Mais où est passé le G.I. Cilian Campbell?

Mais passé G.I. Cilian Campbell?

Airborne 44 – Tome 11: M.I.A. Missing In Action (Philippe Jarbinet – Editions Casterman)

Mars 2015, quelque part dans l’Ardenne belge. Deux hommes creusent le sol pour tenter d’y retrouver des restes des combats acharnés qui ont eu lieu à cet endroit 70 ans plus tôt, lors de la tristement célèbre Bataille des Ardennes. Grâce à leur détecteur à métaux, ils finissent par extraire de la terre un casque américain en assez bon état, dans lequel ils retrouvent le nom du soldat et son numéro de matricule, de même qu’une photo de son épouse et de son bébé. Il s’agit d’un certain Cilian Clarenzio Campbell. Plus étonnant, le casque de ce sous-officier américain contient également une partition du « Clair de Lune » de Claude Debussy. Mais ils ne sont pas au bout de leurs surprises. Car lorsqu’ils appellent le petit-fils du G.I. Campbell en Pennsylvanie pour le prévenir de leur découverte, ils lui apprennent également que selon l’Administration américaine, son grand-père serait rentré en vie aux Etats-Unis en avril 1945. Autant dire que le choc est énorme pour Cilian, qui porte le même prénom que son grand-père, car celui-ci a toujours été persuadé que son aïeul était mort au combat en Belgique. Pourquoi cet homme qui aimait tellement sa famille a-t-il disparu sans laisser de traces? Pourquoi n’a-t-il jamais repris contact avec sa femme Aurora, qu’il chérissait pourtant plus que tout? Pour trouver la réponse à ces questions qui le hantent, Cilian décide de se rendre en Belgique afin de reconstituer le parcours de son grand-père. Pour ce vétéran de l’Afghanistan, qui a renoncé à ses rêves de journalisme pour marcher dans les traces de son ancêtre, cette quête de vérité est aussi une manière d’essayer de retrouver une forme de paix intérieure. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne va pas forcément tomber sur une ambiance paisible en lançant ses propres fouilles dans l’Ardenne belge. Une fois sur place, Cilian se rend rapidement compte que certains ne tiennent pas du tout à ce qu’il remue le passé…

Mais passé G.I. Cilian Campbell?

Avec « M.I.A. : Missing In Action », Philippe Jarbinet livre déjà le onzième volet de sa série « Airborne 44 », qui connait un succès croissant depuis la sortie du premier tome en 2009. La particularité de cette saga, c’est qu’elle est toujours constituée d’histoires en deux volumes et qu’elle aborde de manière originale plusieurs épisodes de la Seconde guerre mondiale, en mettant à chaque fois l’accent sur la dimension humaine et citoyenne de ces événements tragiques. Dans le diptyque précédent, c’était la question du racisme dans l’armée américaine qui était abordée par Philippe Jarbinet, en écho à l’accession au pouvoir de Donald Trump. Dans son nouveau diptyque, il se penche sur la question de la récupération des corps sur les champs de bataille, mais aussi sur les méfaits commis par certains soldats américains. « La recherche des corps des soldats disparus au combat est un sujet qui m’intéresse depuis longtemps, notamment parce que je connais bien le détectoriste Jean-Louis Seel, qui apparaît d’ailleurs dans l’album. Pour moi, c’est le propre d’une démocratie de chercher ses morts et de les honorer », explique l’auteur belge, qui était de passage il y a quelques jours au BD Comic Strip Festival de Bruxelles. « Quant à la question de la violence d’une partie des G.I., elle m’est apparue comme une évidence. On sait aujourd’hui que sur l’ensemble de l’armée américaine en Europe à cette époque-là, il y avait à peu près l’équivalent d’une division, soit quand même 11 000 soldats, qui ne faisaient rien d’autre que des exactions, des viols ou du marché noir. Des pourris dans l’armée, il y en a toujours eu, partout. »

Mais passé G.I. Cilian Campbell?

En ce qui concerne la forme, Philippe Jarbinet innove avec ce 11ème tome puisque « M.I.A.: Missing In Action » est davantage un polar historique qu’un récit guerrier. La particularité de cet album est également qu’il se déroule sur deux époques différentes, puisqu’on suit parallèlement Cilian le grand-père en 1945 et Cilian le petit-fils en 2015. « Pour cette histoire, je suis effectivement parti sur l’idée d’une enquête », souligne Philippe Jarbinet. « Du coup, on n’a pas du tout la même distribution d’informations que dans une histoire classique. Cela me plaît beaucoup parce que j’adore la narration, c’est ce qui m’amuse le plus dans la bande dessinée. J’ai d’ailleurs des piles de livres de narration à la maison. Savoir comment on manipule l’information, comment on génère un suspense, comment on crée une incertitude, tout cela me passionne. » L’auteur de la série « Airborne 44 » est également un grand fan de cinéma. D’ailleurs, il serait prêt à signer des deux mains pour que ses scénarios soient repris un jour par Hollywood. « Oui c’est vrai, mon rêve serait que ma BD soit adaptée au cinéma », dit-il. « C’est un peu honteux parce que la BD devrait se suffire à elle-même. Mais depuis toujours, je suis très attiré par le cinéma. On ne peut pas faire en bande dessinée ce qu’on parvient à faire sur grand écran. » En attendant un jour le film ou la série TV, les amateurs de la saga « Airborne 44 » ont de quoi patienter avec « M.I.A. : Missing In Action », qui est certainement l’un des albums les plus réussis de la série, notamment grâce aux magnifiques dessins réalisés en couleur directe.