Cet étrange dérangement

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François Vallejo présente « Cet étrange dérangement » © Production VLEEL

Les premières pages du livre
« Dans les circonstances, nous nous sommes tous sentis, plus ou moins, dérangés.
Dérangés… En quel sens, dérangés ?
Dans tous les sens, et plutôt plus que moins, nous tous, propulsés dans le plus étrange dérangement.
Parmi nous, ces deux-là : Blaise Astor et Iris Bila.
À commencer par lui, le premier sur les lieux.
Non, à commencer par elle : elle semble l’avoir précédé, sur son toit.
Vous voyez, tout était déjà dérangé, quand il ne s’était encore rien passé.
Dans ces circonstances où pas grand monde n’était autorisé à circuler, un 1er mai, Blaise Astor s’est présenté à l’heure convenue, dans l’exercice de sa profession : chauffeur de VTC, en rade depuis ses débuts improvisés. Cette fois, il se croyait touché par la grâce : six heures du matin, enfin une prise en charge, en haut de la rue Soufflot, en tournant le dos au Panthéon.
Le bonheur d’aligner sa voiture électrique neuve, hors de prix et loin d’être payée, le long du trottoir, l’occasion de l’illuminer de ses feux clignotants, en position d’attente, à la minute exigée par la cliente.
Personne pour se précipiter sur la portière. Blaise s’exerçait à des coups d’œil virtuoses entre les rétroviseurs de sa Lexus blanche, convaincu qu’aucune silhouette, y compris dans la demi-obscurité, ne lui échapperait. Elle allait bien se pointer, cette silhouette… L’adresse indiquée, tout dans les règles… Et elle ne se pointait pas.
Il s’imposait de sortir à l’air libre. La patience n’était pas le fort de Blaise Astor, va te faire foutre, pseudo-cliente… Sa première course depuis une éternité, et le seul objectif de celle-là serait de la faire foirer ?
C’était ça, les circonstances.
Blaise Astor a fait un dernier tour de son véhicule, la main caressante sur la carrosserie, beau matériel, il n’en revenait toujours pas.
Aussi loin que son regard professionnel se portait, aucune présence humaine ne se révélait, tension de tout le corps pour capter un signe, un souffle, ville morte.
Là, peut-être, oui, un son affaibli, comme un appel, mais où ? Dans les hauteurs, sur ce balcon, à cette fenêtre ? Non, encore plus haut, sur le toit : si c’était la cliente, qu’elle se dépêche de descendre, comme il le lui a crié à tout hasard. Sinon, qu’elle crève, comme il a ajouté intérieurement.
Une cliente, se balader sur un toit, il n’arrivait pas à y croire. Une femme pourtant, cette masse incongrue, enfin une silhouette claire et légère, en mouvement entre deux chiens-assis, ou en déséquilibre. Une voix sortait de ce corps, confuse, hachée, une plainte peut-être, ou un appel, oui, c’était ça, un véritable appel.
Pour s’en assurer, vite traverser la rue Soufflot, se rapprocher de l’immeuble, sans perdre de vue son sommet et sans rater le trottoir – en le ratant.
Il allait se ridiculiser, le chauffeur de VTC en quête de sa cliente se cassait la gueule sous ses yeux. Cliente ou pas, l’autre, sur sa gouttière, s’immobilisait, alertée par la virevolte rattrapée de justesse tout en bas, et se taisait.
Blaise avait établi le contact par accident et venait d’être pris en considération. Il s’est concentré sur la silhouette. Ce n’était pas possible, non… On croirait… Si… Pas habillée… C’était ça, un corps animé, et à poil, là, tout en haut, rue Soufflot.
Quelque chose n’allait pas. D’accord, un 1er mai, mais frais, très frais, il s’était senti obligé de garder une doudoune sur le dos, lui.
À côté de la plaque, pauvre Blaise, comme si la question du frais ou du pas frais était en cause, quand quelqu’un se retrouve à poil sur un toit. Forcément plus grave, ce qui te pousse à six heures du matin à déambuler sur le zinc, forcément une embrouille avec un autre ou plusieurs, ou entre toi et toi.
Dans ce cas, un rôle crucial lui retombait dessus, intervenir, puisqu’il était le seul à se retrouver au pied de l’immeuble ; une femme exposée, volontairement ou non ; le devoir de lui porter secours – quand il se sentait inapte à tout secours.
Blaise Astor restait partagé entre sa tendance à l’observation prolongée et la nécessité d’engager le dialogue. Un « Faites attention » initial, suivi d’un « Ne bougez plus », confirmé par un « Attendez, je vais voir ce que je peux faire », un « Restez calme » paniqué.
La femme ne tenait pas compte de ses conseils, sortis tout seuls, des phrases toutes faites, sans aucune valeur. Elle bougeait, s’emballait sur le fil de la bordure, balançant les bras pour tenir l’équilibre. Elle cherchait donc à le garder, bon signe, l’esquisse d’une danse céleste.
