Tropique de la violence n’a pas oublié qu’elle était aussi journaliste. Elle a enquêté, retrouvé les parents de Chahinez et retrace son parcours, allant même jusqu’à assister à la reconstitution du meurtre, pour les besoins de l’enquête. Un drame qui se double de dysfonctionnements en série qui auront fini par coûter la vie à cette mère de famille exemplaire.
À Maurice, sa cousine Emma connaîtra le même sort. Rattrapée en voiture par son mari, chauffeur de ministre, il heurter sa femme avec sa berline avant de lui rouler dessus et de la jeter dans le fossé. Là encore, la romancière se transforme en enquêtrice, lit les rapports et la presse, se rapproche des témoins, chercha à comprendre l’enchaînement des faits.
« J’ai souvent imaginé ce travail comme une spirale. Au centre de cette spirale, il y a Emma et Chahinez et un bout de moi-même. Une extrémité de la courbe s’approche de ce centre et l’autre extrémité s’en éloigne. La spirale tourne en permanence et je suis loin du centre. Il me faut l’atteindre sans me presser, sans brûler les étapes, j’avance doucement, je m’enroule, je lis des dizaines de livres, je regarde des documentaires, je lis des récits et je me fais l’effet d’une fourmi qui amasse, qui stocke, qui prépare, qui creuse un sillon invisible aux autres, parfois flou pour elle-même mais qui ne peut s’arrêter car la spirale est devenue hypnotique désormais. »
Il fallait une plume aussi sensible que celle de l’autrice de Rien ne t’appartient ou Le ciel par-dessus le toit pour s’approcher au plus près de cet indicible, pour décrire l’emprise, la peur, mais aussi l’espoir que les choses finiront par s’arranger. Avec doigté, sans jamais nier le doute qui l’accompagne dans son projet de livre, l’autrice décrit les mécanismes de la possession et rend hommage à ses victimes. Ce faisant, elle nous offre un miroir de la société, d’un pays qui n’a très longtemps pas voulu voir l’ampleur du phénomène, détournant le regard sur les féminicides ou allant même jusqu’à trouver des circonstances atténuantes à ces « crimes passionnels ». Un livre utile, un témoignage poignant, un cri qui déchire la nuit au cœur.
La nuit au coeur
Nathacha Appanah
Éditions Gallimard
Roman
288 p., 21 €
EAN 9782073080028
Paru le 22/08/2025
Version audio
« La nuit au cœur », un récit d’une grande puissance restitué par l’autrice elle-même.
Où ?
Le roman est situé sur l’île Maurice, à Port Louis, à Paris, à Lyon, à Mérignac, à Cenon, à Pessac. On y évoque aussi l’Algérie avec Rouiba, Diar El Gharb, Aïn Taya et Blida El Affroun.
Quand ?
L’action se déroule au XXIe siècle
Ce qu’en dit l’éditeur
« De ces nuits et de ces vies, de ces femmes qui courent, de ces cœurs qui luttent, de ces instants qui sont si accablants qu’ils ne rentrent pas dans la mesure du temps, il a fallu faire quelque chose. Il y a l’impossibilité de la vérité entière à chaque page mais la quête désespérée d’une justesse au plus près de la vie, de la nuit, du cœur, du corps, de l’esprit.
De ces trois femmes, il a fallu commencer par la première, celle qui vient d’avoir vingt-cinq ans quand elle court et qui est la seule à être encore en vie aujourd’hui.
Cette femme, c’est moi. »
La nuit au cœur entrelace trois histoires de femmes victimes de la violence de leur compagnon. Sur le fil entre force et humilité, Nathacha Appanah scrute l’énigme insupportable du féminicide conjugal, quand la nuit noire prend la place de l’amour.
Les critiques
Babelio
France info Culture (Edwige Audibert)
France Inter (Podcast Le grand portrait)
L’Express.mu
Cult.News (Marianne Fougère)
La République des livres
AFP (repris par TV5 Monde)
Le Mauricien
Blog Lily lit
Blog Aude bouquine
Nathacha Appanah présente « La nuit au cœur » © Production Librairie Mollat
Nathacha Appanah lit un extrait de « La nuit au cœur »
Les premières pages du livre
« La pièce imaginaire
Ils ne sont pas entièrement mauvais.
S’il existait une manière de les presser pour en extraire un jus, ce jus ne serait pas tout à fait imbuvable, non, parfois sous son amertume empoisonnée il y aurait un arrière-goût de douceur. S’il existait une manière de les passer entre deux rouleaux compresseurs pour qu’ils se transforment en feuilles plates, ces feuilles ne seraient pas totalement opaques et inquiétantes comme le fond des mers, non, elles auraient ici et là des transparences et des veines fines qui
leur donneraient un semblant de vulnérabilité. S’il existait une manière de les broyer en fine poussière, cette poussière ne serait pas complètement toxique, non, certaines particules flotteraient dans les rais du soleil et à les regarder, on pourrait croire à un ballet innocent.
