Ma note
★★★ (bien aimé)
Ma chronique
Une femme, un homme et l’appel de la liberté
L’histoire de la colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer a inspiré à Karine Parquet son premier roman. Elle a imaginé la rencontre entre Erik, un fugitif, et Ida, l’épouse d’un thonier. Tous deux rêvent de briser leurs chaînes et de nouveaux horizons.
Ils sont deux sur cette île que l’on nomme Belle. Une appellation qui convient peut-être aux touristes, mais pour eux, elle s’apparente davantage à un enfer. Erik fait partie des enfants détenus dans un centre de correction qui a tout du bagne. Son caractère rebelle lui vaut régulièrement de goûter au mitard. Mais il serre les dents et survit. Il faut dire qu’il approche de sa majorité et n’a plus qu’un an à tenir.
Ida habite l’île depuis son enfance. Elle a bien rêvé de s’enfuir, de profiter d’un héritage pour gagner le continent. Mais au lieu de ça, elle a dû interrompre ses études pour travailler à la conserverie. Elle avait alors à peine douze ans. Aujourd’hui, elle est contremaîtresse, fruit d’un travail acharné. Elle vit avec son mari Jean, thonier, dans une petite maison. Et quand il revient de ses séjours en mer, il espère qu’enfin son épouse lui donnera un fils. Sans succès.
Leur destin va basculer un jour d’août 1934. Éloi, un garçonnet fragile, est roué de coups. Un traitement qui provoque l’indignation, mais aussi la révolte de ses compagnons d’infortune qui profitent des échelles posées dans la cour pour des travaux de réfection de la toiture pour se faire la belle. Erik sait que toute tentative d’évasion est vouée à l’échec, mais il décide de suivre le mouvement, surtout pour aider Éloi.
Les deux fugitifs vont croiser la route d’Ida, qui va leur offrir le gîte et le couvert. Mais très vite, il devient évident que jamais il ne pourront gagner le continent. Alors Ida décide de faire venir un médecin pour soigner Éloi et offre ses bras à Erik. Sauf qu’au petit matin, l’enfant a disparu. Erik retourne au pénitencier, après avoir fait promettre à Ida qu’elle partirait à la recherche d’Éloi.
« Les jours qui ont suivi, Ida a arpenté la lande, les bois, les bourgs, les vallons, en quête d’Éloi. Mais elle n’a rien trouvé. Chaque fois qu’elle a pensé à sa promesse, elle s’est décomposée. »
Mais la pièce jouée dans ce théâtre clos n’est pas terminée… Le jeune homme qu’on veut redresser à coups châtiments corporels et de brimades et la jeune femme que la vie, les hommes et les convenances ont mise au pas, sont animés par un même désir d’émancipation.
La primo-romancière s’est beaucoup documentée avant de livrer ce récit d’une écriture sèche, tendue, presque désespérée, à l’image de ce paysage battu par les vents. Si sa langue ne cherche pas à séduire, elle dit avec force – et une pudeur poignante – la promesse rongée par le remords et l’envie irrépressible d’ailleurs.
Pour ses débuts en littérature, Karine Parquet s’est inspirée de cette histoire vraie que Sorj Chalandon avait déjà romancée dans L’enragé. On y retrouve aussi un autre lieu, Mettray, qui avait inspiré son roman Le Gosse à Véronique Olmi. Voici en quelques une nouvelle variation sur un thème fort et émouvant.
NB. Tout d’abord, un grand merci pour m’avoir lu jusqu’ici ! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre et en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
En île
Karine Parquet
Éditions De Borée
Premier roman
312 p., 20,40 €
EAN 9782812939518
Paru le 19/09/2024
Où ?
Le roman est situé à Belle-Île-en-Mer . On y évoque aussi Étel, Douarnenez, Concarneau, Mettray, Eysses et Paris.
Quand ?
L’action se déroule en août 1934.
Ce qu’en dit l’éditeur
La rencontre bouleversante de deux êtres prisonniers de leur destin.
1934. Belle-Île-en-Mer. Ida est contremaîtresse dans une conserverie. Erik est détenu dans la colonie pénitentiaire pour mineurs de l’île. Tous deux enfermés. Tous deux victimes de violences. Tous deux résignés.
Jusqu’à cette nuit d’août qui fera voler en éclats un destin qui semblait, pour l’un et l’autre, déjà tracé.