« Arrêtez ça, c’est trop dangereux » : la honte de sortir une énormité, si la femme avait réellement un projet de cet ordre, si déjanté soit-il, une sorte de performance. Danser nue sur le zinc parisien… Pas le plus vraisemblable, le projet artistique.
Ou alors c’était une somnambule, sortie à poil de son lit, passée par la fenêtre d’une de ces anciennes chambres de bonne, et vaguant jusqu’à son retour dans trois minutes, fin de la crise.
Dans cette hypothèse, le seul péril était de la réveiller, comme Blaise Astor s’acharnait à le faire, au risque de provoquer la catastrophe. L’idéal serait de laisser faire. Un dieu devait veiller sur les dormeuses en promenade.
Ça l’aurait bien arrangé, Blaise Astor, ne plus rien tenter, la suivre à distance, l’accompagner mentalement jusqu’à ce qu’elle retrouve sa chambre, s’enfourne dans un des chiens-assis pour se recoucher. Aucune fenêtre ne semblait ouverte, la théorie du somnambulisme en prenait un coup, la chute restait une option.
Une cassure en lui : le sort de cette fille, à cet instant, dépendait exclusivement de lui, de sa réaction ou de son absence de réaction. Première fois qu’il se sentait responsable de la vie ou de la mort de quelqu’un. Et il était démuni. Il n’avait même pas pensé à alerter les secours.
Fatal, chauffeur de VTC, son smartphone outil de travail était fixé à son pare-brise ; pas eu le temps de le récupérer, sauf à lâcher la fille en plein déséquilibre, comme s’il la tenait à bout de bras, alors qu’il ne faisait rien pour elle, rien de rien, sauf être là, là pour elle.
C’était ça, la cassure, être là pour elle, de force, mais paralysé sous elle, et le cerveau parasité par des pensées contradictoires, roulant par vagues et perturbant toute prise de décision, lamentable.
Son regard s’obstinait sur ce corps oscillant de plus en plus dangereusement, s’imprégnait de ce qu’il considérait comme la potentielle dernière image vivante de cette inconnue.
Avant la catastrophe, pousser sa voix vers les hauteurs, ce qu’il savait faire du temps où il doublait les films étrangers, une suggestion montée des profondeurs, enfin : « Accroupissez-vous, là où vous êtes, et ne bougez plus, on va venir. »
La femme a obéi aux injonctions, une entente possible, l’envie d’être aidée, donnant corps à la responsabilité dont Blaise s’était senti investi. L’idée de l’accroupissement, bonne initiative, et après ?
La cassure en lui s’accentuait. L’homme secourable d’un côté, bravo, et puis quoi ? De l’autre côté, une perturbation plus forte que lui : l’abaissement des cuisses sur les talons à la fois masquait et dégageait la tache sombre des poils, les seins tombant et battant un instant, plus volumineux qu’à première vue. Un déhanchement s’esquissait, une lutte de forces contraires et, dans la tête de Blaise Astor, ce blanc fulgurant, comme un trou mental, un trouble, malgré lui, une curiosité érotique vraiment déplacée.
Quoi ? Voyeur, dans des circonstances pareilles ? Tu es prêt à oublier qu’une femme est menacée de chute six étages au-dessus de toi, si tu as la satisfaction de te rincer l’œil. Tu te plains de ne pas en voir assez, pas assez nettement. Tu trouves que le soleil devrait se lever plus vite. Les genoux tremblent et s’écartent pour se maintenir en position et tu y cherches ton compte, la chose cachée, le comble de la perversité masculine.
Toi qui te prétends féministe dix fois par jour, à la première occasion, tu laisses tomber les grands principes. Comportement inapproprié en un dixième de seconde, rien compris. Tu joues celui qui est à l’écoute et, dans une situation extrême, tu es fier de faire obéir une femme. Oublie ça tout de suite, reprends ta posture d’homme civilisé de ton temps, respectueux d’autrui et secourable.
Tu t’es laissé envahir quelques secondes par une fureur bestiale jamais assez étouffée en chacun, à ta place je ne serais pas fier. Non mais. Dans les circonstances… N’essaie pas de te trouver des justifications.
La femme a cessé d’obéir, s’est redressée, a repris son parcours de profil vers le coin de l’immeuble, le dernier chien-assis.
Blaise Astor était décidé à l’interpeller de nouveau, soucieux de se racheter une conduite, comme si elle avait pu attraper au vol ses pensées les plus ignobles. Il s’agissait de se proclamer chevaleresque. À la réflexion, l’image archaïque du preux chevalier valait-elle mieux que le voyeurisme le plus tordu ?