MB est maçon. Il est né en Algérie, près d’un petit port où les barques déchargent des sardines par palanquées. Au soleil, dans leur filet, les poissons brillent et bougent tel un seul morceau de métal en fusion. MB est le benjamin d’une fratrie nombreuse et cette position le place sous la protection et l’indulgence de tous ses aînés. On lui a raconté qu’il était un très bel enfant. Ses cheveux étaient longs et soyeux,
son visage pareil à celui d’un chérubin. Il suscitait l’envie et la jalousie de ses petits camarades. MB adore sa mère, une femme courage qui le gâte et l’incite à être sérieux à
l’école, à bien obéir, à entreprendre de longues études. Elle lui confie combien elle était douée, elle, à l’école mais que faire, elle n’est pas née à la bonne époque ni dans le bon pays. Elle respecte et subit les traditions patriarcales – le
mariage arrangé, l’arrêt net de sa scolarisation, la naissance de huit enfants à un rythme régulier, la soumission à un mari autoritaire, parfois violent et souvent alcoolisé. Malgré tout l’amour et le respect qu’il porte à sa mère, MB
n’écoute pas ses conseils et abandonne l’école à quatorze ans. Peut-être qu’il veut se dégager du joug familial, être indépendant, faire comme ses frères aînés qui travaillent déjà. Près de la plage et du port de sa commune natale, il commence à vendre des cacahuètes, des cigarettes et parfois
des sardines, à l’embarcadère. Dans ces années où il a encore un corps d’adolescent et une allure insouciante, ça s’appelle se débrouiller. MB flirte un peu avec les filles, mais il n’y a rien de bien sérieux. À vingt-trois ans, il quitte son pays natal et rejoint la France où certains membres de sa famille se sont installés. Il trouve du travail comme manœuvre dans le bâtiment. Les journées sont longues et rudes. Il prépare le mortier, il découpe le bois, il transporte le matériel, il nettoie, il apprend un vrai métier. Il obéit. Il est prêt à faire ces choses-là, il ne rechigne pas devant le travail. Fais ceci, va là-bas, ramène ceci, rapporte cela. Son corps entier
travaille, s’épaissit, se muscle, s’affirme, se professionnalise. Quand il devient maçon, il est fier. Il peut à son tour montrer aux jeunes manœuvres comment réaliser les jointures, installer des éléments de ferraillage, couler un petit ouvrage en béton. Il explique, il houspille comme lui-même a été houspillé. Il dit : Fais ceci, va là-bas, ramène ceci, rapporte cela. Les samedis matin, MB se réveille courbaturé et heureux d’avoir travaillé sans relâche de l’aube jusqu’au crépuscule pendant les cinq premiers jours de la semaine, d’avoir fait de son existence quelque chose d’utile, d’avoir un CDI dans une entreprise importante du bâtiment, de gagner sa vie sans rien devoir à qui que ce soit. Ce n’est pas rien ce sentiment, c’est peut-être celui qui lui fait se sentir enfin un homme, comme son père, comme ses frères. MB a un début de calvitie qu’il essaie de camoufler en coupant ses cheveux ras. Peut-être passe-t-il de temps en temps la main sur sa tête en imaginant les longs cheveux qu’il avait dans son enfance ? Il apprécie les belles chaussures bien cirées, les manteaux de laine ajustés, les lunettes de soleil à la mode, surtout celles à la forme dite aviateur. Il aime séduire, offrir des cadeaux, il sait charmer les femmes, c’est un beau parleur. Quand on lui demande de se décrire en deux mots, il choisit ceux-là : adorable et travailleur. Certains samedis soir, MB se lâche. Il fait la fête, il boit, il fume, il danse.
À le voir ainsi, joyeux, libre et fier, on n’imagine pas.
RD travaille comme chauffeur dans un ministère important. D’aussi loin qu’il se souvienne, on lui a dit et répété qu’il était beau. Ses parents, ses frères et sœurs, ses cousins, ses oncles et tantes, ses voisins. Ce sont ses yeux couleur
café au lait qui le singularisent et, dans ce pays où les gens sont basanés aux yeux foncés, la beauté réside souvent dans la pâleur des attributs : une peau claire, des cheveux châtains, des yeux pâles. On l’appelle le garçon aux yeux
marron-marron pour souligner que ce n’est pas un marron ordinaire dont il s’agit mais un beau marron, riche et fertile et épais comme l’est le sol, ici. RD est né dans un village enserré par une nature luxuriante. Les feuilles des arbres y sont épaisses, gorgées de sève et la terre toujours
féconde. Son quotidien avec sa famille est modeste, parfois frugal. Adolescent, il grandit vite, beaucoup plus vite que les autres garçons, comme s’il avait appris à se nourrir de tous ces compliments et ces regards admiratifs, et bientôt
il dépasse tout le monde d’une bonne tête. Mais s’il sait qu’il est beau, RD n’est ni arrogant ni prétentieux. Son sourire est franc, il est courtois, sympathique, charmant même. Les filles en sont secrètement amoureuses. Avec les aînés, il est respectueux et serviable. Sa scolarité se passe
sans accroc et il est de ces centaines d’élèves qui terminent le cycle secondaire sans véritable projet, sans réelle passion.