Ici, on aime l’île de tout son être, on la défend, on la préserve, on la chérit. Ici, on enfouit les douleurs et les doutes puis on attend la floraison, persuadé d’avoir semé un terreau fertile. Ici tout se conserve et se reproduit. Les plus vieux, pourtant, clament que plus rien n’est comme avant. Les jeunes rêvent de changement. Mais finalement, tout s’ébroue au rythme des marées montantes et descendantes. Tout s’en va et revient.
Les critiques
Babelio
Blog Valmyvoyou lit
Les premières pages du livre
« Ida
Heureusement, il y a la mer.
Sans cela, elle détesterait cette terre. Caillouteuse, mélancolique, austère.
Il faut être un touriste pour n’y voir que douceur et spiritualité. L’île est petite. Elle y est née. Elle en a donc fait le tour. Des centaines de fois.
Elle a tourné, tourné, tourné.
Elle a bifurqué aussi, maintes et maintes fois. Elle a trouvé des sentiers perdus, des recoins délaissés, des horizons méconnus.
Mais tous, toujours, l’ont ramenée au même point.
Alors, depuis quelques années, elle ne tourne plus. Elle ne bifurque plus. Elle ne prend plus que des chemins tracés, mille fois parcourus.
Elle ne le dira pas. Ici, on ne dit pas cela. Ici, on aime l’île de tout son être, on la défend, on la préserve, on la chérit. Ici, on enfouit les douleurs et les doutes puis on attend la floraison, persuadé d’avoir semé un terreau fertile. Ici tout se conserve et se reproduit. Les plus vieux, pourtant, clament que plus rien n’est comme avant. Les jeunes rêvent de changement. Mais finalement, tout s’ébroue au rythme des marées montantes et descendantes. Tout s’en va et revient.
Comme elle.
Immuable comme cette terre. Collée à l’île.
Collée à Jean.
Collée aux sardines.
Erik
Ils tournent, ils tournent, il tourne.
Ses pieds nus sur le ciment ne sont plus qu’écorchures. Mais s’il s’arrête, tout tombe, lui et les coups avec. Bâton de fer sur son dos déjà tordu. Alors il continue de tourner, à la suite des autres, sans plus chercher à savoir ce qu’il fait là ni à se rebeller.
En rythme, au son des pas du premier gars de la file. Un pied devant l’autre, la tête collée au dos du môme qui le précède.
Ils tournent, tournent, tournent.
Tous dans le même sens. Les pieds bien droits qui empruntent le seul chemin possible, cet absurde ruban de ciment comme un trottoir dont on n’aurait conservé que la bordure pour la poser, ici, au milieu d’un hangar, dans un cercle sans fin. Cette longue bande où les enfants, ailleurs, aiment jouer à l’acrobate, les bras comme les ailes d’un avion et les lèvres riantes. Ici ne restent que la jeunesse et le déséquilibre. Et rien qui ne rattrape les pas perdus. Rien d’autre qu’un vieux parquet, jamais ciré, taché de crasse et parsemé d’échardes sur lesquelles on s’empale avant que ne tombe du ciel, sur des douleurs endormies, le bâton du gaffe.
Alors ils tournent, ils tournent, il tourne.
Sans s’arrêter. Sans tomber. Sans oser bifurquer. Dans ce baraquement vide de tout, aux murs de pierre sans âme et aux fenêtres opaques, où leurs souffles s’étouffent.
Heureusement, il y a la mer.
Loin derrière les murs. Invisible mais vivace. Tantôt cotonneuse, tantôt hurlante. La mer et son addictive rengaine à laquelle il s’accroche depuis son arrivée dans la colonie. La mer qu’il voit peu, qu’il n’a pas vue depuis longtemps. La mer qui l’a trompé mais vers laquelle il revient sans cesse pourtant.
Comme ces tours de piste qu’ils poursuivent depuis trois jours, inlassablement, les uns derrière les autres, mannequins déplumés à la mécanique enrayée. La sanction est tombée : ils doivent tourner.
Alors ils tournent, ils tournent, il tourne. Et qu’importe le sens. Ici, il n’y en a plus.
La toute première fois qu’il a dû tourner, sa tête a explosé, brutalement. Il s’imaginait commettre les pires atrocités sur les surveillants. La vengeance comme seul terrain d’entente avec lui-même. La vengeance et ses multiples formes, en boucle, dans sa tête. La vengeance l’avait rendu fou et maintenu au mitard plus longtemps que prévu.
