Les premières pages du livre
« Désolée pour mon retard, Dr Mandelbaum. J’avais dit 4 heures. J’aurais été ponctuelle si je ne m’étais pas égarée dans les allées. Ne le prenez pas mal, mais j’aimais mieux où vous étiez avant. Le VIE, c’est quand même autre chose que la banlieue. Il fait un froid de loup aujourd’hui. Notez que je suis prévoyante. J’ai enfilé un collant sous mon pantalon, mis des gants et un bonnet. Vous savez que le corps perd en premier sa chaleur par les extrémités et la tête? Moi non plus, je ne le savais pas. Je n’aimerais pas attraper des engelures, avoir les doigts et les orteils tout violacés et enflés. On dit que c’est affreusement douloureux. On dit tellement de choses. J’aurais bien voulu m’asseoir près de vous, mais c’est gelé. Si ça ne vous fait rien, je préférerais rester debout.
Je serais venue plus vite si je n’étais pas débordée par mon travail. Ne croyez pas que je me cherche de fausses excuses, Dr Mandelbaum. Vous savez à quel point je mets du cœur à l’ouvrage, à quel point je suis consciencieuse. Je suis pourtant payée une misère. Ça fait déjà trois semaines que je suis sur Tiens-moi chaud à Noël. L’intrigue et les scènes de cul ne s’améliorent pas. Impossible de me concentrer plus de dix minutes sur ma tâche. L’histoire accumule les orgasmes ennuyeux censés émoustiller notre cœur de cible. J’aurais préféré une passion adultérine sous les tropiques qui se serait terminée en partouze géante dans une piscine de champagne sur un rooftop à Manhattan. Mais mon travail de traductrice est à l’image de ma vie. Je n’y obtiens jamais ce que je veux. « Ne vous dépréciez pas, madame Jacquemain. » Je vous entends d’ici, Dr Mandelbaum. Vous ne l’auriez pas formulé avec des mots. Mais le bruit de votre langue contre votre palais que vous auriez, malgré vous, laissé échapper dans mon dos aurait suffi à me le faire comprendre. Bernard Bernard, le directeur de la maison d’édition, a menacé ses employés de mettre la clé sous la porte si les ventes continuent à décliner. À cinquante ans, je risque de me retrouver au chômage. Au fond, ça m’arrange. Je n’aurai plus à me sentir coupable de contribuer à la déforestation pour produire du papier sur lequel imprimer ces intrigues anglo-saxonnes érotico-ineptes. Je n’aurai peut-être bientôt plus les moyens de subvenir à mes besoins. Vous pourriez me faire remarquer que je n’ai plus à vous régler, que c’est toujours ça d’économisé. Ne vous méprenez pas, je ne prétends pas que vous étiez cher. Je n’aurais d’ailleurs jamais osé aborder la question de l’argent avec vous. Je vous ai toujours payé rubis sur l’ongle, Quatre-vingts euros la séance de quarante minutes qui se réduisait souvent à trente. Des billets que je retirais au distributeur le plus proche de votre cabinet. Ils n’avaient pas le temps de se froisser dans ma poche avant de tomber dans la vôtre, une à deux fois par semaine, au terme de chacune de nos entrevues. Je ne les glissais pas dans une enveloppe. Je vous les remettais de la main à la main avant de vous quitter, vous laissant ainsi le loisir de les compter si vous en aviez éprouvé le désir. Ça ne s’est jamais produit. Vous m’avez toujours fait confiance malgré mes nombreuses névroses. Aujourd’hui, je suis certaine que vous pouvez comprendre mes réticences à satisfaire votre demande. Plus j’y pense et plus je me dis que ce ne sont pas des choses qui se font entre personnes sans liens familiaux ni amicaux. N’en parlons plus. Vous voulez bien, Dr Mandelbaum ?
Ce ciel gris de novembre avec les corneilles obèses qui se disputent les papiers gras, ça m’a toujours filé le bourdon. Si le type là-bas, qui souffle les feuilles avec son engin qui pue l’essence, s’approche de nous, je lui dirai ses quatre vérités : « Prends un râteau, espèce de connard. Tu pollues la planète avec ton machin qui fait un boucan à réveiller les morts! » J’ai manqué la cérémonie. Vous l’avez peut-être remarqué. Ou peut-être pas. J’étais en colère. Je vous en voulais de m’avoir quittée sans avoir résolu tous mes problèmes. À présent je suis là.
