Ma note Ma chronique Le roman s’ouvre en 2018, sur un prologue poétique et introspectif. Le narrateur se trouve dans une clairière, écrivant frénétiquement dans un carnet à la lueur d’un feu. Les mots semblent jaillir de lui, presque indépendamment de sa volonté, tandis qu’il ravive les flammes pour éclairer la nuit. Autour de lui Layla, Elias et un garçon qui n’est autre que le narrateur dans ses jeunes années jouent aux billes. Il se laisse emporter par l’écriture, traçant leurs rires, leurs colères et les fantômes qui les hantent. Il se dit qu’il pourrait l’aider financièrement en jouant au guetteur pour un fournisseur de cannabis, que cet argent vite gagné viendrait renflouer le porte-monnaie bien plat de sa mère qui se tue au travail. D’une rive l’autre Où ? Quand ? Ce qu’en dit l’éditeur Les critiques Les premières pages du livre Extraits « J’ai des carnets remplis de ce que je n’ai jamais voulu écrire. Je ne sais pas ce qu’ils deviendront. J’aurais aimé que, toi, tu les lises. Je n’avais jamais voulu te faire lire ce que j’écrivais, mais aujourd’hui je le regrette. Je regrette d’avoir eu cette fausse pudeur. Je regrette de ne pas m’être donné tout entier à toi, de ne pas t’avoir livré ce que je suis vraiment. Je regrette d’avoir fait semblant. Tu méritais la vérité, ma vérité, mes profondeurs. J’aurais aimé que tu saches tout, je n’aurais jamais dû t’épargner de moi. Et puis la langue, Layla. La langue qui transforme les ténèbres en lumière. Je ne t’aurais pas déversé mes ténèbres à la gueule parce que les mots et les vers font tout mourir et renaître. La langue, Layla, la musique. Faire chanter et danser les fantômes de la nuit, puis les éblouir d’une lumière aveuglante. J’aurais dû te donner mes ténèbres devenues lumière. Je caresse ma page et relis ton prénom. Peut-être qu’un jour je mettrai mes trois ou quatre carnets dans une grosse enveloppe et que j’y écrirai « pour Layla ». » p. 187 À propos de l’autrice Dima Abdallah © Photo François Bouchon Née au Liban en 1977, Dima Abdallah vit à Paris depuis 1989. Après des études d’archéologie, elle s’est spécialisée dans l’antiquité tardive. Fille des écrivains Mohammed Abdallah et Hoda Barakat, elle a écrit des nouvelles et des poèmes jamais publiés. Mauvaises herbes, son premier roman, paru chez Sabine Wespieser éditeur en 2020, a été très remarqué (prix du roman « Envoyé par la poste », mention spéciale du prix de littérature arabe). Bleu nuit (2022, prix Frontières-Léonora Miano 2023) a confirmé la force et la singularité de son inspiration. (Source : Sabine Wespieser Éditeur) Page Wikipédia de l’autrice Tags
★★★★ (j’ai adoré)Les ombres sur sa vie
Oscillant entre la banlieue parisienne et Beyrouth, le nouveau roman de Dima Abdallah explore la quête identitaire d’un narrateur déchiré entre ses origines françaises et libanaises. À travers une écriture envoûtante, l’autrice aborde les thèmes de l’héritage familial, de l’exil et de la recherche de soi dans un récit à la fois sombre et lumineux.
Reprenant le récit chronologique, le roman nous emmène ensuite en 1990, durant les années d’enfance. On partage le quotidien du narrateur dans un grand ensemble de banlieue parisienne. Auprès de sa mère célibataire, les fins de mois sont difficiles. Alors il redouble d’efforts pour ne pas la décevoir, pour maintenir leur équilibre fragile. Il ne veut pas pour autant sortir du lot. Il veut rester proche de son meilleur ami Élias qui n’a pas ses facilités. Et puis il y a Layla, la belle Layla dont il va tomber éperdument amoureux sans jamais pouvoir lui déclarer sa flamme. Car il est rongé de timidité, de peur. Comme face à sa mère, il préfère ne rien dire pour ne pas faire de bêtises. Car au-dessus d’eux plane l’ombre du père d’origine libanaise qu’il n’a jamais connu. Ce père, à la fois une énigme et une malédiction, est à la source d’une violence intérieure qu’il tente désespérément de conjurer.