Cette fois, il sait que la nourrir n’arrangera rien, alors il tente de focaliser son esprit sur autre chose, il tente de s’accrocher au son lointain de la mer. La mer si calme aujourd’hui que le vent peine à amplifier son murmure. Cela l’oblige à se concentrer plus encore. Et c’est tant mieux. C’est ainsi qu’il oublie la douleur.
Ici, tout a le goût de la mer. Âpre, vif, percutant. À son arrivée, sans même la voir, il l’a maudite pour cela. Parce qu’ici, d’abord, on ne voit pas la mer. On la sent, on l’entend, on en goûte sur ses lèvres les embruns portés par les vents. La mer est partout, mais la mer, d’abord, vous nargue.
Les narines en alerte, on cherche à s’en souvenir, on fouille dans sa mémoire pour que surgissent sous nos yeux des flots bleus rassurants. Rêve ressource, gomme magique. Mais ne revient que la rencontre furtive de l’arrivée, les derniers instants avant que ne se dressent, s’ouvrent puis se referment les immenses grilles de la colonie. Ne revient que le souvenir d’un bateau qui titube, où l’on vomit la découverte des vagues, abruti par le grand air, trop soudain, trop présent. Où est ce lieu au nom enchanteur auquel on s’était accroché au moment où tombait la sanction des juges ? Cette belle île.
Belle-Île, Belle-Île, Belle-Île. Il arrive encore qu’il se répète mentalement ce nom, comme un mantra, comme il le fit tout au long du voyage, des geôles d’une autre colonie à ici.
Ici, il ne sait plus très bien où il est. Ici ou ailleurs, qu’importe. Il tourne. Soumis.
Il faut être un goéland pour penser qu’ils sont à Belle-Île. Il faut savoir voler au-dessus des murs. Ne pas avoir à y revenir.
Le rêve a duré peu de temps, celui d’une traversée. À peine arrivé au port et quelques pas entamés, sa condition d’homme sans ailes lui est revenue, Ses yeux accrochés à l’ombre d’une haute citadelle au loin. I] n’avait qu’à se faire petit. La marche l’a diverti quelques minutes, passant dans Rs rues pavées, grimpant la colline, scrutant l’horizon. Puis son regard s’est dirigé sur la grille et les grandes lettres peintes en blanc au-dessus : « Colonie pénitentiaire maritime et agricole ». Les portes de la grille se sont ouvertes, Belle-Île a disparu.
Ici, il l’a appris bien vite, ils sont avant tout à HauteBoulogne. Haute la sanction, hauts les murs qui les ceignent. On dit d’eux qu’ils sont des colons. Les colons d’une colonie. Des mineurs venus pour être éduqués, rééduqués. Des enfants à remettre dans le droit chemin. Et, aujourd’hui, le chemin a tout d’un cercle sans fin. Il regarde ses pieds qui saignent sur cette piste bitumée. La tête lui tourne.
Il tourne, il tourne, il tourne.
Sous ses pieds nus, il rêve de sable doux. Il voudrait faire un pas de côté, descendre sur le parquet, y poser sa main et dans une caresse sentir la chaleur du bois et toutes ses aspérités. Mais flancher, c’est s’infliger plus de souffrances encore. Alors, comme les autres, il tourne sur ce maudit trottoir qui surplombe le sol d’une trentaine de centimètres à peine. Et il se demande qui du trottoir ou de la punition est apparu le premier.
Pour ne pas tomber, il cherche à nouveau le chant de la mer. Ne lui parvient que le cri moqueur des mouettes. C’est un jour sans vent, sans pluie, sans eau. Un jour sans mouvement. Même la marée entame son va-et-vient silencieusement. Sur lui se déversent pourtant des flots. Il sue autant qu’il tourne. Des litres de sueur à s’assécher les os. Il brûle à s’en arracher la peau.
Il tourne, tourne, tourne encore…
Les mains figées sur les cuisses, il tente comme il peut de stabiliser son grand corps. Il est trop lourd et ses pieds dépassent de la piste ovale, mais ses larges épaules lui font office de balancier. Il n’est plus ce gamin qui sautille, se cache aisément, cet enfant qui se terre et qu’on oublie. Il est visible désormais, trop à son goût, grand et massif, rien d’extraordinaire, mais apparent, immanquable. Il ne sait s’il est beau, maïs il sait que ses yeux, souvent, en disent trop. Alors il baisse la tête, se tait et se fige comme l’immense cyprès dehors. Il se fait arbre pour qu’auprès de lui on flâne avec indifférence. C’est ainsi qu’il maintient l’équilibre.
