Parfois l’homme

Lauréat du Prix Première RTBF du premier roman

Babelio 
RTS (Nicolas Julliard) 
RTBF (Nadine Wergifosse) 
Revue Etudes (Marie Goudot) 
Cult.News (Julien Coquet) 
Karoo (Victor Raynaud) 
Perluète 

Les premières pages du livre
« I
Où l’homme pousse un premier cri, découvre son prénom, commence éventuellement à se poser quelques questions essentielles, et grandit. Naturellement. Vaille que vaille.

[001]
L’homme naît dans une pièce à carreaux de faïence, à l’éclairage brut au néon, sa mère jambes écartées dans la position la moins pudique qui soit, le père la main broyée au rythme des contractions et dans l’autre un caméscope, un téléphone, un appareil pour immortaliser l’événement parce qu’il faut garder une trace et trouver quelque chose à faire, quand on est le père. On effacera finalement les images : personne n’est à son avantage dans ces moments-là. Ça crie, ça pleure, ça griffe…
On regrette d’avoir refusé la péridurale pour vivre pleinement le moment. On réclame la péridurale, mais il est trop tard. Il faut bien naître et que les choses commencent quelque part, dans l’odeur de l’eau oxygénée, de la sueur, et les hurlements des sages-femmes à la recherche dans les couloirs de l’obstétricien en chef qui pourrait démêler une situation plus complexe que prévu. Il arriverait en short, une partie de tennis interrompue, en smoking, exfiltré d’un cocktail, en porte-jarretelles, mais ce serait plus rare et difficile à expliquer. Parfois, l’homme naît dans l’ambulance appelée trop tard, au bord de l’autoroute, dans le salon, la salle de bains, la chambre à coucher, à bord d’un avion, dans un bus et plus rarement dans un cabanon de plage.
Elle avait déjà perdu les eaux à leur arrivée. Par chance tout se sera bien passé, pas de difficulté particulière. D’ailleurs, pendant des siècles, c’est ainsi qu’on est né et l’humanité ne s’en est pas portée plus mal. L’homme, quoi qu’il en soit, ne s’en souvient pas, et l’on peut lui raconter ce qu’on veut, forger les légendes familiales, dire la difficulté d’une naissance par le siège, d’une césarienne inopinée ou d’un cordon autour du cou. Un visage violacé, un premier cri, un massage cardiaque, des semaines en couveuse. Son petit corps peau contre peau, et la recherche réflexe, avide, du sein. Il commence à se passer quelque chose et s’il crie toutes les nuits les premières semaines provoquant chez ses parents une hébétude profonde, c’est à cause d’une clavicule cassée au passage du col de l’utérus. L’homme naît, et on en fait déjà toute une histoire, on choisit dans la liste de naissance le landau, la girafe en caoutchouc, la collection de bavoirs assortis, la grenouillère mauve. Les grands-parents investissent dans une poussette hors de prix et les bonnes copines offrent à la maman un week-end au spa, pour un peu plus tard, quand elle commencera à voir le jour, mais elle ne verra plus le jour pendant une bonne vingtaine d’années, et ça, il n’y a personne pour le lui dire. Le temps qu’elle comprenne, le spa aura fait faillite.