Il y a une semaine, lorsque j’ai reçu votre premier message, j’ai été stupéfaite. Comment était-ce possible puisque vous êtes mort ? J’ai fait l’autruche. Mon silence en guise de réponse n’était pas lié à mon surcroît de travail Vous l’aurez deviné, Dr Mandelbaum. Je ne saurais dire ce qui m’a poussée à sortir la tête du trou. Ce dont je suis certaine, c’est qu’il m’a fallu du temps. Jusqu’au moment où ça m’a soudain paru plausible que vous m’écriviez. Une petite voix continue à me crier que recevoir un message de vous relève du fantasme. Pourtant, avec votre maîtrise du psychisme, je me dis que tout est possible. Je suis sortie de mon déni pour me précipiter vers vous toutes affaires cessantes. Voilà la vérité. Ça n’a pas été sans mal. La batterie de mon vélo électrique est en panne. J’ai dû emprunter le métro. Vous savez à quel point j’ai horreur de la promiscuité et des miasmes. Ça n’a pas manqué. À la station République, un clodo a voulu me taper du fric. J’en ai à peine suffisamment pour subvenir à mes propres besoins. C’est la stricte vérité. J’aurais sincèrement aimé pouvoir vous dépanner des trente mille euros que vous me demandez de vous donner et agir ainsi en personne vertueuse et de gauche que je suis. J’ai d’abord été vexée que vous m’écriviez uniquement pour de l’argent. J’espérais davantage de notre relation. Sans doute à tort. Il faut sûrement vous lire entre les lignes. Vous m’avez bien aidée sur le sens caché des mots. Mais cette fois, même en me creusant la tête, je ne vois toujours pas où vous voulez en venir. Qu’est-ce que vous voulez faire de trente mille euros ? Un tour du monde ? Rembourser des dettes? Entretenir une maîtresse ? Ce ne sont pas mes affaires, Simplement, je regrette de constater que vous me compreniez mieux de votre vivant.
Je n’ai parlé à personne de vos messages. Pas même à ma mère. C’est un sujet que nous n’avons pas abordé depuis longtemps. J’espère que vous ne m’en voudrez pas d’avoir la tentation de le faire. Ma mère ou un autre sujet d’ailleurs. Puisqu’à présent je suis là. Je n’imaginais pas vous revoir. Je n’ai rien préparé. Je n’ai pas échafaudé en chemin mille pensées que j’aimerais vous livrer ici et maintenant. D’autant plus que le froid m’embrouille le cerveau. Notez qu’une fois allongée sur votre divan je ne vous parlais que rarement des pensées qui m’avaient traversé l’esprit avant d’appuyer sur votre sonnette. Aujourd’hui, par où commencer ?
C’est mon cinquième cancer, Dr Mandelbaum. Aucun signe avant-coureur. Ni fatigue, ni suées, ni perte d’appétit et pas le teint pâle. Un toucher rectal de routine a mis la puce à l’oreille du médecin. Le premier, un cancer généralisé, Ma mère et moi avions refusé l’acharnement thérapeutique. C’était sans espoir. Archibald était parti en quelques semaines, Mon père l’avait enterré au fond du jardin de ma grand-mère, avant que des promoteurs ne le transforment en lotissement pour classe moyenne périurbaine à la vie terne. Un lapin angora au poil soyeux que je faisais dormir dans mon lit quand j’étais enfant. Au matin, mes draps étaient piquetés de petites crottes odorantes.
Le deuxième, un cancer des poumons avec des métastases partout. Catherine, la mère de Gilles, l’un de mes anciens compagnons, avait baissé les bras depuis longtemps. Il ne lui restait qu’un seul désir. Que Jean-Paul, son mari, meure et le plus tôt serait le mieux. Lorsque l’unité de soins palliatifs l’avait appelée pour lui annoncer la fin, elle s’était sentie soulagée. Jean-Paul n’était plus qu’un sac d’os. Il n’était pas resté grand-chose à brûler.
Le troisième, une tumeur au cerveau. Élisabeth, la sœur de Fabien, un autre de mes anciens compagnons, n’avait aucune chance de s’en sortir vivante. Fabien avait accepté de l’emmener en pèlerinage à Lourdes prier pour un miracle. En chemin, elle avait glissé sur le sol lessivé à grandes eaux des toilettes d’une aire d’autoroute. Sa tête avait heurté le rebord d’un lavabo. Elle était morte dans l’ambulance qui la conduisait aux urgences. « On n’échappe pas à son destin. » C’était son expression favorite.
