Le Cid • Pierre Corneille

Par Bénédicte

Éditions Le livre de poche, 1986 (141 pages)

Ma note : 14/20

Quatrième de couverture …

Qui a voulu nous faire croire que Rodrigue et Chimène étaient écartelés entre l’amour et le devoir ? “Qui m’aima généreux me haïrait infâme”, dit Rodrigue, faisant valoir à Chimène qu’en choisissant l’amour il se serait rendu indigne d’elle. Et Chimène d’applaudir et de surenchérir : “Tu n’as fait le devoir que d’un homme de bien, mais aussi ce faisant tu m’as appris le mien”. 
L’amour étant pour eux inséparable de l’estime, chacun cherche à se grandir aux yeux de l’autre et, profitant d’une gifle malencontreuse, à se hisser jusqu’à l’amour parfait : celui qui ne pourra jamais s’accomplir. 
Quel malheur qu’on nous ait appris, depuis, à pardonner les offenses…

La première phrase

« Chimène : Elvire, m’as-tu fait un rapport bien sincère ?
Ne déguises-tu rien de ce qu’a dit mon père ? »

Mon avis …

Le théâtre classique est un genre que je ne connais que trop peu. Pourtant, on y rencontre de belles histoires d’amour, parfois une réflexion sur le monde, une satire de la société. La beauté de la langue française y est (à mon sens) plus que tout mise en avant, et ce à travers la musicalité des mots. C’est en tout cas ce que je suis venue chercher en me replongeant dans Le Cid (lu il y a bien des années déjà).

Rodrigue et Chimène s’aiment et leur union semble se profiler sous les meilleurs auspices. Cependant, une faveur royale y ajoute son grain de sel. Les pères de nos tourtereaux se querellent, et l’honneur l’emporte sur l’intrigue amoureuse. Envieux, le père de Chimène soufflette celui de Rodrigue qui, trop âgé pour se défendre, demande à son fils de rétablir l’honneur de la famille. Rodrigue se trouve face à un choix cornélien : tuer le rival de son propre père et perdre Chimène, ou bien ne pas donner suite mais perdre l’estime de sa promise et donc voir son histoire d’amour lui filer entre les doigts.

Rodrigue, la mort dans l’âme, accepte de défier l’ombrageux père de Chimène. Contre toute attente, c’est bien lui qui sort vainqueur de ce duel face au Comte, décrit comme étant le plus valeureux guerrier du roi. L’honneur est sauf. Mais comment Chimène pourrait-elle aimer et épouser celui qui a transpercé le cœur de son père ? Notre héroïne demandera audience auprès du roi, mais exigera surtout être vengée.

J’avais déjà lu ce texte lorsque j’étais au collège, en cours de français. Autant vous dire que cela remonte à des lustres ! Je n’en avais gardé qu’un souvenir très flou, d’où mon envie de renouer avec Corneille. Je me suis surprise à retrouver certaines tirades des plus connues (« Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? » ; « Rodrigue, as-tu du cœur ? » ; « Va, je ne te hais point »). Au-delà de cet amoncellement de citations devenues célèbres, j’ai apprécié la beauté de l’écriture en vers.

Rapidement, le drame se noue. L’amour vrai et sincère vient se heurter au sens de l’honneur et du devoir. Si les duels à l’épée ont aujourd’hui disparu, qui ne s’est jamais torturé les méninges à devoir faire un choix, souvent lourd de conséquences ? Jouée sur scène pour la première fois en 1637, la tragédie du Cid n’a donc pas fini de nous passionner.

Si j’ai plus que tout applaudi la beauté de certaines tirades, Le Cid n’est pas la pièce de théâtre qui me touche le plus. Certes, il y a quelque chose de grandiose, de l’ordre du royal où le sens de l’honneur est poussé à l’extrême. Mais j’ai parfois trouvé que c’était trop. J’ai goûté la musicalité des mots, et jusqu’au bout j’ai eu envie de connaître le dénouement de cette tragédie. Mais la rencontre avec Chimène ne s’est pas faite, j’ai même fini par la trouver un brin agaçante. Je ne remets donc absolument pas en cause le talent de Corneille (il ne manquerait plus que ça !). Simplement, question de sensibilité oblige, je suis curieuse de découvrir si une autre pièce fera peut-être un jour écho différemment. Je reste une novice absolue en terme de théâtre classique, n’ayant lu que Les précieuses ridicules ou encore On ne badine pas avec l’amour. J’ai aussi lu un peu de théâtre de l’absurde (avec Ionesco), ce qui a été un fiasco total. Mais j’ai envie de persévérer, de poursuivre ma découverte des auteurs classiques, ne serait-ce que pour ma culture générale. N’est-ce pas finalement le plus important ? Je poursuivrai sans doute avec Molière la prochaine fois (L’école des femmes), mais je souhaite également lire Phèdre, Bérénice ou encore Cyrano de Bergerac.

Extraits …

« Elvire : Il vous prive d’un père, et vous l’aimez encore !
Chimène : C’est peu de dire aimer, Elvire : je l’adore ; Ma passion s’oppose à mon ressentiment ; Dedans mon ennemi je trouve mon amant ; Et je sens qu’en dépit de toute ma colère Rodrigue dans mon cœur combat encore mon père. »