Titre : La poussière des souvenirs
Auteur : Susanne Abel
Édition : Charleston poche
Genre : Historique
Pages : 575
Parution : 13 janvier 2025
Depuis que Greta montre des signes de sénilité, Tom découvre chez sa mère une douceur inhabituelle : elle lui raconte son enfance en Prusse orientale, sa fuite vers l’ouest à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et son premier grand amour avec un soldat afro-américain. Mais quand elle lui pose des questions sur une sœur dont il n’a jamais entendu parler, Tom se rend compte qu’il ne connaît qu’une infime partie de la vie de celle qui l’a élevé.
Avec une tension narrative haletante et une plume tout en émotion, Susanne Abel lève le voile sur le sort des bébés biraciaux nés de l’occupation américaine en Allemagne.
Merci Charleston
Ce livre est le second livre que je lis du Prix Charleston Poche 2025 (section étrangère).
Quand j’ai lu le résumé de ce livre, il m’a tout de suite intrigué, c’est un des livres de la sélection du prix Charleston qui m’intriguait le plus.
Ce livre est une histoire à double temporalité comme la plupart des livres historiques. Souvent, j’ai une préférence pour l’une ou l’autre des périodes, mais ici, je dois dire que les deux sont parfaitement équilibrés et intéressantes.
Un Afro-Américain au milieu d’une famille allemande, si peu de temps après les délires des nazis sur la race, c’est fou !
Le présent se déroule en 2015/2016, Tom est présentateur pour un journal télévisé allemand. Plutôt connu et reconnu, il n’est pourtant pas quelqu’un de très appréciable dans la sphère privée, même avec ses collègues. Plutôt égoïste et très arrogant, il n’est pas entouré et se retrouve seul dans son grand appartement qui ressemble à un appartement témoin. Mais tout va changer quand on va l’appeler pour lui dire que Greta, sa mère, a été retrouvée à des centaines de kilomètres de son domicile, très confuse. Tom va devoir faire face à la réalité, sa mère est atteinte de démence, il n’avait rien vu, mais là, il ne peut plus faire comme si de rien n’était… Mais surtout, en s’occupant un peu plus de sa mère, il ne s’attendait pas à découvrir son secret qui va bouleverser sa vie…
Dans le passé, nous suivons bien entendu l’histoire de Greta, de 1939 à 1953. Greta vit avec sa famille en Prusse. Nous suivons donc la Seconde Guerre mondiale du point de vue allemand, les perdants finalement. Surtout qu’une bonne partie de l’histoire se déroule dans une Allemagne occupée d’abord par les Russes, qui ont fait fuir la famille de Greta vers l’Allemagne. Puis pars les soldats américains. C’est une partie de l’histoire que je ne connaissais pas du tout. Il faut avoir le cœur accroché pour lire tout ce que la petite Greta et sa famille ont vécu. Il y a tellement de choses dans cette partie de l’histoire, j’ai eu le cœur serré et les larmes aux yeux face à toutes ses horreurs, les difficultés de la vie et le racisme.
Le point fort de ce livre est justement la vision allemande de l’histoire de l’après-guerre. Je n’avais aucune idée de ce que certains Allemands avaient pu vivre. D’ailleurs, l’autrice évoque l’endoctrinement Hitlérien dès le plus jeune âge. La petite Greta n’a même pas dix ans qu’on lui vente les mérites de Hitler. Heureusement, en grandissant, elle va se rendre compte que ce qu’il prône n’a rien d’idéal. Mais surtout, avec l’histoire de Greta, l’autrice nous parle des « brown baby » ces enfants nés d’une mère allemande et d’un père afro-américains. Un problème pour la société allemande de l’époque qui les rejette. Des enfants séparés de leurs familles à cause de leur couleur de peau. Je n’ai jamais entendu parler de ça, ni même du racisme parmi les soldats américains. Je n’ai jamais entendu parler de ces G.I. afro-américains qu’on n’a pas tout de suite envoyés au front pour qu’ils ne deviennent pas des héros noirs… Je connaissais bien sûr la ségrégation raciale américaine dans les années 50, mais je n’avais jamais fait le lien avec les soldats pendant la Seconde Guerre mondiale…
L’histoire de Greta et Marie m’a bouleversé, m’a arraché des larmes, c’est tellement dure ce genre de chose, l’humanité est parfois vraiment horrible… Heureusement, l’autrice a compensé toute cette méchanceté humaine par des personnages réellement bons et attachants. Ludwig et Gusta, les grands-parents de Greta, sont des gens formidables, ouverts et profondément bons. Dans le présent aussi d’ailleurs, il y a de fantastiques personnages comme Helga et Jenny. Ces personnages secondaires apportent, je trouve, énormément de douceur à l’histoire.
Et puis cette histoire d’amour, celle de Greta et Bob, qui n’ont jamais cessé de s’aimer alors que tous les séparaient. Ils m’ont réellement touché, la vie a été cruelle avec eux…
Il y a vraiment beaucoup de sujets abordés dans ce livre, dans le passé, la vie des réfugiés allemands, ceux qu’ils ont traversés pendant leur fuite, l’après, la vie sous l’occupation, le rationnement, les hivers difficiles et le peu de moyens qu’ils avaient. Les relations entre G.I. et Allemandes, dans cette histoire principalement une relation entre un G.I. noir et une allemande avec ses conséquences dramatiques et j’en oublie sûrement… Dans le présent, l’autrice nous confronte à la maladie, plus précisément à la démence sénile avec Alzheimer. Mais aussi à la transmission transgénérationnelle des traumatismes (sujet passionnant que je ne connaissais pas).
Ce livre fait presque 600 pages, mais à aucun moment, je ne me suis ennuyé, j’ai dévoré cette lecture, quand je n’avais pas le livre en main, il restait là, dans un coin de ma tête…
Greta opina machinalement. « Contente », elle ne savait pas ce que c’était. Elle mangeait parce qu’il était d’usage de manger. Son corps et son cœur étaient engourdis.
La poussière des souvenirs va me rester dans la tête un bon moment. Un énorme coup de cœur pour moi, il m’a réellement bouleversé. Une histoire à double temporalité, très bien menée, j’ai autant aimé le présent que le passé. Une histoire originale sur un point de vue que je n’ai encore jamais lu, celui « des perdants » de la Seconde Guerre mondiale. Ces Allemands qui ont dû fuir de chez eux, qui ont vu et vécu des choses atroces. Ces mêmes allemands qui devaient vivre dans leurs pays sous l’occupation de l’armée américaine. Cette histoire, c’est surtout l’histoire des Brown Babies, ces bébés nés d’une mère Allemandes et d’un G.I. afro-américain. Ces bébés dont aucun pays ne voulaient vraiment, surtout pas l’Allemagne. Dans cette histoire, il est également question de racisme et de ségrégation raciale au sein même de l’armée américaine. J’ai appris tellement de choses dans cette histoire que je n’aurais jamais imaginé. Des héros vraiment attachants, j’ai ressenti leurs émotions, j’ai eu le cœur serré et les larmes aux yeux face à ce qu’ils vivaient. C’est pour moi une histoire marquante et bouleversante qu’on devrait tous lire. C’est un livre qui va me rester en tête un bon moment tant cette histoire m’a prise au cœur…