Quatre jours sans ma mère - Ramsés Kefi ♥♥♥♥♥

Philippe Rey
Parution : 21/08/25
Pages : 205
Isbn :
9782384822492
Prix : 20 €
Présentation de l'éditeur
Un premier roman poignant sur la fugue d'une mère, qui va métamorphoser sa famille.
Un soir, Amani, soixante-sept ans, femme de ménage à la retraite dans une cité HLM paisible en bordure de forêt, s'en va. Pas de dispute, pas se cris, pas de valise non plus. Juste une casserole de pâtes piquantes laissée sur la cuisinière et un mot griffonné à la hâte : " Je dois partir, vraiment. Mais je reviendrai. " Son mari Hédi, ancien maçon bougon, chancelle. Son fils Salmane s'effondre. À trente-six ans, il vit encore chez ses parents, travaille dans un fast-food, fuit l'amour et gaspille ses nuits sur un parking avec son meilleur ami, Archie, et d'autres copains cabossés.
Père et fils tentent de comprendre ce qui a poussé le pilier de leur famille à disparaître. Alors que Hédi réagit vivement, réaménage l'appartement, enlève son alliance, Salmane met tout en œuvre pour retrouver sa mère. Son enquête commence avec de maigres indices – une lettre, un chat tigré, une clé rouillée –, et remue un nombre incalculable de regrets. Il pressent que ce départ est lié à l'histoire de ses parents, orphelins émigrés de Tunisie. Il devine aussi que l'événement va tous les transformer, surtout lui, Salmane, qui voit enfin advenir son passage à l'âge adulte.
Dans ce premier roman plein de verve et de sensibilité, Ramsès Kefi compose une fresque intime et sociale, où le quartier ouvrier de la Caverne est à lui seul un personnage, avec ses habitants pudiques, son PMU d'antan, ses reproductions de bisons sur les murs... Ce texte est un chant d'amour aux mères qui portent le poids de leur famille, sans bruit et sans reconnaissance, aux hommes fragiles, impétueux mais débordant de tendresse, à ceux qui ont le courage d'aller chercher dans le passé les remèdes aux maux du présent.
Ramsès Kéfi

Après des études d’histoire et une parenthèse dans la restauration, Ramsès Kefi aborde le journalisme par hasard, en envoyant un texte – sur le café – à diverses rédactions. Le Bondyblog le publie et Rue89, dans la foulée, lui propose un stage. Il y restera cinq ans, à un poste de reporter polyvalent. En 2016, il rejoint le service Société de Libération, où il se spécialise dans les périphéries. En 2022, il part pour la revue XXI avec qui il publie À la base, c’était lui le gentil, un livre sur les rixes adolescentes. Quatre jours sans ma mère est son premier roman.
Mon avis
Voici un premier roman que j'ai adoré et que j'ai lu le sourire aux lèvres de bout en bout.
Salmane a 36 ans, sa vie, son univers c'est la Caverne, là où il est né, c'est ce qu'il a toujours connu. Initialement "la caverne aux oiseaux" , 7 tours HLM dans la banlieue de Paris, cité construite 45 ans plus tôt en bordure de forêt, un endroit toujours paisible aujourd'hui. Salmane s'y sent bien, chez lui, bien que diplômé d'un master en histoire ancienne, il vivote, travaille dans un resto fast-food avec un salaire minimum. Le soir, il retrouve Archie et ses potes au parking pour refaire le monde aux petites heures de la nuit. Salmane vit toujours chez ses parents Hédi et Amani, une vie d'ado gâté.
Ses parents sont arrivés 45 ans plus tôt de Tunisie, après un passage à Marseille. A Paris, ils se sont installés dans cette nouvelle cité et sont restés. Amani a aujourd'hui 67 ans, elle est partie en laissant une lettre "Je dois partir vraiment. Mais je reviendrai". Pour Salmane, c'est l'incompréhension totale, ses parents lui ont toujours dit qu'ils étaient orphelins, sans famille.
Il s'interroge, se remet en question. Mais qui sont vraiment ses parents ? Son père devient fou, il déclare que leur histoire d'amour est terminée, il démonte les meubles, a une attitude étrange. Salmane va se mettre en quête de ses racines, essayer de comprendre, de retrouver sa maman, son histoire, ses racines coupées là-bas, recousues ici.
C'est un magnifique premier roman, dont la plume proche de l'oralité nous fait sourire, rire par moments. L'écriture est acérée, drôle mais aussi remplie d'amour et de tendresse. C'est une véritable chronique sociale au delà de la recherche d'identité, des racines, des silences familiaux.
Un roman qui nous parle du déracinement mais aussi énormément d'amour, un amour maladroit d'Hédi envers Amani, d'un amour de Salmane pour ses parents. J'ai aimé la détermination d'Amani, une femme qui aux yeux de son fils est soudain autre chose que la mère et l'épouse, une femme qui enfin s'affirme, retourne aux origines, provoque un déclic qui va enfin faire grandir Salmane en adulte.
Un premier roman qui donne la pêche et qui fait vraiment partie des belles découvertes de cette rentrée, un vrai coup de cœur que je vous recommande vivement.
♥♥♥♥♥
Les jolies phrases
Amani n'a jamais porté de jugement sur mon amitié avec Archie, là où Hédi aurait adoré trier mes potes et les menacer chaque fois que je rentrais tard. Ma mère a eu Maria dans sa vie. Elle capte ce qu'est un double et comprend ce que les autres, de l'extérieur, sont incapables de comprendre.
Amani et Hédi n'ont jamais ouvert la porte d'une autre terre, d'un là-bas, puisqu'il n'y avait qu'ici. Un jour, mon père a dit que la Tunisie n'était pas montée sur le bateau avec eux. Pour ma mère, c'était moins poétique et plus chirurgical : nos racines avaient été sectionnées là-bas pour être recousues ici.
Je n'ai jamais ressenti le besoin d'une chasse aux origines. J'aime ma tour et ses six frangines. C'est un amour passionnel, qui ne laisse aucune place à une maîtresse. J'y ai mes parents, Archie et une bande qui valent largement une famille. Pourquoi s'enticher d'un terroir dont je ne connais rien ?
- Bien sûr que je pleure, pas toi ?
Tout le monde n'est pas fait pour l'exil, n'est-ce-pas ?
- J'ai niqué ta vie parce que j'étais jaloux. Je te le dis et ça me fait mal. J'ai honte... Tu as toujours été meilleur que moi. Je suis derrière tes addictions, tes dettes, tes problèmes. Je te le dois, ce ticket.
Je découvre, à trente-six ans, comment l'inquiétude peut torturer un corps.
C’était si violent qu’il ne pouvait y avoir de suite. Je ne t’aime pas. Je n’ai pas connu le chagrin d’amour. Aucun symptôme, même pas une larme. Mais j’ai perdu confiance en moi, au point de fuir les filles et d’apprendre à écraser mes sentiments à leur égard. Cette nuit-là, mon cœur avait été enterré devant cet immeuble ocre
Les parents s’en vont, un jour : dans ma bulle d’autrefois – d’il y a quatre jours – ils étaient immortels.
J'ai l'âge d'être papa et je gamberge tel un ado.