Au fil des ans, son corps change, ses sentiments s’exacerbent. « Moi, je sais que ce qui pousse dans mon ventre, ça ne se soigne pas. Le médecin ne fait pas de miracle pour les garçons qui grandissent, pour les voix qui muent, les poils qui poussent et la rage qui monte. J’ai cherché beaucoup de mots en rapport avec ça dans le dictionnaire, et c’est un truc inguérissable. Immuable ».
Désormais, il travaille pour un dealer. Mais sa mère n’est pas dupe et va siffler la fin de la récréation. La conversion d’Elias pour un islam radical l’effraie tout comme la beauté inaccessible de Layla. Aussi, le jour où Elias déclare « haram » la musique qu’ils écoutent ensemble, il décide de partir pour Beyrouth. Là-bas, il espère retrouver la lumière de la Méditerranée et conjurer l’ombre paternelle. Mais Beyrouth, terre de promesses et de désillusions, ne lui offre que des ombres et des questions sans réponses, malgré l’affection que lui voue madame Hind. La vieille femme qui héberge le narrateur lui fait visiter le pays, lui offre apporte sa tendresse et sa générosité. Un contraste saisissant avec la rage qui l’habite et qui, à son retour, ne va pas trouver d’exutoire.
L’écriture de Dima Abdallah est d’une beauté envoûtante. Sa poésie offre un contraste saisissant avec la violence et la solitude, la douleur qu’éprouve le narrateur, écartelé entre deux cultures. En cherchant sans cesse un ancrage, un point d’équilibre entre ses héritages breton et libanais, entre les deux rives de la Méditerranée, il pose avec acuité la question de l’héritage familial et de ses conséquences.
Si elle a choisi un homme pour raconter cette histoire, la biographie et la bibliographie de l’autrice ne laissent guère planer le doute sur les aspects autobiographiques de cette confession. Née en 1977 au sud du Liban, Dima Abdallah est arrivée à Paris à l’âge de 12 ans, en 1989. On l’avait découverte avec Mauvaises herbes, qui suivait le parcours d’un père et de sa fille au Liban, entre les bombes et les plantes aromatiques. Un talent de narration qu’elle avait confirmé en 2022 avec Bleu nuit et qu’elle re-confirme ici avec cette même intensité.
Dima Abdallah
Sabine Wespieser Éditeur
Roman
230 p., 21 €
EAN 9782848055558
Paru le 06/03/2025
Le roman est situé principalement en région parisienne puis au Liban, à Beyrouth, Tyr, Sidon, Tripoli. On y évoque aussi Toulon et la vallée de l’Ibie.
L’action se déroule de 1990 à 2024.
D’une rive l’autre. Gamins, ils étaient tous les trois inséparables, Layla, Elias et le narrateur, qui, à peine adolescent au début des années 1990, rêve du jour où il connaîtra assez de « jolis mots » pour convaincre Layla de quitter le quartier avec lui. Il étouffe dans l’appartement où il vit seul avec sa mère et reste obstinément muet face à la boiterie et à la tristesse de cette femme détruite. Ses propres accès de violence, sa « mauvaise graine », il sait bien qu’il les doit à son géniteur, qu’il n’a jamais connu. Il les maîtrise tant bien que mal en fumant des joints et en se réfugiant dans les pages du dictionnaire.
Le jeune homme qu’il est devenu, paralysé de timidité et plein de l’amour romantique qu’il lui porte, n’ose même plus adresser la parole à celle qui occupe ses pensées. Le jour où son compère Elias déclare « haram » la musique qu’ils passaient des nuits à écouter ensemble, une digue se rompt en lui.
À Beyrouth, où il part sur un coup de tête, il découvre un pays lui aussi hanté par les fantômes. Comme pour conjurer l’ombre paternelle, il ne cessera, d’une rive l’autre, de vouloir retrouver la lumière de la Méditerranée.
S’il nous dit combien il est difficile d’échapper à la malédiction des origines, le très beau roman de Dima Abdallah, sombre et lumineux à la fois, décrit avec une vibration particulière l’histoire simple d’un personnage en marge, jouet de son destin, qui tentera pourtant de surmonter ses démons.