Quand il est embauché comme chauffeur au ministère, c’est la chance de sa vie. C’est désormais un employé du service public et rien ou presque ne peut lui arriver. Ses parents sont soulagés de le savoir à ce poste que d’autres
rêveraient de décrocher : la sécurité du travail de fonctionnaire sans l’ennui gris des bureaux. RD aime son travail de chauffeur. Il conduit la ministre, les hauts gradés et sa berline noire brille sous le soleil de ce pays. Ce n’est pas rien
d’être au volant de ces voitures-là, de conduire ces gens-là, d’entendre leurs conversations secrètes, de connaître les manies et les habitudes des puissants. C’est quelque chose,
pour un fils d’agriculteur comme lui, de savoir lire dans un hochement de tête, dans un regard. Il est apprécié de tous et il a fière allure, il faut l’avouer, quand il roule sur les routes bordées de palmiers de la capitale, quand il lance cette voiture puissante sur l’autoroute. Il fait son travail
avec la discrétion nécessaire et quand parfois en famille on lui pose des questions un peu indiscrètes sur la « vraie vie » des hommes politiques, il affiche un sourire timide, ses yeux marron-marron pétillent mais il ne dit rien, il ne
lâche aucun secret. Il est fier d’occuper ce poste et c’est une fierté qui dépasse son simple parcours personnel. Il lui semble parfois porter la fierté du chemin de sa famille, de ses ancêtres, de sa classe sociale entière. Ce n’est pas rien de se sentir dépositaire de cet héritage-là, et ainsi, RD se voit comme un homme qui a réussi, qui a trouvé sa place. Si on lui demandait de se décrire, il dirait : Je suis un homme de famille. De temps en temps, le soir, il entre dans des casinos et des salles de jeux où jamais il n’aurait osé mettre les pieds avant. C’est un petit plaisir qu’il s’offre. Il joue avec la certitude illusoire que jamais il ne perdra le contrôle.
À le voir ainsi, détendu et souriant, on n’imagine pas.
HC est journaliste et poète. Il est né pendant la Seconde Guerre mondiale, mais sur cette île britannique éloignée du conflit ça n’a pas beaucoup de sens de préciser cela, ça ne détermine pas une force de caractère, ça ne laisse aucune marque indélébile. Dans ce pays colonisé, il a appris d’autres langues que celle de sa mère et il excellait à l’école.
Sa famille est très pieuse, très pratiquante, bigote même, on pourrait dire, mais cela n’empêche pas les secrets, la violence familiale et les sentiments tellement rentrés qu’ils deviennent aigres. Son père frappe sa mère régulièrement et, un jour, alors qu’il était adolescent, HC en a eu assez.
Il est intervenu en se jetant dans les bras de cet homme craint et respecté, en l’enserrant. Il a éclaté en sanglots :
Pourquoi père, pourquoi ? HC a oublié la réponse que lui a donnée son père, mais il dit que ce dernier n’a plus levé la main sur la mère, après. Sa sœur est devenue religieuse dans un ordre strict et s’est retirée du monde derrière les hauts murs d’un couvent. Elle a changé de nom et quand il parle d’elle il utilise ce nouveau nom choisi, il ne dit pas le prénom de l’enfance, respectant la foi et l’engagement de cette jeune femme. Pour la voir, il faut faire une demande
écrite auprès de la mère supérieure de cet ordre. HC aime le sport, la boxe et l’athlétisme tout particulièrement. Il lit énormément, avec avidité, avec un œil critique et acerbe.