Son cri a paralysé la femme pile à l’angle de l’immeuble : « N’ayez pas peur… »
Et si elle comprenait : « N’ayez pas peur de vous jeter dans le vide, là, tout de suite… » ?
À force de vouloir jouer le sauveur, on se retrouvait dans le rôle de l’incitateur. Être responsable d’un suicide, sous prétexte d’encouragements alambiqués, Blaise toucherait le fond de la perversion.
Il s’est cru obligé de corriger sa formulation : « Non, n’ayez pas peur, on est là… »
On est là, on est là, vite dit, qui était là ?
Son morceau de phrase l’a incité à vérifier autour de lui.
En effet, on était là.

D’autres spectateurs, dont il n’avait pas perçu l’arrivée, commençaient à se presser au pied de l’immeuble et dans la rue. Un taxi rival, vitres teintées, garé derrière sa Lexus ; un coupé de l’autre côté, portière ouverte ; des piétons à l’approche, depuis la place du Panthéon et le jardin du Luxembourg, que des hommes ; une femme sortant d’un immeuble en face, la cliente de la prise en charge, va savoir.
Pas le temps de lui demander, pas approprié non plus. Elle déboulait d’un pas énergique, très remontée, comme si elle voulait prendre la situation en main, a dépassé Blaise Astor en l’ignorant, la tête levée, comme les autres, la plus remuante de l’embryon de foule qui se constituait.
Aucune précaution, tout de suite l’alarme, les mises en garde, le tutoiement : « Tiens bon… Les secours sont prévenus… »
Les autorités allaient débarquer et la femme d’en bas dépossédait Blaise du lien personnel qu’il pensait, sans doute indûment, et sans aucune efficacité, avoir créé.
La nouvelle venue, c’était le contraire, elle ne lâchait plus la femme du toit : « Contrôle… Aucun mec ne peut te forcer à faire ce que tu ne veux pas… Celui qui se cache derrière sa fenêtre, là, pas plus que les autres… L’écoute pas… Aucun pouvoir sur toi, tu décides… Tu bouges plus, tu attends… Dans trois minutes les pompiers te récupèrent… Ce sera fini… Tiens trois minutes de plus… »
Elle était sortie de l’immeuble d’en face, une familiarité immédiate, une connaissance apparente des dessous, les deux femmes étaient liées peut-être ? La situation s’était déjà produite antérieurement ? La présence d’un tiers malintentionné était soupçonnée, les passants invités à témoigner.
Elle a sorti son smartphone, l’a vite réglé pour capter la scène. Tous ceux de la rue ne l’avaient pas attendue, autant de bras tendus vers le sixième étage, sauf Blaise Astor, penaud, le seul à avoir laissé son outil de travail à sa place réservée, le seul à n’avoir pas pensé à produire un témoignage. Dire qu’il s’en voulait deux minutes plus tôt de jouer le voyeur et d’y trouver un plaisir détestable, et maintenant battu par tous les vidéastes convaincus d’avoir la meilleure justification, témoigner pour une victime potentielle.
De nouveaux filmeurs débarquaient de la place du Panthéon, du bas de la rue Soufflot, à croire qu’ils répondaient à une alerte générale. Des fenêtres s’ouvraient, les façades s’animaient, des questions s’échangeaient, des certitudes : « Pas la peine d’appeler la police ? Déjà fait ? Quelqu’un d’en haut pourrait facilement la récupérer et sans attendre… »
Ils soignaient leurs angles de prise de vue, zoomaient à tout va, le zoom, rien de mieux pour la vérité (« Elle est à poil, la fille, j’avais pas remarqué… »), balayaient la scène à 360° pour ne rien laisser échapper, enregistraient leurs commentaires. C’est plus vivant, dire l’angoisse, parce que c’était angoissant, hein, une fille qui risquait de s’étaler ou menaçait de se jeter dans le vide.
Chacun son avis tranché, entrant en collision avec l’avis du voisin. Blaise Astor prenait conscience qu’il était le seul à n’en avoir aucun, le plus suspect de toute la bande de témoins.
Trois minutes, avait dit l’autre, les secours se faisaient attendre, le noyau s’impatientait. Cette présence de plus en plus compacte et bruyante affolait la femme du sixième étage. Celle du bas a intimé le silence et le respect, craignant un demi-tour fatal, un emballement incontrôlé. Une forme de calme a suivi, en bas comme en haut.
Figée sur une bande étroite, la fille reprenait la parole. La voix descendait, plus distincte pour la première fois : « Laissez-moi tranquille… Partez… Je veux voir personne… Laissez-moi… »
Personne ne voulait l’abandonner. On la soutenait, qu’elle comprenne qu’ils étaient tous là pour l’épauler. Pour éviter l’irréparable ou contre le sale type qui l’avait probablement conduite à cette impasse… Contre tous les mauvais démons, intérieurs, extérieurs… Elle n’était pas seule… Solidaires, à l’unanimité. Cela aurait dû être touchant, la toucher, ne la touchait pas tant que ça. Elle s’obstinait : « Laissez-moi tranquille… », avec des gestes las de la main.
