Emma • Jane Austen

Emma Jane Austen

Emma Jane Austen

Éditions Archipoche, 2023 (512 pages)

Ma note : 18/20

Quatrième de couverture …

La jeune et belle Emma Woodhouse vit avec son père veuf dans le petit village de Highbury. Pour se distraire, elle décide de jouer les entremetteuses au profit des célibataires de son entourage. Elle se consacre tout spécialement à sa protégée, la très jolie Harriet Smith, qu’elle destine à Mr Elton, le vicaire de Highbury. 
Les plans d’Emma semblent en bonne voie, mais ses certitudes vacillent lorsque les événements prennent un tour inattendu. Malgré ses bonnes intentions, elle connaît peu les sentiments d’autrui… et les siens propres moins encore. 
Paru anonymement en décembre 1815, Emma conjugue l’étude des mœurs, une intrigue quasi policière et une ironie toute britannique.

La première phrase

« Emma Woodhouse, belle, intelligente, douée d’un heureux naturel, disposant de larges revenus, semblait réunir sur sa tête les meilleurs dons de l’existence ; elle allait atteindre sa vingt et unième année sans qu’une souffrance même légère l’eût effleurée. »

Mon avis …

Jane Austen fait partie de mes autrices préférées. Emma restait à ce jour le seul de ses romans achevés que je n’avais pas encore pris le temps de découvrir, et autant vous l’avouer tout de go : cette lecture fut un véritable coup de cœur. Je l’ai autant appréciée qu’Orgueil et préjugés (roman lu en 2015). Il m’est tout simplement impossible de les départager. Emma et Orgueil et préjugés resteront donc mes deux romans austeniens favoris.

Emma Woodhouse vit seule avec son père dans leur propriété de Hartfield. Âgée de vingt-et-un ans, notre jeune héroïne profite de temps en temps des visites de sa sœur aînée qui vit à Londres. Mais elle a surtout gardé beaucoup d’affection pour son ancienne gouvernante, miss Taylor, qui vient tout juste de se marier avec Mr Weston, un veuf fortuné. Persuadée d’avoir favorisé cette union, Emma ne s’en tient donc pas là. Ainsi, la voici qui tente de démontrer à son amie, Harriet Smith, que le vicaire de Highbury (Mr Elton) pourrait faire un bon parti. Emma espère ainsi détourner l’attention de son amie, alors fortement éprise d’un fermier des environs. Malgré les avertissements de Mr Knightley, un ami de son père, Emma poursuit ses manigances jusqu’à créer bon nombre de quiproquos dont elle aura peine à se défaire.

Comme toujours, c’est avec un bonheur infini que je retrouve l’univers et la plume, ironique et mordante, de Jane Austen. Ses romans sont pour moi source de réconfort. Je les déguste comme un carré de chocolat noir. On pourrait croire qu’il ne s’y passe pas grand-chose. Mais j’apprécie toujours autant me retrouver transportée deux siècles en arrière. Il ne s’agit alors plus que de prendre le thé, de dîner, de ne surtout pas prendre froid en allant déposer une enveloppe à pied par un temps brumeux (tout devient une aventure avec Jane Austen !) ou encore de me questionner quant à savoir quel gentleman anglais aurait eu ma préférence.

Emma n’en démord pas. Elle ne souhaite pas se marier, préférant veiller sur la santé de son père. Je vous avoue que je nourrissais une petite appréhension à l’idée d’ouvrir ce roman. Les janéites sont en effet loin de classer Emma en tête de liste pour ce qui est de nommer leur roman austenien favori. La faute à la personnalité de son héroïne. Certes, Emma se montre vaniteuse, égoïste, persuadée d’être légitime à favoriser ou décourager les inclinations amoureuses des uns et des autres. Mais c’est aussi une héroïne de bonne composition, gaie, franche, en capacité d’aller jusqu’au bout de ses idées et de ses actes. Elle sait également faire preuve d’empathie, allant même jusqu’à reconnaître des qualités aux voisins ou connaissances qu’elle apprécie peu. Emma a donc un bon fond. Et j’ai apprécié suivre le fil de ses pensées et émotions.

Et puis, je trouve qu’on ne s’ennuie pas une seule seconde. Les rebondissements s’enchaînent. Certains personnages disparaissent pendant plusieurs chapitres, avant de revenir avec des nouvelles étonnantes, tandis que d’autres font tout simplement une entrée fracassante dans l’intrigue. Plusieurs unions sont contractées (parfois à la surprise du lecteur). Emma est un roman plus long que d’autres récits austeniens, mais je le trouve aussi plus complexe, plus abouti.

De plus, je trouve que l’ironie mordante de Jane Austen y est ici à son apogée. Certains personnages sont tant tournés en ridicule que l’on s’amuse à assister au décalage entre le désir de nos protagonistes (ne surtout pas croiser Mme Elton ; éviter les bavardages intempestifs de miss Bates) et la sacrosainte règle de bienséance qui exige des sacrifices.

Présentes dans cette édition, les gravures signées Hugh Thomson sont sublimes, il faut le souligner, et offrent une vraie plus-value à l’ensemble.

Emma fut donc une lecture merveilleuse. Je ne regrette maintenant qu’une chose : en avoir terminé avec les romans les plus connus de Jane Austen. Il reste, heureusement, le plaisir de la relecture. Et sans doute lirai-je un jour Sanditon (même si ce roman demeure inachevé) dont j’avais apprécié l’adaptation en mini-série par la BBC. Je n’en ai donc pas réellement terminé avec l’univers de cette chère Jane Austen. Pour mon plus grand plaisir !

Extraits …

« Un jeune fermier, à pied ou à cheval est la dernière personne qui puisse éveiller ma curiosité ; il appartient précisément à une classe sociale avec laquelle je n’ai point de contact ; à un ou deux échelons au-dessus, je pourrais remarquer un homme à cause de sa bonne mine : je penserais pouvoir être utile à sa famille, mais un fermier ne peut avoir besoin de mon aide en aucune manière. »

« Ma parole, Emma, à vous entendre ainsi déraisonner, j’en viendrais presque à vous croire. Il vaudrait mieux que vous soyez dépourvue d’intelligence plutôt que d’en faire un si mauvais usage. »