Il écrit aussi, des nouvelles et des poèmes. Il parle avec aisance et intelligence. Il pourrait être l’un de ces jeunes des années 1960 qui discutent Marx, Bourdieu, Fanon, Césaire
pendant des heures, puis descendent dans la rue et réclament l’indépendance. Mais déjà, quelque chose l’empêche d’être joyeux, d’être parfaitement libre. C’est une ombre invisible dont il sent le poids, dont il entend la voix nasillarde. Il pense que c’est l’enfance difficile, le père parfois brutal, la mère silencieuse, il croit parfois que c’est ce pays lui-même, gangrené d’inégalités, il se dit que c’est l’histoire de son peuple qui lui pèse et il écrit sur les esclaves noirs qui se tiennent debout en haut des mornes, prêts à se jeter dans le vide. HC entre au séminaire. Deux enfants de la même famille au service de Dieu, c’est un honneur et une bénédiction pour certains parents. Une vie de contemplation et de prière, le dos au monde : peut-être est-ce cela au fond qu’il désire. Ici, HC trouvera, croit-il, une paix et une sérénité qu’il n’a jamais connues. Mais il est difficile de promettre toute sa vie au service de l’Évangile pour ce jeune homme dont le corps est fort, l’esprit original et les appétits charnels gourmands. HC finit par abandonner. Il enseigne, il écrit des nouvelles et de la poésie, il court, il boxe, il devient entraîneur d’athlétisme, travailleur social
et enfin journaliste. Certains l’appellent le « gourou », le « mentor ». Les jeunes journalistes le trouvent « brillant », « génial ». Pourtant, ce n’est jamais lui la grande plume du journal, pourtant ce sont d’autres poètes qui sont récompensés et édités à Paris. Quand ses athlètes gagnent, il est dans les coulisses, s’éclipsant au moment de la joie pure et bruyante. Sur les rares photos où il apparaît il faut le débusquer. Il est toujours dans un coin, à contre-jour, au dernier rang. On dirait qu’il fait exprès. HC n’est pas beau, mais sa présence est palpable dans une pièce. Son corps est massif et musclé, ses oreilles larges et plates, son nez ressemble à une poire aplatie, ses yeux sont petits, enfoncés
dans leurs orbites, et ses lèvres pulpeuses. Il porte souvent ces chemises-vestes avec des poches. Il se tient toujours droit et semble renfermer une somme de savoir, de pensées, de fantasmes, de regrets, d’opinions. Un océan est
là dans ce corps. HC sait qu’il a raté quelque chose, mais il pense que c’est un peu la faute des autres, de ceux qui l’ont détourné de son premier chemin, de ceux qui lui ont piqué des idées, de ceux qui lui ont volé la place. Il n’écrit plus de poésie ou si peu, mais s’il devait se décrire, il dirait : Je suis un poète. Ce n’est pas rien de penser une chose pareille sur soi. Le soir, il se documente sur la vie du célèbre explorateur Ibn Battûta, il lit des ouvrages érudits sur Magellan, sur l’histoire des Mascareignes, il étudie de vieilles cartes. HC creuse le passé, les premiers chemins des navigateurs, il cherche là quelque chose, un élément historique que personne n’a découvert, un mystère dont il est le
seul à soupçonner l’existence et dont la mise au jour serait extraordinaire, croit-il. C’est son grand projet secret. À le voir ainsi, dans son fauteuil de cuir, tirant sur sa cigarette, lisant comme s’il était seul au monde, on n’imagine pas.
Je mets cet ouvrier, cet employé et ce poète dans une pièce vide, sans ouverture autre qu’une imposte, en hauteur, hors de leur portée.
Ils se regardent en fronçant les sourcils, sans comprendre leur présence ici, à tous les trois, ensemble. Ils ne se connaissent pas, ne se sont jamais rencontrés auparavant.
Ils réfléchissent aux raisons qui auraient pu les conduire ici mais ils ne trouvent pas. Pas une seconde ils ne pensent à leurs femmes respectives, ils n’imaginent pas qu’elles puissent avoir quelque chose à voir avec cette histoire.
Ils cherchent la porte, mais dans cette pièce il n’y a pas d’issue. La lumière de l’imposte arrive jusqu’à eux en un brouillard jaunâtre, assez pour révéler les visages, les cous, les mains mais c’est une lumière fatiguée, sans chaleur, sans pardon. Il est impossible d’y chercher un quelconque réconfort.
C’est le chauffeur qui fait le premier pas. Il se présente aux deux autres, en tendant la main, le sourire aux lèvres, lui qui n’a pas oublié comment faire le beau. L’ouvrier, méfiant, ne dit rien au début, il continue à effleurer les murs de ses doigts, cherchant les repères d’une porte, tapotant parfois ici parfois là pour deviner un pan creux, un pan plein. L’espace de quelques minutes, il redevient le maçon expérimenté et il finit par évoquer son métier, par dire qu’il s’y connaît en murs, en béton, en mortier. Le poète reste immobile et silencieux. Il observe tout, pensées rentrées comme d’autres rentrent leurs griffes.
Dans cette pièce imaginaire – parce qu’il n’y a que dans cet endroit que je peux les réunir, parce qu’il n’y a que dans cet endroit que je peux maîtriser le récit, inverser les rôles, devenir à mon tour un petit bourreau, exercer un pouvoir
d’emprise et de fascination, exiger écoute et silence –, dans cette pièce imaginaire donc, je les laisserai mariner un peu, eux qui pensent qu’ils n’ont rien en commun. Ils continueront leur inspection du lieu comme d’autres pissent sur
les murs, ils appelleront au secours en vain, ils discuteront et se disputeront.