Son visage était trop éloigné pour qu’on en distingue l’expression, Blaise Astor aurait parié sur le dégoût, un dégoût qu’il était prêt à partager. Elle l’impressionnait comme personne, cette fille. Quelque chose de noir dans les yeux, sous des cheveux longs relâchés et décolorés, il espérait en attraper le regard, sans l’aide d’un zoom, lui tout seul, à plus de quinze mètres de distance, dans la demi-clarté d’un 1er mai.
C’était idiot, comme tout le reste, mais son déplacement, à la verticale sous elle, a attiré son attention. Il était convaincu que ça y était, oui, elle l’avait en ligne de mire. Il n’était pas encombré par la vidéo, lui, ni parasité par des commentaires ou des injonctions. Il n’aurait plus que ses propres yeux, s’ils avaient assez de puissance, pour la tenir, la retenir – ou la laisser venir, si c’était son vœu. Elle était de son côté, comme il était du sien. À cet instant, ils marchaient ensemble, une certitude.
Dans ce cas, il faudrait bien l’accompagner, et l’accompagner vraiment, pas l’empêcher à tout prix. Il se sentait de nouveau isolé face aux autres, le seul à avoir une pensée pareille, qui serait horrible à leurs yeux. À ses yeux aussi ; elle le traversait pourtant, comme toutes les pensées horribles qui le bouffaient depuis le début de la scène.
Et il ne luttait plus, il attendait. Qu’elle choisisse à la fin. Qu’elle arrête de faire mariner la foule, j’y vais, j’y vais pas.
Si un manipulateur se cachait derrière, comme le soupçonnait la vidéaste, qu’il se montre. Il devait s’être retiré depuis un moment, la manœuvre enclenchée, il n’avait plus qu’à laisser aller, le propre des manipulateurs.
Rien ne se décidait, l’exaspération montait, des frémissements collectifs alternant avec des silences, selon les oscillations du corps ou sa paralysie, tout ça couvert, sans qu’on y ait prêté tout de suite attention, par la montée en puissance de sirènes, depuis le jardin du Luxembourg.
Qu’elle tienne quelques secondes encore, on voudrait le lui crier, pas trop fort, pour ne pas la déstabiliser davantage. Ce serait elle la victime d’une agitation excessive. Victime, elle l’était déjà, mais de quoi ? Il ne s’était encore rien passé, les bonnes intentions débarquaient de partout et risquaient de provoquer la catastrophe repoussée depuis le début.
Blaise Astor a vu l’arrivée des secours comme une nuisance ultime. Ils donnaient l’illusion d’agir. Une sirène, en quoi c’était une action ? Ils n’avaient rien de plus solide à proposer. Leurs pin-pon, ils en étaient fiers, ils arrivaient, les hommes d’action.
La fille s’est remise en mouvement, s’est penchée, pile à la verticale au-dessus de la tête de Blaise Astor, comme si elle avait décidé de s’aligner sur lui pour tomber. Rien de mieux pour amortir sa chute ou pour emmener avec soi un maximum d’abrutis au spectacle.
Blaise Astor a anticipé le choc imminent, cavalcade de tous ses neurones, c’était reparti de travers. Sa pensée lui échappait de nouveau.
Un corps en chute, si son poids était estimé à une cinquantaine de kilos, augmenté par la vitesse, malgré la résistance de l’air, combien de kilomètres par heure au bout de quinze mètres ? Combien de tonnes à l’instant où il entrerait en contact avec le passant nommé Blaise Astor ?
Blaise mesurait le possible basculement, dans une sorte d’hyperlucidité toute neuve, une impression de maîtrise jamais éprouvée. Qu’elle saute, il adoucirait sa chute. De jeunes enfants avaient survécu de cette manière à des incendies, il l’avait lu. Des mères les jetaient dans les bras des voisins ou dans des couvertures tendues, un classique de l’héroïsme quotidien.
Blaise Astor s’est défait de sa veste matelassée, l’a tendue au-dessus de lui, elle ferait office de réceptacle. Il s’y casserait les bras, sa musculature insuffisante se disloquerait pour sauver un corps parfait, cela n’avait aucune importance, il était prêt.
Il a eu l’impression de sortir de lui, une seconde, et de se voir de l’extérieur, les deux bras levés vers le toit, étalant le plus largement possible sa doudoune jaune confortable, sous les objectifs de la quinzaine de vidéastes, avec, dans son dos, les sirènes à leur maximum de stridence.