[002]
L’homme a un prénom, et même plusieurs. Trois dans les bonnes familles : le parrain pressenti, un grand-père. C’est l’inscription déjà de l’histoire familiale. On crée des traits en gras sur les arbres généalogiques. On souligne des rapports, on tisse des liens, on préserve des équilibres. On s’inscrit dans une continuité ou l’on brise une malédiction. On repart d’une page blanche ou l’on ajoute un chapitre. On s’inscrit dans une époque.
Il y a eu des tractations, il a fallu se mettre d’accord, on a dû composer avec les prénoms déjà pris par les neveux, pas celui de l’amoureux de la maman à l’école primaire, pas celui de ce flirt au Camping des Mimosas. Il embrassait bien, mais impossible d’associer à la maternité le souvenir de cette main glissée pour la première fois sous le T-shirt pendant le feu d’artifice du 14 juillet.
Le cœur qui bat la chamade, pas que le cœur… Qu’importe si ce prénom est celui du grand-père paternel aux palmes académiques, c’est déjà assez gênant comme ça. Non. On a posé le doigt au hasard sur le calendrier des postes. On a acheté un livre spécialisé. Pour mettre toutes les chances du côté de l’enfant, on a regardé quels prénoms étaient prédestinés aux études supérieures. On a regardé du côté des ésotérismes le caractère des uns et des autres, selon le calendrier maya, la position des étoiles, le sens du vent. On a cherché le prénom qui ferait un être doux mais solide, confiant et à l’écoute, bienveillant, empathique…
On a trouvé plus d’adjectifs que de prénoms. On s’est plongé dans l’étymologie, dans la vie des saints, dans les patronymes cherokees ; on s’est penché sur les races d’oiseaux exotiques, dans les statistiques annuelles. On a fait des listes, raccourci des listes, ajouté des possibilités. On n’a pas répondu à la question.
Alors, vous avez décidé pour le prénom ? On a dit non. Puis pour couper court, on a donné un prénom absurde de cinq syllabes que personne n’a porté depuis le XIIIe siècle, avec le plus grand sérieux. On a lu une incrédulité gênée dans les regards. On a passé de longues minutes à faire tourner un présentoir de bols bretons, lors d’un week-end de l’Ascension pluvieux à Perros-Guirec. On a regardé jusqu’au bout des génériques à la recherche d’une idée originale. On a encore réduit et rallongé la liste, rallongé et réduit et réduit et il n’en est finalement resté que deux.
Le préféré du père, le coup de cœur de la mère. Une épreuve de force. Un tirage à pile ou face. Forcément, une fêlure à venir : un gagnant et un perdant, une rupture d’équilibre. Parfois le miracle se produit : le père et la mère n’ont qu’un prénom en tête, un prénom porté par personne, ou par un aïeul à ce point recommandable qu’on lui doit bien cet hommage. Ils sont d’accord, il n’y a pas de recherche, pas de discussion. Le prénom s’impose de lui-même, et ce sera ensuite celui de chacun des grands-pères, des grands frères. Ou la mère, encore émue par cette main sous ce T-shirt, voudra donner ce nom de prime adolescence à son premier garçon, comme un acte d’amour et le père jamais n’en saura rien. On ne raconte pas tout aux enfants, et ils ne savent pas vraiment comment ils ont été baptisés. Quel dommage : si ça avait été une fille, on n’aurait eu aucun mal à trouver. On a toujours su comment on voulait appeler une fille.