Dans cette pièce qui n’existe que dans ma tête, il y a un dispositif que j’actionnerai quand ils seront résignés.
Peut-être qu’ils sont assis désormais, dos au mur, jambes tendues. C’est un dispositif qui les empêchera de prétendre à la folie, à l’amnésie, qui leur interdira de parler de responsabilité partagée.
Dans ce lieu vitreux, il n’y aura aucune place pour les explications psychologisantes qui ne servent qu’à disculper les coupables, à susciter l’empathie et à effacer leurs victimes.
Ici, dans cet endroit qui ressemble à un envers où toutes les saletés sont à nu, ils seront, cet ouvrier, cet employé et ce poète, bouches fermées, à la merci de cette histoire.
PREMIÈRE PARTIE
1
En mai 1998, une jeune femme qui vient d’avoir vingt-cinq ans court de pièce en pièce dans une maison pour échapper à son compagnon. De loin, ça pourrait ressembler à un jeu parce que parfois ils font le tour de la table à manger, feintent d’aller à gauche, à droite, et renversent
des chaises. Il finit par l’attraper, lui qui est beaucoup plus grand et plus fort qu’elle. Le temps que ça dure, une minute ou cinq ou dix, ça n’a pas beaucoup d’importance.
Ce qui compte, c’est le frottement étouffé de leurs corps qui luttent et, plusieurs fois, le bruit sec d’une claque, le son creux d’une tête qui heurte le mur. La femme réussit à se dégager de l’emprise de l’homme, titube hors de la maison et s’enfuit en courant dans la rue, vers la droite.
À cette heure noire et sans pitié, elle ne va pas bien loin.
La femme a terriblement peur. L’homme la suit en voiture, accélère, s’arrête, accélère à nouveau. Il la surprend dans les phares et c’est une figure mi-humaine mi-animale qu’elle dessine dans cette lumière jaune mais cela n’a pas beaucoup
d’importance non plus. Ce qui compte, c’est la solitude de la nuit, le ronflement de ce moteur qui ressemble à une menace et les chiens qui aboient. Ce qui compte, c’est son cœur qui est sur le point d’exploser, une grenade. Elle finit par monter dans cette voiture, elle ne se souvient pas pourquoi exactement. À ce moment-là du soir, elle sait que la mort est proche mais savoir cela ne la rend pas lucide.
Savoir cela ne la rend pas futée puisqu’elle monte dans cette voiture de son plein gré. Elle pense peut-être que lui obéir une dernière fois lui donnera une chance.
En décembre 2000, une femme de trente ou trente-deux ans court pour échapper à son mari. Au moment où ces lignes sont écrites, personne ne se souvient avec exactitude de son âge. Ni sa mère, ni son fils, ni ses sœurs. Elle prend le même chemin que pour son footing hebdomadaire, vers la montagne. Elle met toute son énergie dans cette course, qui est une fuite, son corps entier est traversé par une sorte d’instinct électrique sans logique. Elle invoque non pas un dieu, non pas ses parents, mais l’aube qui lui donnera certainement une chance, celle d’être vue par un voisin, celle de pouvoir bifurquer dans un chemin de traverse et de s’enfoncer dans les champs. Pour l’instant elle court dans ce noir encore, dans ce soir toujours. La nuit épaisse et opaque de ce pays, combien c’est une chose physique et dure, l’avait-elle déjà remarqué auparavant. Elle ne voit strictement rien, elle sait seulement qu’elle est sur la route
car ses pieds frappent l’asphalte. Le temps que ça dure cette course, cinq minutes, dix ou vingt, personne ne l’a jamais su. Elle entend une voiture arriver et elle sait sans se retourner que c’est son mari au volant. Sa prière n’a pas été exaucée. La mort est là et l’aube ne s’est toujours
pas levée.
En mai 2021, une femme de trente et un ans court pour échapper à son mari. Celui-ci, qui vient de sortir de prison et qui a interdiction de l’approcher, a surgi d’une voiture. Cette femme, pourtant surprise, ne panique pas.
Elle ne perd pas une seconde à crier, à tergiverser, à s’emmêler les pieds. Non, elle se met à courir. Elle savait qu’il allait venir, elle savait qu’il n’allait pas la laisser en paix.
