La force de vivre (Laurent Astier – Editions Rue de Sèvres)
« La force de vivre » raconte une grande histoire d’amitié entre deux hommes qui deviennent comme des frères: Laurent et Cyril. C’est le genre d’amitié que l’on rêve tous d’avoir, car elle rend la vie plus belle. Le récit fonctionne comme un grand flash-back, dont le point de départ est un jour ordinaire où Laurent va déposer ses enfants à l’école. Lorsqu’une chanson de Pink Floyd passe à la radio, « Wish you were here », Laurent ressent comme une pique dans le cœur. Immédiatement, grâce au pouvoir de la musique, il repense à son ami Cyril, qui lui manque tellement depuis sa disparition dix ans plus tôt. Pour rendre hommage à son grand pote, il décide alors de rouvrir la plaie et de retourner au moment où cette amitié très forte est née. Immédiatement, on passe d’une tonalité bleue et sombre à des planches jaunes et lumineuses. Ce basculement traduit bien l’opposition entre Cyril, solaire et extraverti, et Laurent, beaucoup plus timide et introverti. Au moment où ils se rencontrent, Laurent a 20 ans. Il vient de finir ses études et il s’est installé avec deux camarades à Déols, près de Châteauroux, où ils ont créé leur propre studio graphique. A peine installés, ils font la connaissance de Cyril, leur nouveau voisin. Même si tout les oppose, il y a une alchimie immédiate et évidente entre Laurent et Cyril. Véritable force de la nature, cet être lumineux et joyeux va avoir un impact énorme sur la vie de Laurent. Dessin, moto, musique, ils partagent plein de passions en commun. Cyril permet véritablement à Laurent de sortir de sa coquille. Il va même jusqu’à l’envoyer chez Ninie, une jeune coiffeuse, car il sait que ça va marcher entre ces deux-là. Du coup, ce n’est pas étonnant que Laurent s’imagine toujours Cyril comme une sorte de super-héros du quotidien, doté d’une force surhumaine et capable de se sortir de toutes les situations. Et pourtant, un jour, la maladie va venir tout fracasser…
« La force de vivre » est un récit autobiographique, que le dessinateur et scénariste Laurent Astier portait en lui depuis très longtemps. « Dix ans que j’essaie et que rien ne vient », écrit-il dans les premières pages de l’album. « Il faut que je remonte le fil. Que je retourne là où tout a commencé. Pourquoi n’y ai-je pas pensé avant? On va avoir vingt ans à nouveau! Et tu seras encore là… » Tout est dit en quelques mots. Les bédéphiles connaissent Laurent Astier depuis plus de 20 ans, notamment grâce à sa série « La Venin », un excellent western dont le cinquième et dernier tome est paru en 2023. Mais ici, il nous livre sans doute son album le plus intime, une BD qu’il tenait absolument à faire. « La force de vivre », c’est en quelque sorte une lettre d’amour à un ami disparu. C’est un album puissant et authentique, dans lequel Laurent Astier se met véritablement à nu. Graphiquement aussi, il n’hésite pas à dévoiler toutes ses émotions, y compris au niveau des couleurs, avec notamment des pages monochromes qui changent en fonction du moment et de la tonalité du récit. Ses dessins particulièrement expressifs traduisent bien les sentiments très forts qui traversent ses personnages, parfois même sur une pleine page. On sent une grande sincérité dans ses dessins et dans son approche. « La force de vivre » est un hommage bouleversant à ces amitiés rares qui marquent à jamais, et qui continuent de nous accompagner, même après la mort. Car après avoir magnifiquement raconté le super-pouvoir de l’amitié, Laurent Astier montre bien comment même un géant comme Cyril peut vaciller du jour au lendemain. Un récit poignant.