Malgré la distance et le manque de lumière, il s’est convaincu d’avoir capté son regard, l’appel de ses yeux, l’imploration de ses yeux. C’était lui, lui seul, qui la retenait. Le bout des pieds s’escamotait, elle renonçait à tout saut – sauf si elle reculait pour mieux prendre son élan.
Ni élan ni rien, un pompier a déplacé Blaise Astor en diagonale, sans un mot, sans brutalité, comme un objet gênant ou une pièce d’échecs, dans le calme, lui faisant baisser les bras et replier sa veste.
D’autres faisaient évacuer les abords de l’immeuble pour installer un périmètre de sécurité enveloppant le haut de la rue Soufflot. De bonne ou mauvaise grâce, les présents filmaient en reculant, râlant à mi-voix contre la mauvaise qualité de leur nouvel angle de vue ou se flattant de leur position de premiers témoins, capables de renseigner au mieux les nouveaux arrivants, qui avaient autre chose à faire que de recueillir leurs avis.
Une bâche de réception a été déployée au pied de l’immeuble, s’est réglée sur le pas de la cible, l’a orientée, un peu plus à droite, non, elle entreprenait un demi-tour, pas arrangeante, la victime, si au moins elle s’immobilisait.
Un camion s’est positionné en douceur pour permettre le dressage de la grande échelle, une glissade à la fois cliquetante et souple. Un médiateur avait attiré l’attention de la femme sur lui, l’enveloppait de paroles apaisantes. Les mots montaient plus vite que l’échelle et saisissaient la femme comme rigidifiée, la main tendue vers un chien-assis.
L’échange, là-haut, est resté inaudible. Le pompier a déplié une couverture de survie, un voile de pudeur pour un corps dénudé et la garantie de son réchauffement.
Un souffle de soulagement est monté du groupe des vidéastes, toujours occupés à capter la scène du sauvetage, c’était presque aussi bon à prendre que la catastrophe, si elle avait eu lieu.
Ce qui se passait sur la plate-forme de l’échelle était difficile à interpréter. Rien ne se déroulait selon le processus attendu. Le geste protecteur du sauveteur entourant les épaules de la femme de la couverture de survie s’est transformé en une sorte de lutte.
La femme se rebellait ou en donnait l’impression, a repoussé la main gantée, chiffonné la matière dorée glacée, dont le contact semblait insupportable.
La victime ne montrait ni soumission ni reconnaissance aux secours, leur en voulait d’être les secours. La crise s’amplifiait.
Un second pompier est intervenu, l’a ceinturée, avec moins de ménagement que le premier, en y mettant les formes toutefois, sur les conseils de ses collègues (« On nous filme »).
La descente s’est transformée en lutte contrôlée. Les hommes donnaient les premiers signes d’exaspération : « Madame, nous sommes là pour votre bien, uniquement pour votre bien… Ça va aller… Respirez… Faites attention, madame… »
Rien de bien différent de ce que Blaise Astor avait lancé dès la première minute.
À la dernière marche, d’autres secouristes s’apprêtaient à prendre le relais, poussant un brancard. La femme a profité d’une ouverture d’une seconde pour échapper aux mains des premiers et contourner les nouveaux venus, emberlificotés dans la couverture de survie qu’elle leur abandonnait, découvrant de nouveau sa nudité et se rapprochant vivement de Blaise Astor : « J’ai trop froid… Je veux pas de leur saleté en papier alu… Trop de bruit… Donne-moi ta grande veste, là… Ta veste, oui, elle a l’air chaude et plus douce, vite… »
Si la victime jetait la pagaille en franchissant le périmètre de sécurité, la police avait le devoir d’intervenir. Qu’est-ce que c’était que cette histoire de veste ? L’individu qu’elle rejoignait avait-il un lien avec elle ?
Plus personne n’avait envie de se montrer prévenant, saisissons-nous d’elle. Elle avait eu le temps d’endosser la doudoune jaune, encore mieux, on serait plus à l’aise pour la manipuler que si elle restait à poil.
D’autorité reprise en main et momifiée dans la couverture en plus de la veste matelassée, plaquée sur le brancard à engouffrer dans le véhicule médical. Elle se débattait encore, rébellion ou malaise ; de moins en moins.
L’aider contre son gré, un devoir pour les secours, mais un devoir provoquant les premières protestations parmi les vidéastes en action (« Et la liberté individuelle ? »), repoussés de plus en plus au large (« Fini, fini, rentrez chez vous… »), pendant que Blaise Astor, qui avait eu le mauvais réflexe de franchir la limite pour aller à la rencontre de la femme en fuite, était expulsé avec vigueur du périmètre, ce qui a renforcé sa tentation de partager sa rébellion. Cette femme l’impressionnait plus que jamais.
Il ne faudrait pas oublier qu’il s’était trouvé le premier sur les lieux. Le seul à avoir tout suivi depuis le début.