Le quatrième, un cancer du pancréas au stade 4. Ça n’avait pas duré. Alain m’avait larguée au début de sa chimio et avant sa chute de cheveux. Son cancer était incurable et inopérable. Il n’en a pas réchappé. Son oncologue lui avait confié que les traitements lui serviraient seulement à prolonger son existence de quelques mois tout en conservant une certaine qualité de vie. Alain a sans doute considéré que je n’y contribuais pas.
Le cinquième, un cancer de la prostate. Des examens approfondis ont confirmé les soupçons du médecin. L’oncologue a écarté la chimiothérapie. La tumeur était trop avancée. Ne restait plus que le bistouri. Le chirurgien n’a pas fait dans le détail. Prostatectomie radicale avec ablation des nerfs érecteurs. Ce salaud s’est bien gardé d’informer Marc-Antoine des effets irréversibles de l’ablation de la prostate sans conservation de la lame nerveuse indispensable à l’érection. C’est fini. Marc-Antoine ne bande plus. Est-ce que la mort n’a pas endommagé votre mémoire, Dr Mandelbaum ? Est-ce que vous vous souvenez de qui est qui? Je n’ai pas le courage de tout reprendre à zéro. Pas avec vous et encore moins avec un autre. Marc-Antoine !? Mon actuel compagnon. Vous imaginez ? Impuissant !
J’ai cherché sur le Net des tuyaux pour rééduquer les fonctions érectiles. Médicaments, injections intra-caverneuses, pompe à vide, implants péniens… Les techniques sont sont variées et largement insoupçonnées. Je suis désormais capable de dessiner les yeux fermés une prostate. J’ai passé des dizaines de planches anatomiques mâles vus de côté, de face, en coupe et en perspective. Je me suis arrêtée à ceux du manchot empereur, les yeux larmoyants de fatigue, engluée dans la toile d’araignée d’Internet. Savez-vous, Dr Mandelbaum, que la hyène tachetée est l’unique mammifère dont la femelle possède un clitoris érectile qui ressemble comme deux gouttes d’eau à un pénis ? Moi non plus, je ne le savais pas. Et savez-vous à quoi il sert? À mettre bas, figurez-vous, Sans compter que les lèvres fusionnées de l’animal sont semblables à des testicules.
Si ma vie sentimentale était plus stable, ça ne m’arriverait pas. Je n’enchaînerais pas les biopsies, les IRM, les scanners, les cancers, les chimiothérapies, les radiothérapies, les soins palliatifs, les décès et les enterrements qui s’ensuivent. J’ai eu aussi deux Alzheimer et un AVC. Mais les fils m’ont plaquée avant la mort de leurs parents. J’ai le sentiment de revivre toujours la même histoire, Dr Mandelbaum. C’est à vous décourager d’entreprendre une nouvelle relation. Si j’ai la chance de mettre la main sur un type de mon âge et pas un grabataire, c’est désormais le récit d’un demi-siècle de son existence que je serai obligée d’écouter en faisant semblant de m’intéresser et un demi-siècle de la mienne que je devrai lui raconter en faisant des efforts pour l’ennoblir, Sans manquer de remarquer que le type fait lui aussi semblant de s’intéresser. Je suis par avance épuisée de cet éternel jeu de dupes. Je ne suis pas certaine d’avoir envie de remettre le couvert avec un autre. Puisqu’on aborde le sujet délicat de la sexualité, je dois vous confesser qu’auparavant je me demandais si le mauvais coup c’était moi. Maintenant, Dr Mandelbaum, grâce à vous, je sais que ce sont les autres. Confiance, confiance, confiance. Et estime de soi. Le mantra de l’épanouissement personnel. J’ouvre mes chakras et je baise. Sûre de moi. Je baise !!!
— Moi aussi, ça m’arrive de parler tout seul.
— Vous m’avez fait peur!
— Désolé. Vous avez l’air soucieuse. Des fois, ça fait du bien de parler à quelqu’un. Avec moi, vous pouvez en toute confiance. Je sais garder les secrets. Je serai muet comme une tombe. Ha, ha, ha! Blague à part, je répare une sépulture, là-bas, derrière le gros if. Pierre. Je suis marbrier. Spécialiste des pierres tombales. Pierre, pierre. Vous avez compris ? Blague à part, dans la famille, on a ça dans le sang, Ma sœur est décoratrice sur cierge.
