Le jour avant le bonheur (Didier Tronchet – Christian Durieux – D’après Erri De Luca – Editions Futuropolis)

L’histoire se déroule dans un quartier populaire de Naples, juste après la Seconde guerre mondiale. Ces ruelles sombres, dans lesquelles le soleil fait des apparitions millimétrées à certaines heures de la journée, représentent tout l’univers d’Erri, un jeune orphelin. Il y vit sous la protection du concierge de son immeuble, Don Gaetano, qui se reconnaît dans ce gamin des rues car lui aussi a été un orphelin. C’est un homme bon et généreux, qui possède le don de lire dans les pensées des gens. Don Gaetano ne se contente pas d’héberger et de nourrir Erri, il lui apprend également la vie. Notamment en lui révélant les secrets des habitants de l’immeuble ou en lui racontant ses années passées en Argentine, mais aussi en lui prêtant des livres. Il permet au jeune orphelin de les lire dans une chambre située dans le sous-sol de l’immeuble, à l’endroit même où il avait caché un Juif durant l’occupation allemande. Et puis, Don Gaetano apprend à Erri la scopa, ce jeu de cartes typiquement napolitain. Dans la cour de l’immeuble, la principale activité des camarades du jeune garçon consiste à jouer au football. Des parties endiablées et interminables, auxquelles Erri rêve de participer. Malheureusement pour lui, il passe l’essentiel de son temps sur le banc des remplaçants. Pour obtenir ses galons de titulaire, le jeune orphelin est prêt à tous les risques pour récupérer le ballon lorsque celui-ci se retrouve coincé dans un endroit difficilement accessible. C’est comme ça qu’il se retrouve un jour à grimper sur le balcon d’un appartement au troisième étage. C’est à ce moment précis que sa vie bascule, car il croise le regard aussi vert qu’envoûtant d’une très belle jeune fille. Elle s’appelle Anna et elle regarde le monde par la fenêtre. Pour une raison mystérieuse, elle vit cloîtrée dans son appartement. Dorénavant, elle va habiter toutes les pensées du jeune Erri. Il va même jusqu’à voir son reflet dans les flaques d’eau…

Vous êtes en quête de beauté et de poésie? Alors, « Le jour avant le bonheur » est une BD faite pour vous. Le scénariste Didier Tronchet et le dessinateur Christian Durieux signent une adaptation élégante et sensible du roman du même nom d’Erri De Luca, paru en 2009. Grâce à leurs dessins et leurs mots, mais aussi grâce à un subtil jeu d’ombres et de lumières, ils parviennent à nous plonger avec bonheur dans le quotidien de ce vieux quartier de Naples. Il leur suffit de quelques pages pour qu’on s’attache immédiatement à Erri et Don Gaetano, deux personnages extrêmement touchants, et pour qu’on se passionne pour les événements qui se déroulent dans leur immeuble. Cette version BD du roman « Le jour avant le bonheur » nous touche avant tout par sa délicatesse et son atmosphère particulière. Il y a beaucoup de bonheur dans cette bande dessinée, et ça fait du bien, mais il y a aussi de l’amour, du drame, de la nostalgie, de la mélancolie. C’est une histoire très sensorielle, qui se lit comme une balade dans les ruelles sombres du Naples d’après-guerre, avec ses côtés durs et injustes, mais aussi ses moments de poésie pure. Le trait délicat et expressif de Christian Durieux colle parfaitement à cette ambiance douce-amère qui accompagne la lente initiation du jeune Erri, cet orphelin qui découvre peu à peu la complexité et la beauté de la vie grâce aux bons conseils de Don Gaetano. On le sait, ce n’est pas toujours facile d’adapter un roman en bande dessinée ou au cinéma, car on est toujours obligé de couper et de faire des choix, ce qui ôte souvent au récit une grande partie sa richesse. Ce n’est pas le cas avec « Le jour avant le bonheur », qui conserve toute l’âme napolitaine du roman d’Erri De Luca.