Le personnel médical a pris soin de la victime, bousculade maîtrisée dans le camion, oxygène, probables prélèvements divers, prise de sang, tension, questions, retour au calme.
Blaise Astor se savait dépossédé de ce qu’il n’avait jamais eu sous son contrôle, sauf ce regard d’un instant, collé si fort au sien, cet appel, une adhésion, plus rien.
Puisqu’il était hors du périmètre de sécurité, il ne lui restait plus qu’à en extraire son VTC, avec la discrétion du moteur électrique, en glissant le long de la rue Soufflot, tout en consultant son smartphone accroché au pare-brise. Il tapotait le clavier dans le désordre, pas moyen de remettre la main sur la course prévue, les coordonnées de la cliente. La cliente, cette cliente, ce ne pouvait être qu’elle, la fille du toit.
En réalité, que s’était-il passé ? Une cliente avait commandé un VTC, changé d’avis, sans avoir la politesse de le prévenir, un cas courant, pour accomplir de toute urgence un désir de suicide, cas non moins courant, s’était ravisée une seconde fois, avait perdu, par trouille ou toute autre raison, l’envie d’en finir, avait été secourue.
Il ne s’était donc vraiment rien passé d’extraordinaire. À Blaise Astor non plus il n’était rien arrivé de spécial. Il avait assisté de loin à une scène, eu des pensées malencontreuses, avec une seule conséquence majeure : cette fille en avait profité pour lui piquer sa longue veste matelassée jaune moutarde, après lui avoir fait perdre le prix de sa course. En plus, tous ses papiers en poche intérieure subtilisés, passeport, permis de conduire, carte grise, assurance, carte bancaire, comment les récupérer à présent ? Trop tôt pour se précipiter au commissariat, pour déclarer quoi ? Une perte, un vol ? Le temps que la fille soit conduite à l’hôpital, déshabillée, fouillée, qu’on lui demande qui était ce gars dont elle détenait les papiers, nouvelles salades pour elle, bientôt pour lui.
Il lui restait à intercepter les secours, non, ce serait mal vu. Plutôt se présenter aux urgences et expliquer poliment qu’il venait récupérer son bien. Il avait noté qu’elle serait conduite aux urgences de la Pitié-Salpêtrière, les flics avaient mentionné ce nom entre eux.
Vite, demi-tour vers la Pitié.
Tant de pensées et de mouvements incontrôlables, en conduisant une berline pas encore bien en main et en s’excitant sur un smartphone, sans regarder le boulevard, ne pouvaient avoir d’autre effet que de lui faire emboutir le premier obstacle venu, un kiosque à journaux fermé, dans le désert parisien d’un 1er mai, immobilisation immédiate de la voiture blanche ; carrosserie de l’aile avant droite cabossée.
S’il devait y avoir une victime aujourd’hui, l’unique victime de la matinée, c’était lui. Elle aussi, elle surtout ?
Pour mettre tout le monde d’accord, disons seulement une aile entamée, et tout le reste bien dérangé.

Passée de main en main, du véhicule de secours au service des urgences générales de la Pitié-Salpêtrière, du brancardier à l’infirmier, puis à l’interne de service, Iris Bila s’obstinait à préférer la veste à la couverture de survie mise en boule par ses soins, rejetée aussitôt qu’imposée de force.
Elle luttait, luttait, cette rage ne passait pas. Elle réclamait encore et encore la veste matelassée. On voulait qu’elle ne prenne pas froid, non ? Quoi de mieux ? Le personnel a laissé courir, enveloppons-la avec ce vêtement, ajoutons-y la couverture. Avec ce qu’on lui mettrait dans les veines, l’agitation retomberait vite.
Déjà mieux, les mains se détendaient. Si elle arrêtait de bouchonner sa belle veste jaune, ce serait parfait. Un petit effort : la veste subtilisée, on ne la volait pas, bien accrochée derrière la porte, là, elle la retrouverait pour sa sortie.
Qu’elle enfile plutôt la blouse réservée aux patients, cadeau de l’établissement.
Un sursaut, elle n’aimait pas les cadeaux, surtout les cadeaux de ce genre. On allait voir ses fesses…
Elle exagérait. Si l’origine de la veste matelassée avait été oubliée en route, pour le reste, l’information avait fait son chemin : cette patiente avait été récupérée à poil sur un toit.
La chatte sur un toit brûlant, entre médecins cinéphiles, on pouvait oser la blague pour détendre l’atmosphère. Pas trop, mal vu, mal entendu.
Et la pudeur, qu’est-ce qu’on faisait de la pudeur ?
N’insistons pas, la pudeur, à l’hôpital, ce n’était pas vraiment le sujet, surtout dans les conditions où on l’avait trouvée.
Allongée comme elle l’était, à présent, elle n’avait plus à s’occuper de ses fesses, là, elle y était, la mollesse gagnait, elle pouvait se laisser faire, entourée de soignants attentionnés, s’endormir.