Pas comme le gamin devant qui tangue. C’est un môme encore, loin d’avoir l’allure d’un homme. Un môme qui tangue. Et tangue tant qu’il l’a obligé à lever les yeux sur lui. Lui a filé la nausée. Et le besoin urgent de rompre les rangs. Il s’était juré, pourtant mais les voilà, maintenant, tous deux à tourner. Tous deux au bal et au mitard. Alors qu’il s’était fait la promesse de ne plus y retourner tourner, tourner.
Aujourd’hui, ils sont douze. Douze à danser. Douze condamnés au bal, comme ils disent. Cela fait trois jours déjà qu’ils dansent, chaloupant dès 9 heures du matin, tandis que les autres colons filent au pas à leurs tâches respectives, aux champs, aux ateliers, en mer… en mer… il ne songe plus qu’à cela : aller en mer. Après l’avoir maudite et fuie, il a fini par l’apprivoiser. L’adorer même.
Il tourne, tourne avec les autres. En file indienne. Les fronts moites collés au dos des précédents.
Au début, comme tous les nouveaux arrivés, il a été envoyé aux champs. Ce n’était pas la première colonie pénitentiaire agricole qu’il faisait, les vaches, il connaissait un peu. La longueur des journées et la raideur des sols beaucoup moins. Ici, tout est aussi rude que les surveillants. Tout est cassant et rocailleux. Quelle que soit la saison. Trop sec. Trop gelé. Il a tant tenu la pioche que sa peau venait à manquer dans ses mains. Il l’a épaisse pourtant.
Il rêve d’océan mais veut quitter cette absurde et douloureuse piste de danse. Tant pis pour la mer, il est prêt à retourner aux champs. Tout ce qu’ils voudront pourvu que le bal s’arrête.
Il veut s’asseoir. Il veut parler, un peu. Il veut marcher, tout doucement, seul et désaxé. Il veut chantonner. Il veut s’allonger. Il veut boire. Il veut se planter, arrêter de tourner. Alors il se tait et il tourne car, pour pouvoir arrêter, il faut n’avoir jamais cessé de tourner.
Alors il tourne, il tourne, ils tournent.
Fil-de-fer glapit enfin. Ils ont une heure. Une heure pour lever la plante de leurs pieds et manger, avant de reprendre la danse jusqu’à 5 heures du soir. D’un même élan, ils se sont écroulés. Fin du bal. Jetés au sol. Couchés. Autour d’eux tout tourne et se dédouble, les murs et les surveillants. Leurs yeux s’embuent sous l’effet des muscles qui se relâchent. Au creux de leurs paumes, ils font venir leurs pieds rougis. « Debout ! En rang. À la cantine. » Personne ne bouge. D’une voix sourde, Fildefer réitère l’ordre. Les danseurs se relèvent, un à un. Désobéir, c’est reprendre des coups et un tour de bal. Manège infernal.
Il se lève, chancelant, ils se lèvent, bancals.
Au sol reste le petit Éloi. Allongé sur le ventre, bras et jambes traînant autour, mal rangés. À peine huit ans de vie sur terre et déjà notifié « danger » par des adultes bien avisés. On dirait une tipule aux pattes trop fines et aux ailes atrophiées. Tout aussi inoffensif. Mais moche et inutile. À écraser.
Fil-de-fer s’approche, vise les côtes d’un coup de galoche. « Debout ! » Le môme ne bouge pas. Le surveillant s’agenouille dans un grognement et retourne le petit. Son corps se déplie comme du papier froissé. Pour un mois d’août, il a la peau trop pâle. Ses yeux grands ouverts ne regardent plus rien.
«Erik!»
Il s’approche. Tout hurle en lui. Sa peau qui brûle, sa tête qui tourne, ses pieds cloqués. À moins que ce ne soit son âme. Tuméfiée.
« Hervé ! »
Des rangs s’échappe un autre crâne rasé, tout aussi suant.
« Amenez-moi cette larve à l’infirmerie ! »
Sur le chemin, Hervé râle. À cause du môme, ils sont encore à marcher, les pieds en sang alors qu’ils pourraient être le cul assis sur des bancs à boire leur soupe et mâchonner du pain. Certes, ils sont soumis à la ration du mitard, la soupe est d’eau et le pain rassis, mais il a faim et, en arrivant tôt, il aurait eu une chance de croiser ses compagnons de dortoir qui parfois lui mettent quelques croûtons de côté. Avec ce môme sur les bras, c’est foutu.
