Finaliste du Prix du livre du prix du livre Les Lorientales 2025
En deux mots
Jean, appelé du contingent, a été traumatisé par son expérience en Algérie. Bien des années plus tard, son neveu Julien va tenter de reconstituer le passé familial, d’explorer les séquelles psychologiques de la guerre et les non-dits familiaux.
Ma note
★★★ (bien aimé)
Ma chronique
« Le cri rouge sang de l’appelé »
Dans son premier roman, Guillaume Viry explore les séquelles psychologiques que la guerre d’Algérie a laissé sur un jeune appelé en confiant à son neveu le soin de creuser l’histoire. À travers une narration fragmentée et poétique, il analyse la folie de la guerre et le douloureux héritage familial. Bouleversant.
Jean a été enrôlé par l’armée pour participer à la Guerre d’Algérie. Le jeune homme ne sortira pas indemne de cette expérience et continuera, bien après son retour, de souffrir de ses blessures physiques et morales. Interné en asile psychiatrique, il mourra à trente ans, emportant avec lui bien des secrets.
Ce n’est que bien longtemps après, quand Joseph, le frère de Jean, s’adresse à son fils Julien en l’appelant Jean que le neveu va chercher à comprendre les raisons de cette confusion persistante et ce qui est vraiment arrivé à cet oncle qu’il n’a pas connu. Il veut savoir quel a été ce traumatisme qui a fini par l’emporter, ce qu’il a vécu durant le conflit. À partir d’un certificat de décès, il va chercher toutes les traces laissées par cet absent si présent.
D’autres voix viendront compléter le récit, permettant de donner une profondeur à travers les différentes perspectives et expériences des personnages.
En nous proposant ces fragments de souvenirs et ces flashs de cauchemars, l’auteur déconstruit le langage pour dépeindre le traumatisme transgénérationnel et les non-dits familiaux qui en découlent. Ce choix d’une écriture fragmentée et l’absence de ponctuation renforcent l’impression de chaos et de douleur, rendant hommage à la complexité des mémoires traumatisées et réussissant à évoquer l’indicible. Cette période sombre de l’histoire coloniale française permet d’aborder le thème de la folie induite par la guerre. Et au-delà, celui de la difficulté à faire le deuil d’un être cher.
La puissance émotionnelle du récit s’appuie sur un rythme très musical, dû aux répétitions obsessionnelles et aux fulgurances du texte.
On pense à Où j’ai laissé mon âme de Jérôme Ferrari ou encore à Des hommes de Laurent Mauvignier, des œuvres qui elles aussi traitent des séquelles de la guerre d’Algérie, des traumatismes et des silences liés à la guerre.
L’Appelé marque l’émergence d’une voix littéraire puissante, capable de transformer la souffrance en art. Poignant et nécessaire.
L’Appelé
Guillaume Viry
Éditions du Canoë
Premier roman
160 p., 16 €
EAN 9782490251988
Paru le 6/09/2024
Où ?
Le roman est situé en Algérie, du côté de Berrouaghia ainsi qu’en Haute-Marne, à Saint-Dizier.
Quand ?
L’action se déroule de 1962 à nos jours.
Ce qu’en dit l’éditeur
Appelé de la guerre d’Algérie, Jean est rapidement évacué sanitaire.
Il mourra à l’âge de trente ans, lors d’un dernier séjour à l’asile. Soixante ans plus tard, Joseph, le frère de Jean, mélange les générations. Il prend son fils Julien pour son frère Jean. Cette confusion répétée a l’effet d’une déflagration, Julien est happé par cette brèche dans le temps.
S’affranchissant du silence familial et social autour de cette guerre sans nom, entremêlant investigations et imaginations, Julien n’a alors de cesse de tenter de donner vie à l’histoire de Jean, l’appelé.
Ce très beau livre, intense, écrit avec des blancs, des non-dits, des silences, révèle un écrivain expérimenté qui maîtrise à la fois la langue et le temps fracassé de l’histoire banale et terrible qu’il nous raconte.
