Quand la rivière monte

Quand rivière monte

Après l’orage (Jean Cremers – Editions Le Lombard)

Hélène est une quadragénaire cabossée par la vie. Un soir, alors qu’elle passe en coup de vent chez ses vieux parents pour manger avec eux, elle se retrouve bloquée par la montée rapide des eaux. Prisonnière de cette maison pleine de souvenirs, Hélène a alors l’occasion de réfléchir à tout ce qui l’étouffe depuis de trop nombreuses années, en particulier son compagnon Daniel, avec lequel elle entretient une relation particulièrement toxique. La preuve, c’est que lorsqu’elle se rend compte qu’elle ne va pas pouvoir reprendre sa voiture pour rentrer parce que la police lui interdit de reprendre la route, elle panique, de peur de la réaction de Daniel… Celui-ci ne tarde d’ailleurs pas à lui envoyer des dizaines de messages pour lui demander ce qu’elle fabrique. En attendant, l’eau continue à monter. Inexorablement. Au début, Hélène et son père tentent encore de sauver ce qui peut l’être mais progressivement, ils doivent se rendre à l’évidence: la seule solution pour s’en sortir est de monter de plus en plus haut dans la maison. Pour Hélène, cet épisode inattendu est l’occasion de se rapprocher de ses parents, qui forment un couple soudé et extrêmement touchant. Son père s’occupe très bien de sa femme, qui est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle perd la tête parfois mais se montre très lucide par moments, surtout avec sa fille. Hélène fait aussi connaissance avec le voisin de ses parents, qui est lui aussi coincé dans sa maison et avec lequel elle parle par la fenêtre. Il va l’aider à ouvrir les yeux sur un certain nombre de choses qui ne vont pas dans sa vie. Et si elle profitait de ces inondations pour oser briser ses chaînes?

Quand rivière monte

On se souvient tous évidemment des terribles inondations qui ont touché la Wallonie en juillet 2021, particulièrement dans la région liégeoise, lorsque la Vesdre, l’Ourthe et la Meuse sont sorties de leur lit. Le jeune auteur de bande dessinée belge Jean Cremers, qui s’est fait remarquer ces dernières années avec ses romans graphiques « Vague de froid » et « Le grand large », a vécu ces inondations de très près. A l’époque, il s’est en effet retrouvé piégé pendant trois jours avec ses grands-parents dans leur maison, tandis que l’eau ne cessait de monter. En trois heures, il y a eu 1 mètre d’eau dans la maison, puis 1 mètre 80… C’est ce qui fait de « Après l’orage » une BD avec beaucoup d’éléments personnels, dans laquelle Jean Cremers a notamment représenté la rue et la maison de ses grands-parents. Mais ce n’est pas une histoire autobiographique. C’est bel et bien une fiction, très réussie et très humaine, dans laquelle l’auteur s’appuie sur le huis clos créé par les inondations pour aborder toute une série de thèmes essentiels: le couple, la maladie, la violence conjugale, les choix qu’on fait (ou qu’on ne fait pas). Tout cela est traité avec beaucoup de nuances et de délicatesse, même si certaines pages de la BD sont très dures. Au niveau du graphisme, Jean Cremers garde son style simple et dépouillé, dans lequel il soigne surtout les attitudes et les expressions de ses personnages, notamment ce moment très fort où Hélène observe son corps meurtri dans le miroir. Les couleurs, les ambiances, les cadrages achèvent de faire de ce roman graphique un livre puissant et touchant, à lire absolument.