croire ce qu’on lit, Lloyd, il ne faut pas voir ce qu’on voit, penser ce qu’on pense. Là est le danger ! C’est parce que je commence à entendre ce que tout le monde entend et à penser ce que tout le monde pense que je veux faire assurer mon intelligence. Quand on rejoint la meute, on ne crée plus rien.
– Que voulez-vous dire ?
– Je veux dire que j’ai peur de devenir con.
– Vous plaisantez, Elton ?
– Est-ce que j’ai l’air de plaisanter ?
– Mais pourquoi craindre de devenir con ?
– Je ne vais pas vous bassiner avec mon raisonnement, vous pourriez ne pas comprendre. En gros, une intelligence préserve des conneries. Mais la connerie est la chose la mieux partagée au monde, elle n’a ni race, ni religion, ni sexe. Tôt ou tard elle s’immisce dans nos pensées et pollue nos réflexions. Quand on se sent menacé dans nos libertés, quand le monde nous paraît incertain, on se replie sur nous-mêmes et on n’écoute plus que les gens qui pensent comme nous. On manque de discernement. Elle est contagieuse, Lloyd, qui sait si elle ne vous a pas déjà contaminé.
– Ah s’inquiéta Lloyd, comment le savoir ?
– Dès lors que certaines absurdités vous paraissent dignes d’intérêt, dès lors que vous vous surprenez à les admettre, à les prendre en considération dans vos raisonnements intelligents, vous devez vous demander ce qui se passe, vous devez vous poser la question de savoir si vous n’êtes pas infecté et, si tel est le cas, si votre intelligence est affaiblie, vous devez prendre des mesures.
– J’entends bien, mon cher. Mais de quelles conneries parlons-nous exactement ?
– Aucune importance. Si on essaye de les définir, on est sûr de trébucher et de tomber dedans. Je vous demande d’assurer mon intelligence contre le risque de dévoiement, d’altération, de dérive, de dégâts irréversibles jusqu’à la perte totale. Vous faites ça, non ? C’est votre domaine, non ? Vous assurez tout et n’importe quoi, mon intelligence n’est pas n’importe quoi, et même si elle l’était, vous pourriez l’assurer. Alors, au travail !
– Certes, certes, votre demande est inédite, nous n’avons jamais eu encore à traiter de cas pareils. Je vais en parler immédiatement à mes spécialistes. Je convoque une réunion en ligne. Décidément ce monde ne cesse de me surprendre, vous êtes un innovateur en série, mon cher Elton.
– On ne se refait pas. C’est cette capacité que je veux protéger.
– Que l’on se comprenne bien, vous voulez assurer votre intelligence ou l’argent qu’elle vous rapporte ? Sommes-nous dans le cadre d’une assurance revenus garantis ? Comme le pianiste qui se casse un bras avant une tournée mondiale ou le pilote qui perd la vue après un traumatisme ?
– Cela suppose qu’ils vont retrouver leurs pleines capacités dans un délai plus ou moins long. Croyez-vous que si on perd une part de son intelligence on la retrouve plus tard ?
– Je ne peux pas répondre à cette question. Il faudrait vous tourner vers le monde médical. Si nous sommes en présence d’un problème de santé, vous comprendrez qu’il faille commencer par un examen médical approfondi pour vérifier votre état de santé physique et mental.
– Vous me croyez fou ?
– Du tout. Mais enfin, s’il faut indemniser une perte d’intelligence il faut bien mesurer d’où on part et donc l’évaluer.
– Vous avez besoin de tester mon intelligence ? Dois-je vous rappeler mes états de service ? Lloyd, je crois que vous êtes en train de me vexer, peut-être de me blesser. Vous savez ce qu’on dit sur les animaux blessés.
– Ne vous fâchez pas, Elton. J’ai le plus grand respect pour vous et votre génie. Mais mettez-vous un instant à ma place. J’ai besoin d’une évaluation de départ qui me permettra de mesurer les éventuelles variations futures. Comment faire autrement ?