Erik se tait. Il n’a plus de salive. Les galoches retrouvées ne parviennent pas à apaiser ses pieds et, sous le poids d’Eloi, ses ras gonflent trop. Il trébuche. Ce môme décidément semble voué à le déstabiliser. D’abord, il l’oblige à relever la tête pour le suivre des yeux, ensuite il le pousse à cogner sans avoir à le demander, enfin il l’emmène là où il ne voulait plus aller, le mitard et le bal. Il devrait lui en vouloir, mais il serre un peu plus fort le petit corps fragile dans ses bras. Eloi a rouvert les yeux, mais ils s’égarent vers nulle part, et sa bouche est scellée. Qu’a-t-il fait, ce petit, pour se retrouver là ?
« Correction paternelle », grogne Hervé. Erik a pensé tout haut et son camarade poursuit : « Du moins, c’est Ç’qu’a dit le surgé en lui flanquant deux claques l’autre jour. »
Il a suffi d’une lettre donc. D’une lettre d’un père qui ne veut plus de son enfant chez lui. Ou qui croit bon de l’endurcir ailleurs. Père mécontent, demande de placement, pas besoin d’arguments, demande acceptée, enfant incarcéré. Enfant entre quatre murs, loin, rééduqué. Père satisfait.
Le petit semble habitué aux coups. Depuis son arrivée à la colonie, il y a un mois, Éloi ne se plaint pas. Aucune brimade ne lui fait élever la voix. Il encaisse. Mal. Mais il encaisse. Son corps frêle s’affaissant un peu plus chaque fois. Peut-être, avant d’atterrir ici, a-t-il déjà osé se plaindre ou tenté de se défendre. Une fois. Peut-être. Une seule. Et le père a tranché d’une taloche : « Cet enfant-là manque de savoir-vivre, un tour en colonie lui remettra les idées en place. » Au moment du départ, omettant elle aussi le mot pénitentiaire qui suit la colonie, se rassurant autant que le petit, la mère, peut-être, a murmuré : « Là-bas, tu seras mieux traité, tu auras à manger et une bonne éducation. »
Voilà pourquoi les murs sont hauts, les grilles s’ouvrent peu, le courrier s’égare et les familles en visite manquent, le dimanche, à bord du bateau venant du continent. Il faut maintenir le mythe. Le mythe d’enfants qu’on éduque au grand air, sur une île, une belle ile.
Dans l’infirmerie, ils lâchent le corps du petit sur le premier lit Trop brutalement, mais ils n’ont plus la force de retenir leurs gestes.
Éloi gémit.
Ils repartent aussitôt. Peut-être restera-t-il à la cantine quelques bouts de pain.
Sous ce soleil, la cour fait l’effet d’un désert.
Heureusement, il y a la mer. La mer qui murmure à ses narines.
Sans cela, et qu’importe le moyen, il aurait déjà quitté cette terre mauvaise, sauvage et mensongère. »
À propos de l’autrice
Karine Parquet © Photo Presse Océan
Karine Parquet a grandi au rythme des mots et des marées. Diplômée de Sciences Po et de l’Institut Français de Presse, elle débute une carrière de journaliste puis s’aventure dans l’écriture de scénarios de bandes dessinées avant de devenir responsable éditoriale. Soufflée par un vent nouveau, elle décide en 2021 de se consacrer entièrement à l’écriture et anime des ateliers au sein de sa structure Billes en tête. En île est son premier roman. (Source : Éditions De Borée)
Page Facebook de l’autrice
Compte Instagram de l’autrice
Compte LinkedIn de l’autrice
Tags
#enile #KarineParquet #editionsdeboree #hcdahlem #roman #RentréeLittéraire2024 #litteraturefrancaise #litteraturecontemporaine #premierroman #68premieresfois #MardiConseil #primoroman #booktok #livre #lecture #books #blog #parlerdeslivres #littérature #bloglitteraire #lecture #jaimelire #lecturedumoment #lire #bouquin #bouquiner #livresaddict #lectrice #lecteurs #livresque #lectureaddict #litterature #instalivre #livrestagram #unLivreunePage #writer #reading #bookoftheday #instabook #litterature #bookstagram #bookstagramfrance #lecturedumoment #bibliophile #avislecture #chroniqueenligne #chroniquelitteraire #jaimelire #lecturedumoment #book #bookobsessed #bookshelf #booklover #bookaddict #reading #bibliophile #bookstagrammer #bookblogger #readersofinstagram #bookcommunity #reader #bloglitteraire #aupouvoirdesmots #enlibrairie