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Mon avis :
Robin Hobb est un génie. C’est dit, c’est répété, et c’est mérité. Elle déploie dans cette série une architecture narrative d’une rare intelligence, pensée de bout en bout, avec une finesse qui se dévoile davantage à chaque tome. Rien n’est laissé au hasard : les ramifications sont subtiles, les intrigues imbriquées avec une maîtrise d’orfèvre, et les rebondissements, toujours surprenants, s’enchaînent sans jamais briser la cohérence d’ensemble.
L’autrice nous happe dans l’univers de FitzChevalerie avec une intensité qui ne faiblit jamais. Le premier tome nous ouvre les portes d’un monde riche, complexe, habité par des personnages vibrants et terriblement humains. Fitz devient un compagnon de lecture dont on partage les douleurs, les élans, les pertes, et la solitude immense. Autour de lui gravitent des figures inoubliables : Vérité le visionnaire, Royal le détestable, le Fou l’insaisissable. Le lecteur, aussi aveugle que Fitz face aux jeux de pouvoir, apprend à décoder les signaux faibles, à lire entre les silences, à douter avec lui.
Chaque tome explore une facette plus intime de son héros, sans jamais sacrifier le souffle romanesque de l’ensemble. Certains volumes sont marqués par une introspection contemplative, d’autres nous plongent dans l’action pure, les retrouvailles déchirantes, les confrontations inévitables. L’alternance des rythmes n’est jamais un défaut : elle participe pleinement à la construction émotionnelle du récit.
Le style de Robin Hobb est fluide, addictif, incisif. Elle sait nous faire vivre chaque instant aux côtés de ses personnages. Elle n’a pas peur de la lenteur quand elle est nécessaire, ni de l’intensité quand elle s’impose. Elle nous offre des scènes poignantes, viscérales, brutales parfois, mais toujours profondément justes.
Certains tomes laissent le cœur lourd, tant Fitz est accablé de deuils et de mauvaises décisions. D'autres redonnent espoir. L’évolution des personnages secondaires — Patience, Caudron, Burrich, Molly — est elle aussi marquante. Chacun d’eux a une place, une densité, une vérité. Même les antagonistes deviennent inoubliables, et certains nous inspirent des envies de meurtres avec une ferveur troublante.
La fin du cycle principal, si elle arrive avec panache, semble un peu précipitée pour certains. Mais qu’importe : elle apporte les réponses attendues, les dernières cartes sont jouées, et la tension ne retombe pas. Le lecteur, bouleversé, frustré, mais comblé, referme le dernier tome avec un seul désir : enchaîner sur la suite, explorer l’univers plus loin encore, retrouver d’autres visages, comprendre d’autres points de vue — et faire le deuil, peut-être, de ce que Fitz ne sera jamais.
Une saga magistrale, poignante, vibrante d’humanité. Une autrice au sommet de son art, qui manie le silence comme la douleur, le mystère comme l’action, la lenteur comme la fulgurance. Un voyage littéraire qui marque profondément — et dont on ne sort pas tout à fait indemne.
Au plaisir.