Il y a une once fugace de satisfaction, tel un éclair lucide, à penser Je le savais. Il est un peu plus de 18 heures. Les avait-elle remarqués avant, l’étirement de cette journée de printemps, cette teinte rosée que prend le ciel à l’approche
du soir, ce parfum de fleurs qui monte. Le temps que dure cette course, on le sait, une minute à peine, et dit comme ça, c’est court, ce n’est rien, mais il faut dans ces moments-là compter une à une ces secondes qui composent la minute, de longues secondes qui font battre et s’emballer le cœur, où les jambes et les bras s’activent,
où le corps est animé d’une énergie pure. La femme veut quitter cet espace dégagé qu’est la rue, atteindre la cour du cabinet médical à quelques mètres, s’y engouffrer, appeler à
l’aide. Elle regarde la haie de cyprès comme on regarde un ultime secours, elle y est presque. Elle a fait de son mieux, cette femme qui court, et quand elle reçoit la première balle dans la cuisse, quand elle s’affaisse à genoux comme
son mari a toujours aimé qu’elle soit, asservie à lui, elle sait que la mort est arrivée et que sa vie se termine ainsi, dans un caniveau.
De ces nuits et de ces vies, de ces femmes qui courent, de ces cœurs qui luttent, de ces instants qui sont si accablants qu’ils ne rentrent pas dans la mesure du temps, il a fallu faire quelque chose. Les écrire, les regarder en face,
les peser chacun leur tour et aussi ensemble, les comparer, les mettre côte à côte, bien au chaud, à l’abri dans ce livre. Il a fallu dire le nom de ces femmes des dizaines de fois jusqu’à parfois croire en leur présence, leur poser des questions et entendre leur voix dans l’écho de ce qui n’est
plus. Il a fallu rêver cet éternel rêve d’un nous et d’un récit commun, ce nous composé de trois femmes, ce récit commun tressé de trois voix, mais toujours se réveiller seule. Il y a l’impossibilité de la vérité entière à chaque page mais la quête désespérée d’une justesse au plus près de la vie, de la nuit, du cœur, du corps, de l’esprit.
De ces trois femmes, il a fallu commencer par la première, celle qui vient d’avoir vingt-cinq ans quand elle court et qui est la seule à être encore en vie aujourd’hui.
Cette femme, c’est moi.
2
Il y a longtemps, au cours d’un mariage, B., le mari d’une de mes cousines, a commencé à lire les lignes de la main. Un attroupement s’est formé autour de lui. C’était un homme qui était considéré comme sérieux, doux, pragmatique, et je découvrais avec surprise qu’il était également
chiromancien. J’étais avec des filles un peu plus âgées que moi, que je venais de rencontrer. Elles étaient joyeuses, maquillées, elles avaient les ongles vernis, des vêtements scintillants. Je les trouvais éminemment sympathiques. B., que j’appelais oncle B., prenait, tour à tour, une main
tendue, celle de droite ou de gauche je ne m’en souviens plus, la regardait attentivement, étirant parfois la peau pour mieux voir je ne sais quoi. Après un silence religieux plus ou moins long, il disait des phrases telles que : « Tu te marieras à vingt-deux ans », « Tu auras trois enfants », « Tu
prendras souvent l’avion », « Tu vivras à l’étranger », « Tu vivras longtemps, quatre-vingt-quinze ans au moins », « Tu te fianceras mais ça ne va pas marcher la première fois », « Tu te marieras tard, après vingt-sept ans ».
Chacune de ses prédictions était accompagnée d’exclamations de surprise et de fous rires. Je sautillais de joie et d’excitation. Parfois une des filles insistait : « Mais avec qui vais-je me marier ? », et oncle B. lui répondait, sans ironie :
« Ah, ça je ne peux pas savoir. »
J’avais onze ou douze ans. Je me souviens de cet âge où l’on se sent quitter les rives de l’enfance mais pas tout à fait, pas tout le temps. Je surveillais du coin de l’œil ma mère ou mon père, persuadée qu’ils n’auraient pas apprécié
ma présence ici, dans cette bande d’adolescentes rieuses et coquettes. À un moment, je me suis retrouvée devant l’oncle B. Il a eu l’air surpris de me voir et m’a dit : « Pour
toi aussi, tu es sûre ? » Devant l’insistance de toutes mes nouvelles amies qui criaient : « Oui, oui, c’est son tour, c’est son tour ! », j’ai tendu la main. Oncle B. a tenu ma paume et son visage s’est immédiatement décomposé. Ses traits se sont figés puis relâchés vers le bas, on aurait dit qu’ils étaient faits de cire. Sa bouche s’est entrouverte. Il m’a regardée avec un mélange de réprobation et de surprise. Il a observé ma main à nouveau, pendant plusieurs minutes, puis quand il a levé les yeux vers moi, c’était comme s’il me voyait pour la première fois. Plus personne ne riait, plus personne ne parlait. Ce
n’était plus un jeu. Je me suis sentie terriblement mal, au bord de la nausée, coupable d’un avenir que je n’avais pas encore commis. C’est ce qu’il disait avec ses yeux, avec sa mine effarée. Tu vas faire quelque chose d’horrible.