— Vous m’en direz tant. Si ça ne vous dérange pas, j’aimerais rester seule pour me recueillir. Pas de souci. Moi, je ne fais pas les Juifs. Qu’est-ce que vous voulez dire ?
— C’est les tombes juives ici. C’est des gros radins les youpins. Je ne gagnerais pas ma vie si je faisais du business avec eux. Pas d’offense. Vous êtes peut-être juive. Ce sont vos parents là ?
— Pas du tout. Excusez-moi. Un instant. Ça doit être un message de mon psy. Cochonneries de gants !
— Laissez-moi vous aider.
— Je vais me débrouiller, merci.
— Comme vous voulez.
— Ça alors! Il est têtu! Il insiste ! Je ne peux pas lui donner d’argent. Je pensais qu’il allait me remercier de m’être déplacée pour le lui dire, me soulager de ma culpabilité en m’écrivant que trente mille euros, là où il est, il n’en a pas besoin.
— Il est où ?
— Là, devant vous.
— Vous rigolez ! Vous recevez des messages de votre psy mort !? Faites voir.
— Certainement pas. C’est privé.
— C’est sûrement des fakes.
— Des quoi ?
— Quelqu’un a piraté ses contacts et vous envoie des messages bidon. Faites voir. C’est bien ce que je vous disais! L’adresse est bidon! C’est un fake! J’ai fini mon travail. Ça vous dirait qu’on aille boire un café ? On pourra discuter au chaud. Et puis on ne va pas embêter votre psy plus longtemps. Il doit y avoir la queue dans sa salle d’attente. Ha, ha, ha! Blague à part, ça vous dit ?
— Non, merci. J’aimerais rester seule.
— C’est bon. J’ai compris. De toute façon, si vous croyez que je n’ai rien de mieux à faire que de fréquenter quelqu’un qui croit que son psy mort lui envoie des messages. Salut et bon vent!
D’où il sortait celui-là, Dr Mandelbaum ?! J’attire toujours les emmerdeurs. Un connard qui se croit drôle. Avec son mètre soixante et sa calvitie, il aurait fallu me payer pour aller boire un café avec lui. Ta sœur, elle peut se les fourrer où je pense ses cierges, Ducon! Pardonnez mon langage, Dr Mandelbaum. J’ai plus urgent à faire que de perdre mon temps avec des types dans son genre. Tic-tac, les aiguilles tournent et je ne rajeunis pas. En plus, les barbus ça ne m’a jamais excitée. « Sale antisémite barbu!» Voilà ce que j’aurais dû lui balancer si j’étais un peu moins dans le contrôle. Mais mon surmoi ne me lâche pas. Vous et moi en sommes conscients. Je vous en veux d’être mort avant d’avoir résolu tous mes problèmes. Vous m’avez abandonnée, pantelante, avec mon mal de vivre. Je vous le dis franchement, j’aurais préféré ne pas naître. D’ailleurs, si les nazis avaient bien fait leur boulot, je ne serais pas entrain de mourir de froid sur votre tombe en vous racontant ma triste vie. Mon père aurait été exterminé avant de me concevoir. Fake ou pas fake, moi je m’en fiche. Vous savez, Dr Mandelbaum, que vous avez devant vous une championne de l’imposture. Madeleine Jacquemain, ça sonne quand même plus français et catholique que Madeleine Jakubowicz. Puisque je suis fille unique et que je ne me suis pas reproduite, ma mort signera l’extinction de notre nom. Je suis la dernière de la lignée, le bout de la chaîne. Pour notre famille, la Solution finale a réussi avec effet retard. Après moi, plus de Jakubowicz! N’allez pas chercher un quelconque choc post-traumatique qui m’aurait privée du désir d’enfanter, une classique névrose transgénérationnelle, un bagage trop lourd à porter transmis de père en fille. Ou peut-être que si. Il faudra qu’on en reparle à l’occasion.
