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Le contre-Hasard (Sophie Carmona)
Blog La Viduité
Les premières pages du livre
« 1
Au-dessus de la plaine qui s’étendait devant sa maison résonnait une vibration comme on peut l’entendre à proximité des poteaux télégraphiques. La prairie blafarde était plus grande qu’à la lumière du jour et complètement déserte.
Quel vertige de penser que ses ancêtres s’étaient ébattus ici un jour : des enfants, des adultes, des vieux et leurs animaux, tous sous la même lune et certains peut-être avec le même poids dans le cœur, toujours en quête de l’instant salvateur, du moment redoutable qui détruirait toute douleur et effacerait chaque doute.
Tant de mort sous la surface, et tant de temps.
Si le temps n’existait pas ! songeait Olga. Si on pouvait le faire disparaître sous terre ! La lune, avec sa lumière froide, éclairerait momentanément la cicatrice, jusqu’à ce que seul un délicat trait filiforme, sur la croûte terrestre, signale qu’il avait existé un jour, ce temps qui parfois l’engloutissait presque.
2
Devant le village d’Olga, juste à côté de la route, la pente des bouleaux descendait abruptement jusqu’à la rivière mugissante, sifflante. À l’automne, les feuilles jaunissaient, et toute la pente se transformait en une mordorure déchirante, époustouflante, qui ondoyait furieusement au gré des vents qui se levaient. Un peu plus tard, cette ruée vers l’or devenait une mer de flammes, un temps seulement, puis les feuilles brunissaient et tombaient.
C’était la saison de l’ondoyante mordorure. La proche colline s’éclaircissait. Estampés dans ce paysage, les contours de la maison blanche qui avait appartenu à ses grands-parents ; devant elle, deux corbeaux s’envolèrent soudain vers le ciel en croassant.
Olga, qui revenait d’une promenade, fut arrachée à ses pensées. Elle avait essayé d’extraire le visage de Radu de sa mémoire. La dernière fois qu’elle l’avait vu, avant son envol pour Vladivostok, il était gris parce qu’elle lui avait reproché, tendrement haineuse, ses nombreux départs.
Elle entra dans la maison, mit le bouquet de fleurs dans un vase et le plaça devant le vieux miroir du salon. Une mouche était en train de se promener sur la surface du miroir, elle pénétra dans la bouche entrouverte de la femme qui s’y reflétait, à savoir elle-même. La colère qui la saisit inopinément à la vue de cette mouche qui entrait dans sa bouche la laissa un moment stupéfaite.
3
Quand Olga était petite, sans doute avant l’âge d’aller à l’école, elle avait assisté un jour avec son grand-père à un concert dans le préau du lycée du bourg voisin. Pour autant qu’elle se souvienne, le pianiste portait un nom japonais compliqué et il avait joué ce soir-là les Nocturnes de Chopin. Il était monté sur scène, s’était incliné, avait relevé du pouce et de l’index les pans de son frac, s’était assis, avait fait lentement retomber les pans le long du tabouret et avait attendu que le silence soit tel qu’Olga entende battre le cœur de son grand-père. Puis il avait appuyé sur la première touche. Des ailes avaient poussé à Olga, au ralenti, tout autour d’elle avait été plongé dans une espèce de brume, et elle avait plané dans la salle au-dessus des têtes, jusqu’au moment où la dernière note avait expiré.
Le grand-père aussi était resté assis un moment. Ses mains étaient écartées sur ses cuisses, tandis qu’à côté de la droite une mouche se nettoyait les pattes. Puis il avait posé la main sur la tête d’Olga et l’avait doucement caressée.
La main du grand-père avait beaucoup d’importance pour Olga. Elle désirait ardemment avoir un chien à elle, mais la grand-mère n’en voulait pas un deuxième, le vieux Chan lui donnait assez de travail comme ça, disait-elle.
Pour la consoler, le grand-père avait inventé avec Olga le jeu du chien, alors qu’il était déjà très malade :
Ses mains étaient deux chiens. Olga s’agenouillait par terre devant les deux mains-chiens ou chiens-mains du grand-père, qui étaient posées sur ses genoux. Les chiens étaient très différents, l’un était méchant, l’autre gentil. Ils pouvaient hurler comme des loups, gémir et aboyer. Quand l’un ne faisait pas ce que voulait Olga, elle le battait et le chien se mettait à gémir, il fallait alors le caresser encore et encore pour qu’il se calme.
4
Olga se tenait en bas de l’escalier et regardait vers l’étage. Radu avait l’air un peu menaçant, immense et étranger. Chaque fois qu’il partait, il lui devenait un peu plus étranger.