Mais non, se laisser faire, ce n’était pas permis, pas son genre.
D’abord, qu’est-ce qu’elle foutait aux urgences ? Rien réclamé aux pompiers. Ils auraient dû lui demander son avis. Si on ne la relâchait pas tout de suite, elle allait déposer plainte.
Quoi, la relâcher ? Elle n’était pas en état d’arrestation, uniquement sous surveillance médicale, pour son bien. On comptait sur la présence prochaine de sa famille pour la tranquilliser et la convaincre.
Son identité déclinée, malgré des déclarations confuses, en l’absence de tout papier, compte tenu de sa nudité initiale, les services étaient parvenus à localiser des proches.
Sa mère allait accourir, elle aurait pensé à tout, grâce aux informations qui lui avaient été communiquées. Une tenue vestimentaire complète, des sous-vêtements en priorité. Sa fille ne serait pas condamnée à demeurer en blouse d’hôpital.
La nudité publique de sa fille, telle qu’elle lui avait été rapportée au téléphone par les autorités, en pleine rue, en plein jour, un choc pour une mère. Elle arrivait en taxi de son pavillon des Yvelines, sa fille serait vite rhabillée.
Pas trop vite, tout ne rentrerait dans l’ordre que si Iris Bila y mettait du sien et acceptait de collaborer au bilan médical et psychologique indispensable.
Elle gardait un reste de lucidité. Bilan, mot poli pour une enquête ?
Une enquête sanitaire, rien à voir.
Le personnel a commencé à prendre le large, d’autres obligations, un spécimen pareil, le braquer, c’était perdre son temps. La stratégie de l’isolement, c’était plus fort que l’encerclement. Ils étaient forts, elle les connaissait, elle les avait vus faire plus d’une fois, entendu leurs ricanements dans le dos des patients.
En temps normal, elle travaillait à l’hôpital, elle aussi, pas dans un service médical, seulement standardiste à l’hôpital Lariboisière. Pourquoi ne pas l’avoir conduite à l’hôpital Lariboisière ? Pas un imbécile de la Pitié-Salpêtrière ne prenait la peine de lui répondre. Il suffisait de ne pas s’en faire, pas s’en faire.
Des manipulateurs, elle ne se laisserait pas prendre. Elle aurait préféré ceux de Lariboisière, elle les connaissait par cœur, on aurait gagné du temps. Sa nouvelle idée fixe : qu’on la transfère tout de suite à Lariboisière, si on condescendait à l’écouter.
Une nouvelle infirmière a rappliqué. On allait voir ce qu’elle avait dans le ventre, cette Iris, une fois qu’on lui aurait injecté une bonne dose.
Le corps d’Iris Bila s’est relâché, provoquant un nouveau jus de verbiage qu’aucune aide-soignante n’était capable d’éponger. On comptait sur l’arrivée annoncée de la mère pour boucher les trous et rendre la patiente plus raisonnable.
Elle s’est présentée à l’accueil, Mme Bila, guère plus coopérative que sa fille. Pressante, elle a annoncé avoir laissé le taxi en attente à l’entrée. Pas l’intention de s’éterniser. Elle ne doutait pas que les médecins, l’administration, tout le monde serait de son côté.
Un incident regrettable sur la voie publique, comme on l’en avait informée, ne devait pas donner lieu à une mise en scène mélodramatique, au nom de la protection des individus, tout le baratin annoncé au téléphone. Mesurer les paramètres vitaux, mentaux, établir un diagnostic, merci bien.
Sa fille ne souffrait d’aucune maladie. Le seul mal, c’était de vouloir apporter une explication au moindre geste et d’en faire un symptôme.
Sans en faire un tableau clinique apocalyptique, se retrouver dépourvue de tout effet personnel sur une toiture à quinze mètres de haut n’était pas anodin, madame. Une mère devrait être la première à s’en inquiéter et à prêter assistance aux autorités compétentes. Pas question de relâcher une patiente, peut-être une victime, sans garantie contre une récidive ou une menace, d’où qu’elle vienne.
Récidive ? Menace ? De quels crimes parlait-on, là ? Les mots tout faits plaqués sur la peau des gens, c’était leur mort par étouffement. On n’avait pas d’autre but que d’étouffer sa fille, elle ne se laisserait pas faire. Avant tout, la retrouver seule à seule. Sa présence maternelle suffirait à empêcher toute récidive et à éloigner toute menace.
Sa situation exigeait qu’elle soit mise à l’abri, donc restituée à sa famille.
On lui avait déjà trouvé une chambre à part, vu la singularité de son cas ? On en avait sous la main, quand ça arrangeait ? Encore plus scandaleux pour tous les autres, condamnés à s’entasser.