3
Impossible de faire autrement. Elton accepta de mauvaise grâce de rencontrer le psychiatre proposé par Lloyd, David Allen, un homme expérimenté à la barbe grise bien coupée. Le regard doux et les rides bienveillantes. Une pointure si l’on en croyait sa page Wikipédia et les titres académiques de son curriculum vitae à rallonge. D’entrée, sans passer par les formules de politesse et les étapes de présentation, sans précautions oratoires ni hésitations, Elton lui expliqua sans rire qu’il commençait à trouver certaines conneries acceptables, bien que contraires à ce que son intelligence en avait toujours pensé. Il était bien conscient qu’une intelligence évolue avec le temps et s’adapte à son époque, mais là on dépassait la mesure, et il craignait de la perdre, en clair de devenir un con comme un autre. Et s’il devient un con comme un autre, alors il perd son identité basée essentiellement sur une intelligence hors norme. Donc il voulait s’assurer contre le risque de perte d’intelligence.
Le psychiatre écouta sans rire non plus. Personne ne rit dans cette histoire de fou.
– Bien, dit David Allen, soucieux de se mettre au diapason de son célèbre interlocuteur et de ne pas s’égarer en civilités inutiles, qu’attendez-vous de moi ?
– Rien de plus que l’attestation qu’attend Lloyd pour me faire une proposition de couverture de risque.
– On peut mesurer votre QI.
– Vous voulez rire ! Tout le monde connaît mon QI, l’un des plus élevés au monde. Je n’ai pas besoin de prouver quoi que ce soit à qui que ce soit. D’ailleurs le problème n’est pas le QI. Ce n’est pas avec le QI qu’on réfléchit.
– En effet, le quotient intellectuel n’est qu’un indicateur parmi d’autres. Différents tests existent, mais je doute de leur intérêt dans le cas qui nous occupe. Nous allons procéder autrement. Allongez-vous sur le canapé, je vous prie.
– M’allonger sur le canapé ? Vous vous foutez de moi, docteur ! Je ne suis pas venu me faire psychanalyser !
– Il n’est pas question de cela, c’est pour moi. Ça me permet de réfléchir à la bonne manière d’agir.
– Ce serait plutôt à vous de vous allonger dans ce cas.
– Pas con.
– Vous voyez, c’est exactement de ça que je voulais parler. Vous devriez vous assurer contre la perte de compétence.
– Bien sûr.
– Bon, assez perdu de temps. Réfléchissez à mon cas et rappelez-moi quand vous aurez trouvé la manière de procéder. Je vous rappelle les données du problème pour que vous ne vous égariez pas. Il s’agit d’attester par écrit mon intelligence exceptionnelle. Une formalité administrative, rien d’autre. Avec ce document, Lloyd me fera une proposition d’assurance. Vous avez tout capté ?
– Je ne peux pas établir de certificat comme ça, voyons ! Que faites-vous de la conscience professionnelle, de la déontologie ? Lloyd ne peut assurer que quelque chose de mesuré, de mesurable. Tout le monde sait qui vous êtes et ce que vous avez accompli, mais il ne s’agit pas de ça. Même un con peut réaliser de grandes choses.
– Même un con ? Pourriez-vous me répéter ça en face ?
L’entretien ne se termina pas aussi bien qu’il avait commencé. Elton s’énerva et insulta le psychiatre comme un malpropre. L’intelligence ne rend pas poli et les injures succédèrent aux grossièretés. Le psychiatre, retranché derrière son bureau, remarqua néanmoins qu’en cette matière comme en d’autres, Munk ne manquait pas d’imagination et ne pouvait s’empêcher d’innover. Avec une moue admirative, il nota dans son carnet noir quelques-unes des formules étonnantes de son visiteur.

Extraits
« Elton Munk avait pris goût aux séances chez David Allen, Il se sentait chez lui dans ce bureau d’angle, ôtait chaussures et chaussettes en arrivant. Il avait demandé d’en augmenter la fréquence, pour raisons professionnelles.
— Comment ça? demanda Allen.
— J’ai remarqué quelque chose d’intéressant, expliqua Elton. Quand je parle avec vous, mon esprit se libère et devient créatif. Dès que je sors d’ici, les idées novatrices se multiplient, les pièces du puzzle se mettent en place, les rouages tournent avec précision et je vois s’ouvrir devant moi un chemin rectiligne. Un projet prend forme, puis un autre. Il m’arrive de chanter de joie au volant de ma voiture!
— C’est exaltant ?
— Absolument, sourit Elton Munk. Ma faculté d’analyse fait des merveilles. J’adore ce bouillonnement intérieur, prélude à une innovation qui va bouleverser le monde. En rentrant au bureau, je mets mes équipes au travail et en quelques heures je sais dans quel projet investir.
— Voulez-vous en parler ?
— À votre avis?
— Je vous écoute.
— Ce que je vais dire doit rester confidentiel, Allen. Vous n’imaginez pas jusqu’où les espions industriels sont capables d’aller. » p. 53

« — Cette manœuvre est indigne de vous, Elton. — Qu’est-ce que vous en savez David? Vous croyez qu’on arrive au sommet en prenant l’autoroute? Vous pensez me connaître parce que je vous ai parlé de mon grand-père? Parce que j’ai pleuré dans les bras de Peggy? Cherchez mieux dans mon inconscient et vous trouverez un sale type qui déteste se laisser marcher sur les pieds, capable de représailles en cas d’attaque, de trahison et de vengeance. Les chemins de la réussite sont tortueux, vous n’imaginez pas le nombre de pièges tendus, d’embuscades, de traquenards. Les amis d’un jour sont les ennemis du lendemain et ils connaissent vos faiblesses. J’ai compris le message et appris à rendre coup pour coup. Moi aussi je suis un salaud. » p. 78

« — Ainsi vous avez rencontré Dieu ? demanda David.
— Un type très fréquentable, pas du tout larmoyant comme on pourrait le penser, répondit Elton. Mais il reste impuissant à changer le monde. » p. 148

À propos de l’auteur

Ralph Vendôme © Photo DR

Ralph Vendôme, bruxellois, est né à Beyrouth et vit à Bruxelles depuis son adolescence. Il a publié La théorie du parapluie aux éditions du Scalde en 2019, un recueil qui explore les similitudes entre enfance et vieillesse, et L’horloge interne en 2020 aux éditions Lamiroy. Il a également contribué à plusieurs ouvrages collectifs de ce même éditeur avec ses nouvelles Les triplées (2021), La barque de mon père (2022), et Ma visite à l’Atomium (2023). En 2023, sa nouvelle Classe affaires a ouvert le numéro 308 de la revue Marginales dirigée par Vincent Engel. En 2024, il publie Dans quel monde on vit, un recueil de nouvelles. Dans la tête d’Elton Munk est son premier roman. (Source : Éditions M.E.O.)

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