On entendit brièvement le murmure de la rivière par la porte entrouverte.
Puis toute la maison s’emplit d’aboiements de joie. Oscar, qui revenait de sa petite promenade matinale, était toujours content de voir une valise ; l’animal adorait prendre le train.
Radu descendit lentement l’escalier et, une fois devant elle, lui toucha la tête du bout des doigts.
5
La veille au soir, Radu avait évoqué le bonheur du laisser-aller. Olga se tenait à côté de lui dans le jardin, et ils regardaient la rivière. Leurs bras pendaient sur les côtés, leurs mains se touchaient presque. Un oiseau rare se laissait porter par la rivière en aval, et Olga fut effrayée par la signification qu’il donnait par hasard à ce moment.
Le train de dix heures disparut à l’horizon en sifflant, laissant la gare du village abandonnée au soleil. Un haut-parleur diffusait de la musique, une chanson lente ; Olga croyait la connaître mais ne se souvenait pas des paroles.
Un garçon sortit du bâtiment de la gare, traversa les voies jusqu’au deuxième quai, y posa son sac par terre et se mit à danser ; d’abord timidement, puis de plus en plus vite, tout seul.
Radu avait renversé la tête en arrière. Son grand nez, qui la faisait penser à un poulain, était bien visible de profil. Il posa la main droite sur les cheveux d’Olga qui tombaient sur son épaule à lui. Elle frotta sa tête contre lui, s’ébroua un peu et se tint de nouveau bien droite à côté de lui.
Parfois les mots suffisaient, mais pas toujours. Il y avait des instants comme des agressions, des instants qui résistaient aux mots et ne se laissaient pas attraper. Olga lui saisit violemment la tête à deux mains, l’attira vers elle et planta ses crocs dans sa bouche.
6
À la tombée de la nuit, les pensées d’Olga faisaient souvent des bonds désordonnés.
Le matin, Olga avait chopé dans le journal l’expression « capsule temporelle », qui ne lui sortait plus de la tête. Serait-il possible, se demandait-elle, maintenant que l’obscurité gagnait peu à peu, d’enfermer aussi la solitude ou le silence dans une capsule ? Ou une odeur ? Ce serait une capsule de solitude, de silence ou d’odeur qui pourrait rester fermée de longues années, jusqu’au moment crucial où elle exploserait et recracherait comme un volcan la solitude, le silence ou l’odeur, et submergerait tout son corps.
Une telle capsule d’odeur venait justement d’exploser à l’ouverture d’un poivron rouge pendant la préparation d’un chili con carne. Elle avait catapulté Olga dans la dangereuse proximité d’une clairière éblouissante.
Pourquoi ne parlait-on de clairières qu’en rapport avec la forêt ? Dans le ciel aussi il y avait des clairières. La douleur aussi pouvait s’ouvrir comme une clairière.
Olga se leva de table pour prendre le pain dans le placard et, tandis qu’elle en coupait quelques fines tranches, elle songea que tout devenait petit et insignifiant avec le temps. Dans son enfance, les pains étaient énormes. Quand une miche était posée sur la planche à découper, Olga devait étendre les deux bras pour la saisir aux extrémités. La miche était plus grande que son petit frère, qui avait la même odeur que le pain quand on venait de le changer. Cette enfance était toujours logée en elle et intervenait au gré de sa fantaisie.
Dommage, pensait-elle, qu’il n’y ait presque plus de véritables boulangers. Enfant, elle s’était toujours imaginé que ce devait être très amusant de pétrir la pâte avec ferveur dans le silence de l’aube.
7
Olga observait Radu à son bureau par la porte entrouverte de la chambre. Il regardait souvent au loin.
Les tentatives de le décrire échouaient à chaque fois.
Il avait les yeux verts, mais qu’est-ce que ça disait de son visage, si différent de mille autres visages aux yeux verts ?
Ses cheveux étaient clairs, en été ils blanchissaient au soleil, et contrairement à sa propre peau celle de Radu prenait au fil de la saison une teinte dorée.
Quelqu’un de beau, pourrait-on croire, mais il n’était pas beau, il était plutôt laid. Ses longues jambes paraissaient fragiles ; il n’y avait rien d’extraordinaire chez lui, rien qui méritât qu’on s’y attarde.
À Quito, autrefois, lorsqu’elle descendait en ascenseur par une journée de soleil brûlant et sortait dans la clarté de la rue, il était toujours déjà là, adossé à son 4 × 4, et passait trois doigts de sa main gauche dans les cheveux en regardant le ciel. Parfois il sifflotait. À le voir, on eût dit qu’il venait d’inventer le monde.