La mère méritait une injection aussi bien que sa fille. Si l’agitation de la famille redoublait celle de la fille, on courait à la catastrophe, alors qu’on l’avait évitée de justesse. Visite autorisée contre promesse de silence, observation de signes inhabituels qui pourraient alerter les services, témoignage précieux.
Précieux, précieux, ils voulaient l’acheter, pour mieux garder Iris sous leur contrôle. Mme Bila gardait sa pile de vêtements de rechange contre elle. Elle n’attendrait pas pour rhabiller sa fille. Ces traits reposés prouvaient que les soins n’étaient plus nécessaires.
Mme Bila a fini par poser la main sur le front d’Iris, en douceur, avec hésitation, ce qu’on attendait d’elle, bravo, un geste qu’elle n’avait pas fait depuis longtemps.
Elle soulevait le drap, on la laissait faire, si ça la rassurait…
Toujours pas correctement couverte, sa fille, après ce qui lui était arrivé, une honte. Une nouvelle insuffisance de l’hôpital public, de notoriété publique, oui.
Mme Bila avait retrouvé d’anciennes culottes d’Iris, de ses quinze ou seize ans, toujours mieux que cette nudité.
La pudeur, la pudeur, son obsession, vite passons une jambe, l’autre. Regardez, cela ne la réveillait pas. Elle se laissait manipuler comme rien. Regardez dans quel état les injections l’ont mise. Si la culotte était passée, le soutien-gorge suivrait. Trop serré, elle avait pris de la poitrine depuis ses quinze ans, mais c’était toujours plus propre comme ça.
L’infirmière et l’interne se consultaient. Pas si mal, cette excitée de mère jouait un rôle moins toxique que prévu. La douceur pouvait émerger de la brutalité, soyons souples et tentons de faire la paix ensemble, dans l’intérêt exclusif de la patiente.
Mme Bila disait accepter de comprendre que plusieurs heures, sans parler de jours, seraient nécessaires avant un retour à la normale. Le personnel admettait que la présence maternelle contribuerait à établir un climat de confiance. Iris Bila avait du mal à prendre parti, d’ailleurs personne ne sollicitait son avis.
La mère a réclamé une chaise à côté du lit, est restée tranquille, jusqu’à ce que des résultats d’analyse soient connus, la présence d’alcool dans le sang, d’autres substances toxiques aussi, pas nommées devant la mère, pas la peine de la faire réagir, dans des proportions non excessives, non négligeables non plus.
Ces indications seraient communiquées à toutes les autorités qui souhaiteraient entendre Iris Bila, puisqu’elle avait repris conscience et retrouvé le calme nécessaire à un entretien. Ici, on ne s’occupait que des effets, les causes étaient du ressort d’autres instances.

Une femme de la police était disposée à recevoir le témoignage d’Iris Bila, d’elle seule. C’était ce qu’on allait voir. Être entendu par les autorités impliquait la présence d’un soutien, à défaut d’un avocat. »

À propos de l’auteur

François Vallejo © Antoine Rozès

François Vallejo sait de mieux en mieux d’où il vient et cherche de moins en moins à savoir où il va. Géographiquement, et, comme son nom l’indique, il est à la croisée de voyageurs du sud et de stationnaires de l’ouest. La seule voie qu’il persiste à suivre est celle du roman, et c’est pour lui un chemin de traverse. Il a exploré une dizaine d’itinéraires singuliers, depuis Vacarme dans la salle de bal, en 1998. Madame Angeloso et Groom ont constitué quelques étapes, suivies d’un Voyage des grands hommes qui l’a emmené vers l’Italie du XVIIIe siècle, avant de retrouver l’Ouest du XIXe en 2006, puis le XXe avec Les Sœurs Brelan. Ces déviations historiques l’ont aidé à trouver sa voie dans le XXIe siècle, dont il a essayé d’éclairer quelques Métamorphoses en 2012. Il les pousse plus loin avec Fleur et sang, en 2014, où deux époques s’entrecroisent, deux histoires se confrontent, des hommes et des femmes s’entrelacent à travers le temps.
Son appétit inassouvi de tous les livres le pousse en 2016 à écrire un roman où la faim le dispute à la mangeaille, la dégustation à la dévoration, Un dangereux plaisir, qu’il aimerait partager comme un festin. Hôtel Waldheim lui permet de faire un saut dans le passé en 2018 et de revenir au temps de son adolescence. La cause ? Une carte postale anonyme qui va bouleverser sa vie. Le narrateur y découvre un message manuscrit pour le moins sibyllin : Ça vous rappel queqchose ?
Il considère que, sur ces routes secrètes de la vie et des romans qu’il découvre comme elles viennent, le plaisir d’aller dépasse le bonheur d’arriver. (Source : Éditions Viviane Hamy)

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Du fond des Âges (Le Halo des Ombres – Cycle 2)