L’été en poche (15): Western

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En deux mots
Alexis Zagner s’apprête à remonter sur les planches pour interpréter Dom Juan. Aurore est quant à elle une mère célibataire qui vient de perdre sa mère et hérite de sa maison dans le Quercy. C’est là que le hasard va les faire se rencontrer, au moment où le comédien est accusé d’agression sexuelle.

Ma note


★★★★ (j’ai adoré)

Si vous voulez en savoir plus…
Ma chronique complète publiée lors de la parution du roman en grand format : Western

Les premières lignes
« Cela commence à Paris, au théâtre, sur la scène, au centre et au fond, dans l’humeur et l’impatience. Le théâtre c’est comme une mine, un volcan ou une fille. Tout se passe dans le ventre.
Pour le moment le théâtre est fermé, il ouvrira bientôt pour la première du Dom Juan de Molière. Pour le moment, on y travaille. Le plateau est éclairé et presque nu : un écran de projection d’environ quatre mètres sur six et, plantée au centre, une porte de saloon ouvrant sur le vide. Rien autour. Sur l’écran gigantesque s’anime à peine un paysage minéral en plein soleil. Une étendue de terre sèche, une chaîne de montagnes jaunes que limitent au tout premier plan quelques végétaux étendant une ombre courte qu’un cheval recherche. L’image assoiffe.

Une répétition en costumes est en cours, enfin pas vraiment en cours, pas encore, comme suspendue. On devrait jouer mais l’on ne joue pas parce qu’on attend quelqu’un. Six acteurs en quête d’un septième patientent autour du metteur en scène dans des appareils contrastés. Elvire porte une robe à paniers, lourdement brodée, Sganarelle est en jean, torse nu avec des éperons, et Dom Alonse comme Dom Carlos portent des costumes trois-pièces sur des tennis. Des vedettes en majorité. Des qui vivent bien de leur art, avec leurs personnages, leurs contradictions, avec ce pesant désir d’être reconnus quand, traversant un restaurant ou un aéroport, ils pressent le pas pour fuir leur prénom. Le Commandeur, celui qui est mort, n’est pas encore là, c’est normal. À l’acte I, il n’est pas sorti du tombeau.
Nous sommes à la veille des représentations publiques et ces gens à haut capital social s’emmerdent. Elvire consulte sur son téléphone des photos et autres contenus spécifiques ; Dom Carlos fume des clopes qu’il a classiquement tapées aux techniciens ; la statue du Commandeur, un type dans les vingt-deux ans qui vient d’arriver, demande avec un petit ton où est la diva. Sganarelle effectue mezza voce de perturbants exercices vocaux, « empoigne par la poignée du panier les pots posés sur le poignant piano, empoigne par la poignée du panier », et Gusman veut savoir si on va rester comme ça longtemps. Comme ça comment ? Comme des cons.
Au téléphone et en retrait du plateau, le metteur en scène se masse les sourcils et profère d’assez audibles grossièretés. C’est normal aussi.
Il fait face, à deux jours de la première, à l’absence de Dom Juan lui-même.

Le Dom, c’est Alexis Zagner, la gueule du siècle – du début surtout. Son contrat s’élève à cent cinquante mille euros, dont les deux tiers en minimum garanti, la pièce s’est montée sur lui sinon pour lui. Il devrait être là depuis plusieurs heures et personne ne l’a vu depuis. Depuis quand d’abord ?

Eh bien Dom Alonse et Gusman l’ont vu la semaine dernière, tous les trois ont déjeuné avec cette petite journaliste pour évoquer le spectacle.
— Et ?
Un moment agréable. En verve comme d’habitude et reprenant à son compte la note d’intention du metteur en scène, Alexis prétendait en la jouant montrer enfin cette pièce pour ce qu’elle était. Visionnaire, articulée autour d’une figure hypermoderne de la dissidence, Dom Juan, fuyant une société malade d’avoir mis la sexualité au centre de son imaginaire. Dom Juan, disait Zagner à la journaliste, voyage trois actes sur cinq, une exception pour un personnage de Molière. Il parle et se déplace, cherchant toujours le désordre d’après, laissant la société dans l’état où il l’a trouvée, piaillante et ulcérée. La petite notait et Alexis se resservait du vin. L’acteur allait bien, de toute évidence, l’homme aussi.

Qu’Alexis se précipite sur tout ce qui porte un micro et sur une occasion de déjeuner gratis ne constitue pas une information pour le metteur en scène, Alexis a ceci de commun avec le rôle qu’on lui confie qu’il bavarde et qu’il avale. La question est qu’a-t-il fait depuis et où est-il à présent ?
— On s’en fout, éructe aimablement la très jeune statue du Commandeur, il est en retard, les divas c’est comme ça. On n’a qu’à faire la scène 2, il n’est pas dedans.
Bien qu’on ne lui demande rien, Sganarelle confesse ne pas savoir ce que fout le premier rôle. Il n’a pas déjeuné à l’extérieur depuis un moment car il apprend son texte, lui. Et même tout le texte, aussi connaît-il toutes les répliques de Dom Juan, soit dit en passant et dans l’hypothèse où. Une hypothèse qui ne fait pas lever un sourcil au metteur en scène. Pendu à son téléphone, il fait sonner ceux du directeur du théâtre, du secrétaire général, de la déléguée du ministère, de l’agent d’Alexis, du restaurant d’à côté, d’un sien camarade de murge qu’il sait également proche d’Alexis. Ceux qui répondent ne savent rien et n’ont eu accès, sur ce qui fut la messagerie d’Alexis, qu’à un fort perturbant « SFR vous signale que le numéro n’est pas attribué ». On se résout à appeler Olivia, son épouse légale.

Dans le vide. »

L’avis de… Marc Lambron (Le Point)
« Travaillant à contre-fil, Maria Pourchet dynamite le lamento convenu de l’autofiction, le moule behavioriste des magazines féminins traitant les sentiments en rase-mottes plaintifs. Y concourt une écriture étrangement fluide dans ses rugosités, un flux de phrases en émulsion, des jets de vocables en courant continu. »

Vidéo


Maria Pourchet présente « Western ». © Production Librairie Mollat

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