C’était cette fraction de seconde qui s’était incrustée, ce petit instant avant qu’il ne tourne la tête et l’aperçoive à l’entrée de l’immeuble. Là, à ce moment-là, elle l’avait su.
Mais quand on le sait, on est déjà en voie de le perdre, songea Olga. Le bonheur veut vous approcher de tout près, il exige un dévouement inconditionnel. On ne le trouve que dans un oubli total de soi.
Elle avait soudain commencé à pleurer.
8
Quand elle était petite, Olga était très curieuse. Si un serpent se prenait dans le râteau du paysan, elle était la première sur place pour regarder cet animal insolite se cabrer. Si le grand-père ramenait des truites à la maison, elle observait religieusement la grand-mère qui les vidait et voulait tout savoir sur la pelote brillante qui se trouvait à l’intérieur du poisson ; et pourquoi il fallait la retirer et si ça ressemblait aussi à ça dans son ventre à elle.
Elle aimait bien prendre l’échelle pour grimper sur les armoires, vider et inspecter tous les tiroirs possibles et les ranger à son idée. Quand tout le monde dormait, elle se faufilait dans le couloir, épiait par le trou de la serrure ou écoutait les bruits de la nuit et s’étonnait du goût pâteux de l’obscurité sur sa langue.
Même plus tard elle resta malpolie, avide du moment suivant et toujours un peu en colère. Elle ne laissait personne lui restreindre le monde. Elle savait que ce qu’on ne voit pas existe quand même. La réalité était mille fois plus vaste, plus grandiose, plus gigantesque, plus incroyable, plus mystérieuse et plus inconnue.
On avait écrit à la main, sous un dessin d’enfant : Olga, quatre ans.
Au milieu du dessin trônait un enfant laid aux cheveux verts, au tronc rouge, avec des traits en guise de bras écartés, au bout desquels pendaient deux mains géantes en forme de tournesol. Le visage de la fillette était constellé de taches de rousseur rouges et vertes, et elle portait des lunettes rondes au-dessus de sa large bouche.
Dans le bord supérieur de la feuille se dressaient des montagnes escarpées, et un soleil riait dans le ciel. Mais ce soleil était bien plus insignifiant que les deux mains-soleils de l’enfant, qui se trouvaient au centre du dessin et occupaient tout l’espace autour.
J’ai dû être une enfant heureuse, songeait Olga. Me voilà, disait l’enfant sur le dessin, regardez-moi, j’ai beaucoup de force en moi, plus que le soleil, et j’ai la même bouche rieuse. Je suis prête, je veux conquérir le monde entier, je me plais bien en ce monde.
9
En hiver, le soleil entrait vers midi par la fenêtre latérale et éclairait l’entrée assez sombre de la maison d’Olga. Son Petit Tigre était couché là avant de migrer dans le couloir avec le soleil puis, le soir venu, d’atteindre sa place préférée : la couverture rouge sur le canapé du salon.
À droite du canapé proliférait depuis deux semaines une plante en pot qui était en pension chez Olga pendant qu’Elsa se reposait dans un établissement thermal après une opération de la hanche. Comme la plante avait tendance à s’étaler dans toutes les directions, sa propriétaire l’appelait son Elvis vert – d’après son ancien amant, qui avait aussi eu tendance à s’étaler sans merci dans la vie d’Elsa.
Il a la sensibilité d’un buffle, disait Elsa quand il était question de lui. Aucun mur, aucun objet ne l’arrête dans ses pulsions, il prolifère comme s’il était le centre du monde, ce qui doit être le cas pour lui, disait-elle. Elsa viendrait récupérer son Elvis vert dans la soirée.
Olga s’assit sur le canapé à côté du Tigre, prit un livre sur la table en verre, feuilleta distraitement quelques pages et posa tout aussi distraitement la main gauche sur le dos du matou, qui s’en alla en miaulant très fort, vexé.
Elle avait passé toute la journée à la maison. Peu de bruits avaient pénétré de l’extérieur : le chant métallique d’un grillon, des cris d’enfants, un murmure lointain et le cognement de grosses gouttes de pluie contre les vitres.
Elsa arriva peu avant six heures. Elle apporta divers bocaux et boîtes de l’épicerie fine, et pendant le repas elle raconta des choses et d’autres, et quelques ragots du village voisin où se trouvait l’établissement thermal.
La femme du boulanger fait porter des cornes à son mari, dit Elsa. Depuis, il pétrit la pâte à contretemps et le pain est devenu immangeable.
Avec qui, voulut savoir Olga, avec qui elle l’a trompé ? Avec le docteur, dit Elsa. Entre-temps, le chat s’était confortablement installé sur ses genoux.