Les critiques
Babelio
Collateral (Christine Chaulet-Achour)
Mare Nostrum (Jean-Jacques Bedu)
Aligre FM (Podcast)
D-Fiction (Entretien avec l’auteur)
Liti.fr
Blog Hans & Sandor
Blog de Jean-Claude Lebrun
Blog D’une berge à l’autre
Blog Mes écrits d’un jour
Blog Zazy lit
Blog T Livres T Arts
Les premières pages du livre
« les gants blancs s’écartent de mon crâne
homme aux gants me dit d’attendre
que le grand patron va arriver très bientôt
mais
aujourd’hui le service est rempli à ras bord
le grand patron doit courir à droite doit courir à gauche pour que le service ne déborde pas entièrement
mais
le grand patron ne tardera pas dit l’homme aux gants seul lui sait
seul lui connaît la machine le matériel neuf dernier cri entièrement moderne sophistiqué seul lui le grand patron sait comment toucher la machine sait où appuyer sur quels boutons Les bons boutons ceux sur lesquels il faut appuyer
seul lui le grand patron ne se trompe pas
n’appuie jamais sur un bouton sur lequel il ne faut pas appuyer
vous pouvez être rassuré dit l’homme aux gants
le grand patron n’est pas grand patron par le fait d’une série de hasards
rien d’un lancer de dés
une affaire de compétences uniques
soyez rassurés vous pouvez l’être entièrement
Il ne répond pas il reprend
didactique
comme s’il parlait à un aliéné après tout c’est Le lieu donc il explique
lorsque le grand patron touchera les boutons de la machine ceux que lui seul connait
les 70 hertz les 70 joules chemineront comme ils doivent cheminer depuis les fils électriques vers les électrodes
jusqu’à l’intérieur du cerveau
il ne précise pas de quel cerveau il s’agit doit sans doute tomber sous le sens que c’est le mien et après
seulement après
après cela
le grand patron reprendra son chemin vers d’autres
d’autres allongés aurait pu dire l’homme aux gants mais il ne cherche pas à blesser
en ne me réduisant pas au simple allongé que je suis l’homme aux gants
laisse transparaître des miettes d’appartenance à la compagnie des hommes tapies dans l’intérieur de son cœur
plus qu’à attendre
les pneus de la voiture
aplatissent les cailloux blancs
de la cour de la haute-maison
le portail en bois noirâtre est ouvert plus qu’à disparaitre
moi Louis moi le père je roule vers le petit bois l’ensemble des papiers du fils dans la boîte à côté de moi comme si c’était Jean que j’accompagnais à l’école comme si c’était Jean que j’emmenais faire une course comme si je partais en voyage avec le fils silencieux assis à mes côtés sur le siège passager de la DS grise
pas de raison de se cacher le petit bois est à moi est à nous à notre famille pas de raison de se cacher qui d’autre que nous y viendrait
quand même
les histoires à nous faire devenir chèvres tous autant qu’on est les uns et les autres
c’est aujourd’hui bien suffisant comme ça
je m’enfonce dans la nuit du petit bois familial une nuit américaine
des nuages encerclent le soleil à sa perpendiculaire tournent en cercles concentriques
s’agglutinent au-dessus du petit bois s’amoncellent méthodique
et encore la lumière
découpée au biseau
striée
lumière bleue qui enserre les minces troncs du petit bois
mettre la boîte dans le trou
moi Julien je ne réponds pas
je suis dans les filets pris à l’intérieur des filets de la parole calme du père
pour Le père pour Joseph je suis Jean le père ne doute pas
Joseph est le frère de Jean
moi Julien je ne suis pas Le frère de Joseph je suis Le fils de Joseph
le petit-fils de Louis
Jean est mort
moi Julien
je suis vivant
le père n’est pas sénile le père est vieux seulement vieux mais aujourd’hui le père m’appelle Jean
aujourd’hui pour Joseph je suis Jean
pour Joseph je suis le frère
aujourd’hui pour Joseph
moi Julien je suis Jean
aujourd’hui pour Joseph
moi Julien je suis le mort
je n’ai pas questionné Joseph
j’ai répété les mots de Joseph
ça ne s’est pas bien passé le service militaire de mon oncle en Algérie
le médecin militaire me regarde
me dit
je vous réforme
me dit
à moi Julien
vous êtes réformé psychiatrique
P4
une lettre un chiffre
aujourd’hui je me souviens
Joseph m’a dit tu ressembles à Jean
Joseph m’a dit la phrase bien avant le téléphone chaud contre l’oreille droite
avant aujourd’hui
avant qu’il me prenne véritablement pour Jean
Joseph m’a dit tu ressembles à Jean
j’étais jeune je ne sais plus l’âge
j’étais jeune
je n’ai pas prêté attention à la phrase
moi Julien
j’ai entendu la phrase de Joseph comme d’autres phrases »
Extrait
« tu te couches en te disant que tu verras demain
que demain tu verras où tu en es
le lendemain tu ouvres la porte de la longue grange
ton destin se scelle
tu as décidé c’est aujourd’hui
tu montes sur le tabouret
tu passes le nœud de la corde autour de ton cou
tu te jettes comme un jeune homme se jette dans un amour
tu te balances dans l’espace vide entre le tabouret et le sol
les quelques centimètres de distance suffisent à étreindre la corde autour de ton cou. » p. 26
À propos de l’auteur
Guillaume Viry © Photo Tonatiuh Ambrosetti
Guillaume Viry passe son enfance au milieu des champs en Bourgogne. D’abord comédien au théâtre ainsi que dans une cinquantaine de films et séries, il joue notamment chez Philippe Genty et Alain Guiraudie. Il réalise ensuite plusieurs films à la lisière de la fiction et du documentaire. Résident de la Fondation Jan Michalski, il écrit L’Appelé, son premier roman, dans une cabane face au lac Léman. (Source : Éditions du Canoë)
Site internet de l’auteur
Page Facebook de l’auteur
Compte X de l’auteur
Compte Instagram de l’auteur
Tags
#lappele #GuillaumeViry #editionsducanoe #hcdahlem #roman #RentréeLittéraire2024 #litteraturefrancaise #litteraturecontemporaine
#premierroman #68premieresfois #Algérie #VendrediLecture #RentreeLitteraire24 #rentreelitteraire #rentree2024 #RL2024 #lecture2024 #primoroman #livre #lecture #books #blog #parlerdeslivres #littérature #bloglitteraire #lecture #jaimelire #lecturedumoment #lire #bouquin #bouquiner #livresaddict #lectrice #lecteurs #livresque #lectureaddict #litterature #instalivre #livrestagram #unLivreunePage #writer #reading #bookoftheday #instabook #litterature #bookstagram #bookstagramfrance #lecturedumoment #bibliophile #avislecture #chroniqueenligne #chroniquelitteraire #jaimelire #lecturedumoment #book #bookobsessed #bookshelf #booklover #bookaddict #reading #bibliophile #bookstagrammer #bookblogger #readersofinstagram #bookcommunity #reader #bloglitteraire #aupouvoirdesmots #enlibrairie
