Brittany Newell, à peine trentenaire, est écrivaine et performeuse. Elle vit à San Francisco, où elle travaille comme maîtresse domina professionnelle. Soft Core son deuxième roman et le premier traduit chez nous, vient de paraître.
San Francisco. Ruth, nom d’artiste Baby quand elle exerce son job de stripteaseuse dans un club de lap-dance, est une jeune femme vivant dans une vieille maison victorienne avec son ex, Dino, un dealer de kétamine. Lorsqu’il disparaît, Ruth tente de le retrouver, quitte à le voir partout à tort, ce qui va la (et nous) mener à explorer les bas-fonds sexuels de San Francisco. Elle se fait engager dans un club plus spécialisé dans le BDSM (Pour les non-initiés : Bondage, Domination, Soumission, Sado-Masochisme, désigne un ensemble de pratiques sexuelles et contractuelles utilisant la douleur, la contrainte, l'humiliation érotique ou la mise en scène de divers fantasmes sexuels) ...
Pas de panique les pudibonds, certes le sujet peut sembler olé-olé et je mentirais si je soutenais le contraire, mais c’est de la littérature d’un assez bon niveau et ce bouquin est très bien et très documenté, l’écrivaine ayant exercé ces professions. Un roman entre satire des pratiques sexuelles « spéciales » que j’ai trouvée assez amusante, mais chacun jugera selon sa propre libido, et romance (?) …
Baby va croiser des personnages étranges, citons par exemple Simon, un reclus qui la paie pour des faveurs de plus en plus bizarres, ou bien Personne, un fétichiste du suicide et philosophe, ou encore, un employé de Starbucks qui construit des maisons de poupée et lui envoie de l’argent chaque mois, mais sans sexe en contrepartie etc. Entre amusement et catalogue de pratiques plus extravagantes que salaces, cet angle du roman véhicule un message puissant, sur la solitude extrême de toutes ces personnes, Baby n’étant pas épargnée par cette misère psychologique. En acceptant de répondre aux fantasmes de ses clients, elle leur procure plus que ce que vous pensez, « je crois savoir ce que je lui avais donné. Un plaisir trop pur pour être nommé, quelque chose d’enfantin et de grave. Une miette d’un autre monde. L’esquisse imprécise du divin. » Avec des scènes tendres et d’autres brutales, Brittany Newell traite la façon dont le désir peut être à la fois libérateur et destructeur.
Quant à la romance, c’est la quête d’amour de Ruth. « Je pouvais être un tas de choses, mais pas une fille sexy », une jeune femme, presque une enfant cherchant désespérément quelqu’un qui l’aime pour ce qu’elle est, et non un personnage fictif pour assouvir un fantasme quelconque. Et là, nous avons un autre message, une femme unique avec deux visages Ruth et Baby, et deux corps : Comment être soi-même quand on n’est que le reflet des désirs d’autrui ?