J’ai grandi dans le mensonge, Dr Mandelbaum. Vous m’avez aidée à en prendre conscience. Raser les murs, ne pas faire de vagues. Ne jamais avouer si un professeur ou un copain de classe enquête sur mes origines. Si ça arrive, garder mon sang-froid. Pour améliorer l’accent de vérité, imaginer que c’est la Gestapo et pas Cyril qui veut savoir si je suis juive. Sauf que Cyril a sept ans et qu’il s’en fout de la religion! Il n’y connaît rien en Dieu. Ce qui le désespère, Cyril, c’est que je viens de lui rafler toutes ses billes à la récré grâce à mes tirs de haute précision. Voilà son vrai problème. Voilà son traumatisme! Savoir que les nazis ont mal fait leur boulot, c’est le cadet de ses soucis à Cyril, sept ans! « Rase les murs, n’avoue jamais. Surtout mens ! Dis que tu es athée ou catholique. » J’en ai soupé, Dr Mandelbaum, de la rengaine matinale paternelle avant de partir à l’école. Ne vaudrait-il pas mieux que je sois dans le déni plutôt que dans le mensonge ? Mentir, c’est usant. Imaginer des histoires, affabuler, se souvenir des détails pour ne pas se couper, etc. Tandis que le déni, c’est indolore. On ne se rend compte de rien. Je trouve ça beaucoup plus reposant, ne vous en déplaise. Un instant… J’ai bien entendu. C’est après moi que quelqu’un en a. Un type me siffle. Ça fait longtemps que ça ne m’était pas arrivé.
— Madame, on va fermer. Veuillez vous diriger vers la sortie.
«Madame »? Pourtant, malgré mes cheveux gris, certains hommes m’appellent encore mademoiselle. Le poissonnier qui me coupe les têtes sur le billot au Monoprix, M. Sanchez, le gardien qui sort les poubelles, le type à scooter qui relève le monnayeur à la laverie automatique parce que ma machine a lâché depuis plusieurs mois. Je suis certaine que j’en oublie. »
Extraits
« Ça ne m’avait pas échappé, Dr Mandelbaum. C’était toujours sur le point de vous quitter, à la fin de chacune de nos séances, que je vous disais les choses les plus importantes. Vous avez remarqué ? Les gens se disent toujours les choses les plus importantes sur le pas de la porte, avant de se dire au revoir, la main sur la poignée, prêts à partir ? Ils se ravisent et demeurent là, toute honte bue, toute gêne effacée, à se dire l’essentiel. Une fois encore, à l’instant de vous quitter, le cimetière va fermer, j’hésite. Je me demande pourquoi je viens de vous raconter l’histoire de Myriam et de Colette. Au fond, ce que je voulais, c’était vous parler de ma mère. Nous y voilà, Dr Mandelbaum! Allez-y, vous pouvez jubiler. Je voulais vous parler de la conversation que je viens d’avoir avec elle, des sentiments que j’éprouve à son égard, de son manque de… » p. 29
« À mon âge, qui espérer pour étancher ma soif d’affection, de tendresse, d’amour et de sexualité ? Quelqu’un comme Simon? Je peux toujours rêver. Plus sérieusement ? Les veufs, les divorcés, les vieux, les types mariés, les alcooliques, les suicidaires, les mineurs non accompagnés issus d’Afrique subsaharienne ou d’Asie centrale… Ceux qui cumulent. J’ai déjà couché avec un vieux. Un veuf. Parfait sur le papier. Mais en comparaison avec son épouse modèle, reposant en paix, c’était perdu d’avance. Je n’ai pas fait le poids. Il m’a larguée avant son premier accident cardio-vasculaire. Un vieux, ça a toujours un pet de travers. Une courbature, un mal partout. Je me demande ce que j’ai si ça se trouve c’est un cancer oh non pas déjà ça y est je suis fichu je vais crever je n’ai plus qu’à me foutre en l’air pour m’éviter une lente agonie. Le vieux plombe l’ambiance. Le pire, ce n’est pas la maladie ou la mort, c’est l’allongement de la durée de vie. C’est voir à l’horizon se profiler son veuvage aussi évanescent qu’un mirage. Et subir à toute heure du jour et de la nuit le râle du vieux. Car il met très rarement à exécution le projet d’attenter à ses jours pour abréger ses souffrances. Il s’accroche à sa vie, si minable soit-elle. I] constitue donc l’ultime option. Je ne la conseille pas à mes amies, qui, comme moi, ont atteint l’âge de la ménopause. Pour celles qui s’en sentent capables, je suggère les femmes. Pour moi c’est foutu. Mon truc, c’est les bites. » p. 49
À propos de l’autrice
Laure Naimski © Photo Raphaël Gaillarde
Née en région parisienne, Laure Naimski, après des études musicales, d’histoire et de journalisme, se consacre à l’écriture de fiction et collabore à Arte. Son premier roman, En kit, a été publié chez Belfond en 2014. Suivi de La Guerre en soi, en 2019 chez le même éditeur. (Source : Éditions Héliopoles)
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