Les vieilles femmes seules, dit Elsa en posant la main sur le dos de l’animal, les vieilles femmes doivent absolument vivre avec un matou. Ces animaux arrivent à soutirer un peu de douceur à nos âmes rétives.
Mais on n’est vraiment vieille, dit-elle au bout d’un moment, on n’est vraiment vieille que quand on ne se souvient plus du nom de ses amants.
10
Elle avait préparé pour lui du riz et des haricots noirs. Lorsque le postier sonna, elle regarda vite par la fenêtre de la cuisine. Oscar, au loin, s’élançait dans la plaine fauchée. Son corps noir, allongé, devint de plus en plus petit avant de disparaître à l’horizon, entre les maisons.
Après le dîner, Radu avait fait sa valise. Olga l’entendit la refermer dans le couloir et se préparer à quitter son « camp de base », comme il appelait la maison de village d’Olga, et à prendre son train en direction de l’aéroport. Il avait insisté pour voler de nuit, cette fois. Afin de ne pas entendre la porte se refermer, Olga alluma la télévision et fixa l’écran.
On y voyait une scène de théâtre faiblement éclairée sur laquelle un couple dansait le tango. La danseuse posait la tête contre l’épaule de son partenaire. Puis elle tourna lentement le visage vers lui. Leurs lèvres s’approchèrent et faillirent se toucher. Les visages étaient graves.
La femme dansait avec un homme d’un certain âge qui, supposait Olga, connaissait la passion, et elle était belle, de cette beauté qui n’a rien de suave.
Le danseur portait un costume bleu nuit, la danseuse une robe jaune à l’ourlet effiloché et dont le haut était couvert de paillettes. Les mouvements de ses jambes faisaient penser à des coups de sabre.
L’attention d’Olga se portait sur ce qui se jouait entre l’homme et la femme. Tous deux avaient les yeux fermés et bougeaient comme s’ils étaient sur une étoile lointaine. Lorsqu’elle finit par s’affaisser sur la poitrine de l’homme en laissant glisser en arrière sa jambe à la chaussure pointue, la dernière mesure ayant retenti, Olga se rendit compte qu’elle n’avait même pas entendu la porte d’entrée se refermer.
Tels qu’ils se tenaient sur scène dans le cône de lumière, l’homme et la femme semblaient se guetter l’un l’autre. La chemise de l’homme était trempée de sueur et recouvrait un début de bedaine. Soudain sa partenaire se laissa tomber, et il la remonta brusquement juste au-dessus du sol, puis l’image s’interrompit – coupure, publicité pour des céréales de petit déjeuner, long travelling sur un champ de blé balayé par le vent.
Le bruit des pas de Radu qui s’éloignaient sur le gravier pénétra par la fenêtre ouverte.
11
Plusieurs semaines s’écoulèrent avant qu’ils n’échangent le premier mot. Olga passait alors un mois en Équateur pour travailler comme dessinatrice à un projet scientifique sur les orchidées.
Tous les matins, elle prenait le bus à Tumbaco pour aller en ville, tous les matins le même combat se répétait. Avec le temps, elle s’adapta aux habitudes des autochtones, elle s’asseyait sur une touffe d’herbe dure dans un fossé, changeait de chaussures ou, selon le temps qu’il faisait, les nettoyait comme les autres femmes avec de la salive et un mouchoir usagé. »
Extrait
« Depuis que Radu avait disparu, Olga avait parfois l’impression que la vie passait dehors tandis qu’elle-même restait à l’intérieur à se triturer la cervelle en se demandant si elle avait un sens et, si oui, lequel.
Les souvenirs s’accumulaient mais ne l’aidaient pas dans sa quête de sens. Des pans entiers de sa vie disparaissaient peu à peu dans une sorte d’archive qui ne s’ouvrait pas facilement. Certains souvenirs ne pouvaient plus être convoqués que par une image, une odeur bien définie ou un son particulier, mais seulement par hasard. Par exemple l’image d’une grosse truie rose. » p. 106
À propos de l’autrice
Leta Semadeni © Photo Mayk Wendt
Personnalité incontournable de la littérature suisse, Leta Semadeni a construit une œuvre lyrique qui mêle poésie et courtes proses. Polyglotte, elle a vécu et travaillé en Amérique latine, à Paris, Berlin et New York avant de retourner dans sa Suisse natale. Elle a reçu de nombreux prix dont le Prix de la fondation Schiller en 2011, le Prix suisse de littérature en 2016 pour son premier roman et enfin le Grand Prix suisse de littérature – le plus prestigieux des prix suisses – en 2023. (Source : Éditions Zulma)
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