Pourtant – je ne sais pas comment expliquer cela – je savais que ce qu’il avait vu n’avait rien à voir avec un délit, un crime mais avec la vie sentimentale, amoureuse, intime.
Il m’avait regardée comme s’il avait vu quelque chose qu’il n’aurait pas dû voir, une nudité, une vulnérabilité, un secret bien gardé. Ma cousine – sa femme – est arrivée à ce moment-là. Elle lui a pris le bras, l’a forcé à se lever de sa chaise et lui a lancé d’une voix autoritaire : « Te voilà ! Ça suffit maintenant, viens ! » Il a obéi sans un mot mais en partant il m’a regardée, l’air peiné. Je le revois encore, entraîné par sa femme qui lui tenait toujours le bras. Je le revois encore, se retournant vers moi avec ce visage décomposé par le chagrin.
Les filles se sont dispersées tel un vol d’oiseaux et je suis restée dans le jardin, seule, en me demandant ce que l’oncle B. avait pu lire dans mon avenir. Quel acte terrible allais-je commettre ? Qu’allais-je faire qui me vaudrait un
tel opprobre ?
3
L’année de mes dix-sept ans, je suis tombée dans un trou. J’ai glissé lentement, tout doucement, sans vraiment m’en rendre compte. Les parois de ce trou étaient, au début, recouvertes de livres. Quand j’en ouvrais un, je
découvrais à mon grand bonheur que tous les mots avaient été écrits pour moi et ceux-ci entraient dans mon corps et le remplissaient de ce que je pensais être la vérité, la beauté, l’amour, la foi. Derrière chaque livre que je prenais, il y avait un espace et j’imaginais que ce vide était pour tous les livres qui restaient à écrire, un prolongement une réponse une riposte une ode un hommage un contre-pied, à celui
que je lisais. Ainsi, pour chaque livre écrit, il y avait la promesse de tant d’autres, de la place pour tant d’autres histoires, tant d’autres écrivains et, pensais-je, de la place un jour peut-être pour un de mes livres, pour moi.
Tandis que je glissais, on me tendait d’autres livres, d’autres histoires, et celui qui me les tendait n’avait rien d’un lapin blanc aux yeux roses mais tout d’un homme adulte au corps mûr, au verbe expérimenté, à l’esprit torturé, mais je ne voyais pas les choses ainsi, quand j’avais dix-sept ans. Je pensais à la promesse de tous ces livres à écrire, de tout ce qu’il me fallait lire, bois-moi, mange-moi, et je lui étais reconnaissante de m’avoir choisie. Sinon com-
ment aurais-je eu accès à ce monde codé de la littérature dont il semblait détenir tous les secrets ?
Je l’avais rencontré dans un moment de grande joie : j’avais reçu un prix littéraire et HC était venu m’interviewer. Je ne savais pas qu’il était lui-même écrivain, poète – il préférait –, et il s’est assis dans le salon couleur crème de mes parents, buvant le thé de ma mère, respectueux
envers mon père, admiratif envers moi. J’avais encore les joues rondes et le duvet de l’enfance sur le visage. Au début de cette chute, cet homme qui avait trente ans de plus que moi, qui avait à charge un enfant déjà adulte et une femme qu’il avait épousée avant ma naissance, cet homme qui avait un appartement, un travail, des amis, des secrets, cet homme qui avait tant de choses à faire était pourtant toujours là, à portée de téléphone. Je l’appelais et il décrochait tout de suite. Il semblait m’attendre mais sans impatience, comme s’il savait que j’allais téléphoner, et cette confiance tranquille me paraissait être une marque de respect à mon égard. J’en étais terriblement flattée. Il me
parlait avec sa voix grave et basse, sa bouche près du combiné de façon que je perçoive parfois le chip de ses lèvres.
Il m’écoutait raconter ce que j’avais écrit la veille, ce que je n’avais pas écrit, ce que je voulais écrire, parler de mes lectures, et il me faisait comprendre qu’il était heureux de m’entendre, épaté de mes paroles et de la manière dont je conversais avec lui, que ce moment-là était son préféré de la journée. Si je lui avais envoyé un texte à lire, il m’en faisait la critique, avec un tact délicat et des encouragements à chaque souffle.
J’avais lu certains de ses poèmes et de ses nouvelles. C’est une littérature qui pourrait être qualifiée de postcoloniale mais j’étais trop jeune, trop ignorante pour avoir ces pensées, pour les mettre dans un contexte social, politique
et intime aussi. Je luttais pour accéder à sa littérature, à son univers. Ses textes me faisaient l’effet d’une lecture à décrypter, comme si elle était à plusieurs niveaux et que je restais bloquée au niveau zéro. Je me traitais d’inculte. Je blâmais toutes ces années à étudier les mathématiques et les sciences. Peut-être que je ne savais pas lire vraiment, peut-être que je ne savais que bachoter. HC incarnait la figure
même du poète maudit, de l’écrivain incompris et insaisissable, drapé dans son talent pas assez célébré, cachant un cœur cru et en mal d’amour.