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« Prologue
2018
UN MOT. PUIS UN AUTRE. Une phrase. Un vers. Puis toute une strophe. J’ai ravitaillé le feu pour faire un peu de lumière dans la clairière. J’ai ramassé tout ce que je pouvais de petit bois bien sec pour avoir de grosses flammes. Ça crépite et ça siffle. Ça monte haut vers le ciel. Les mots s’enchaînent et se gravent sur le carnet sans me demander mon avis. Je ne suis presque plus maître de ce que j’écris, plus maître de ce qui sort, de ce qui me traverse avant de devenir souffle d’encre. J’ai espéré, aussi, qu’avec un gros feu les deux petits garçons et la petite fille iraient jouer un peu plus loin.
Ils restent accroupis tous les trois en rond de l’autre côté du foyer. Ils jouent aux billes. Je les connais bien, ces trois-là. C’est Layla, Elias et le petit moi. Ils restent là, tout près, à jouer et lèvent la tête vers moi de temps en temps pour me regarder droit dans les yeux et me sourire. Ils parlent un français parfait, mais leurs traits viennent de loin. Ils sont nés ici, mais leur peau, leurs cheveux, leurs yeux, crient des terres lointaines. Des terres dont ils ignorent tout. J’écris leurs corps tannés par un soleil éteint, un soleil mort, un soleil évanoui depuis des dizaines d’années. J’écris les petits corps qui se souviennent des terres chaudes baignées de sang et de cendres, des villes détruites, des royaumes perdus. Le carnet grave les origines lointaines de chacun des trois petits gamins qui ne connaissent rien de leurs ruines.
Ce n’est pas la première fois. Dès que je sors le carnet, les fantômes viennent. Surtout ces trois-là. Ils apparaissent de l’autre côté du feu. Je m’y suis fait, à mes fantômes, les fantômes du carnet. Je les façonne, je les invente, je me souviens, je les dessine ligne après ligne et je dois les assumer. On n’écrit jamais de mots sans conséquences.
Je me concentre sur le chant de la rivière, de l’Ibie, et sur le crépitement du feu, pour qu’ils bercent les conversations des trois gosses et leurs rires. L’eau et le vent chantent en sourdine, recouverts par leurs éclats de voix. Je les entends fort, leurs mots, mes mots, que je suis en train de tracer l’un après l’autre sur la page blanche comme un possédé. J’écris à toute vitesse, comme si j’avais peur de rater une virgule, un soupir, un rire. Leurs rires résonnent fort et je cours à en perdre haleine après chacune de leurs paroles.
Ils sont ici, là. Ils existent.
Le carnet décide que la lune a beau être déjà haute dans le ciel, les trois petits ne veulent pas arrêter de jouer, ils ne veulent pas aller au lit. Je couche leurs colères, je couche leurs rires, je couche leurs peaux mates et ce qui les hante. Je couche leurs fantômes à eux, ceux qui ne les laisseront jamais tranquilles, ceux des terres lointaines dont on ignore tout et qui nous possèdent pourtant.
Je souffle sur le gros tas de braises pour que la pénombre devienne une petite lumière ardente, pour réveiller les flammes. Pour allumer une veilleuse au fin fond de la garrigue noire.
Le carnet les fait danser maintenant. Il a décidé ça, le carnet, pour mettre fin à une petite dispute. Un mot, puis un autre. Un pas de danse, puis un autre. Ils sautent en cadence. Ils sautent en rythme, sur le même tempo que les mots se gravent, et ils éclatent de rire en chœur à chaque refrain du morceau de rap qui résonne dans la clairière. J’écris vite. Les phrases s’enchaînent. Ça inspire. Ça expire. En rythme. Je cours si vite, je respire si fort, que je finis par tomber, essoufflé, sur le flanc.
Elias s’arrête de danser, se penche vers moi et me demande : « On est où, ici ? » Je réponds : « En lisière du monde. »
« Moi, je sais que ce qui pousse dans mon ventre, ça ne se soigne pas. Le médecin ne fait pas de miracle pour les garçons qui grandissent, pour les voix qui muent, les poils qui poussent et la rage qui monte. J’ai cherché beaucoup de mots en rapport avec ça dans le dictionnaire, et c’est un truc inguérissable. Immuable depuis la nuit des temps. «Immuable » : qui, par nature, n’est pas sujet au changement et demeure identique à soi-même. » p. 49-50
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