Pourtant j’étais une grande lectrice déjà, curieuse de tout, d’hier, d’ici, d’ailleurs. Shakespeare, Césaire, Keats, Duras, Camus, Brink, Salinger, Maunick, Renaud, Naipaul, Verlaine, Dickinson. Je connaissais l’émotion en littérature, je connaissais le sentiment d’avoir sa vie dans les mains d’un écrivain, d’une histoire et de ne plus exister au présent.
Ce que je lisais de lui était sombre, empreint d’une solitude virile et suintante – les rues étaient crasseuses et sentaient la pisse ; le ciel était immense, noir et pesant ; les hommes erraient, incompris et bruyants, hantés par l’histoire, incapables d’être heureux. Ce même homme, au téléphone tous les jours, me parlait avec douceur, tendresse, pouffant de rire à mes blagues, soupirant amoureusement dans les moments de silence. Je n’arrivais pas à concilier
les deux, et même si j’avais la vague conscience qu’il fallait séparer l’œuvre de l’auteur, même si je pensais que seuls les lecteurs du dimanche confondaient l’écrivain et son livre, ses écrits m’inquiétaient parfois…
Si je pouvais remonter le temps, parce que souvent, désormais, je pense à ça, je passe un temps fou à essayer de trouver une faille dans ma chute lente et inexorable. Quand je crois la trouver, cette faille, je m’imagine tendre le bras,
l’arracher au marbre du passé, la détruire d’une manière irréversible et ça tourne dans ma tête pendant des heures et je finis par croire à la possibilité de ce délire – parce que même si je respire encore, si je ne suis pas morte, si mon
esprit fonctionne, si je peux former des mots et des phrases et en dépit de ma vie d’aujourd’hui qui m’est précieuse, je ne peux oublier ce trou. Oui, dans ces heures de folie, je finis par croire que c’est possible de changer mon passé,
de prendre un autre chemin, de me hisser hors de ce trou, de courir à toute vitesse comme je savais si bien le faire quand j’avais dix-sept ans.
Si je pouvais remonter le temps, donc, je choisirais un soir, quand, au-dessus de mon bureau, je suis penchée sur une de ses nouvelles primées ou un poème qu’il m’a fait parvenir.
Ma chambre est petite, c’est un cocon où parfois je niche, parfois j’étouffe. Il y a la vieille armoire de ma grand-mère. »
Extraits
« C’est un homme qui a plusieurs mains et chaque main a plus de cinq doigts. Parfois il a une main sur mon épaule, sur mes lèvres, parfois une autre sous mes fesses, une autre encore pour maintenir mes cuisses qui tressaillent. Il est ici, là, partout. C’est un lichen qui s’étale, un champignon qui s’installe, une liane qui s enroule. Ce n’est pas violent, mais ce n’est pas doux. C’est autoritaire et sournois. Il est un maître, c’est lui qui sait, c’est lui qui dit. Je suis ici mais je suis aussi très loin, dehors, sur une grande plaine verte avec des fleurs. Je suis un être humain mais j’ai la masse d’une minuscule fourmi. Je flotte mais je pèse des tonnes sur ce divan. J’écoute mais ce que j’entends n’a pas de sens. Un crissement de poils, un frottement de tissu, j’attends un murmure, un mot. Ce qui se passe n’a pas de début ni de fin. » p. 43
« J’ai souvent imaginé ce travail comme une spirale. Au centre de cette spirale, il y a Emma et Chahinez et un bout de moi-même. Une extrémité de la courbe s’approche de ce centre et l’autre extrémité s’en éloigne. La spirale tourne en permanence et je suis loin du centre. Il me faut l’atteindre sans me presser, sans brûler les étapes, j’avance doucement, je m’enroule, je lis des dizaines de livres, je regarde des documentaires, je lis des récits et je me fais l’effet d’une fourmi qui amasse, qui stocke, qui prépare, qui creuse un sillon invisible aux autres, parfois flou pour elle-même mais qui ne peut s’arrêter car la spirale est devenue hypnotique désormais. » p. 104
« […] abolir le temps et le réel, partir à la quête des mortes comme si elles étaient vivantes, écrire depuis le noir, écrire dans le noir et que ce geste rassemble tous ces morceaux éparpillés de ces deux femmes et de moi-même et que tout ça prenne la forme qui ressemble le plus à la chair humaine pour moi, un livre. »
À propos de l’autrice
Nathacha Appanah © Photo Francesca Mantovani
Nathacha Appanah est romancière. Ses romans ont été récompensés par plusieurs prix littéraires et traduits dans de nombreux pays. La nuit au cœur est son douzième livre. (Source : Éditions Gallimard)
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