[003]
L’homme aura entendu cent fois l’histoire de sa naissance.
Où, quand, comment. L’heure à la minute près, la météo du jour, ce que faisait le père au moment où le téléphone a sonné pour lui demander de venir, oui, maintenant, ça ne peut pas attendre…
Le père injoignable, le père inconnu. Le père inquiet qui était déjà là. La deuxième mère. Les deux pères présents pour l’accouchement. Les reconfigurations familiales, les originalités, les banalités. Il y a des anecdotes amusantes. Des pères qui perdent connaissance. D’autres moins amusantes, des abandons.
L’homme a déjà à sa disposition une multiplicité quasi infinie de démarrages possibles. La genèse s’inscrit dans le sang, les chansons, la joie, les larmes. L’homme aurait dû avoir deux bras, deux jambes, il aurait dû respirer plus vite. On fait face, on fait avec ce qu’on a. Les malformations, les gènes en plus, les sens en moins. On ne choisit pas vraiment. Statistiquement, l’homme est en pleine santé, vigoureux, paré pour la suite, fonctionnel.
Mais l’homme est déjà aléatoire, forcément différent, unique. Facétieux. Farceur. Surprenant. Blond, brun ou édenté. Il a l’œil vitreux, le pied bot, le nez camus, l’espoir chevillé au corps.
Il est de toutes les couleurs possibles, et d’autres qu’on n’a jamais observées. L’homme se voit doté d’un bonnet en coton et d’un pyjama neuf à fines rayures bleues. Il a au poignet un bracelet en plastique avec les prénoms choisis, le patronyme et diverses informations connexes relatives à son identité, peut-être à son état de santé. On le laisse sucer son pouce comme il faisait dans le ventre de sa mère ou lui colle un morceau de plastique dans la bouche dont il n’arrivera bientôt plus à se passer. L’homme tète, cherche la chaleur, les sourires, les regards et tout ce qu’il peut glisser dans sa bouche. On évitera de laisser traîner les bouchons de stylo à sa proximité, comme les billes en terre cuite, les boulons de douze, les noix de cajou, les gélules de Xanax. On met toutes les chances de son côté. Il est laid, la tête déformée par les forceps. On lui trouve une ressemblance indubitable avec son arrière-grand-père, un cousin, le facteur.
Vu de près, il est globuleux, ovoïde, squameux. On s’extasie. Ses parents n’osent pas le trouver hideux. Le médecin leur dit que la chose retrouvera forme humaine en quelques jours. Un beau bébé joufflu en pleine santé apparaîtra bientôt. Le père et la mère ont confiance. Tout va bien se passer. Leurs inquiétudes ne font que commencer. Techniquement, l’homme n’en est pas encore un. C’est un garçon. Et encore…

[004]
Plus rarement on lui aura expliqué pourquoi. Le pourquoi de son avènement. L’envie d’enfant. L’accident. La fatalité. La concrétisation de l’amour. C’était à l’arrière d’un pick-up, le soir du bal de fin d’année, on avait un peu bu, on n’a pas pris nos précautions… Par décence, on reste le plus souvent à la sur- face des choses, on épargne à l’assemblée un certain nombre de détails physiologiques. Et l’on passe rapidement de la question de savoir pourquoi on a voulu un enfant à la question générale et définitive : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?
Là, ça se corse. On plonge le petit doigt dans des philosophes aux noms imprononçables et aux phrases alambiquées. On les repose très vite sur l’étagère de la bibliothèque municipale.
On invente un dieu. On s’en remet au destin. L’homme est né. On prie. On fait ses ablutions, on partage le pain, la parole d’un prophète, d’un apôtre, d’un rabbin, les rites divers, on ne mange pas ceci ou cela, on ne fait pas les gestes interdits, on se trouve des raisons de se réjouir, de s’en vouloir, de se repentir. On porte tous les péchés du monde, et l’homme qui vient de naître n’en est qu’un de plus. Il vaut mieux ne pas savoir pourquoi. Des millénaires d’abêtissement sur les épaules d’un
seul nouveau-né. Obscurantisme héréditaire. Psalmodies insensées. Traductions approximatives. Commentaires extravagants. On se flagelle en public, on marche sur des braises, on dort sur des planches cloutées, on se roule dans la glace pilée.
On élève des croix, on détruit des statues. On se rase, on laisse tout pousser, on se couvre, on se découvre, on réfute. Il faudra rendre grâce. Et même si on lui explique pourquoi on a voulu un enfant, la réponse à la question est rarement satisfaisante.
Rien n’empêche de la remettre en cause. On sait le bazar de la course aux spermatozoïdes, la chance qu’il a fallu pour que se mélangent ces chromosomes-là et pas d’autres, et ce qu’il y a de hasard dans l’affaire. Et de chimie. La volonté de Dieu, on vous dit ! L’homme est trop petit pour en avoir la moindre idée, et même plus tard… Mais n’anticipons pas. L’homme ne sait globalement pas pourquoi il est là sinon pour trouver du lait, dormir, et pousser des cris stridents qui attirent l’attention et vrillent les tympans. Il n’est même pas capable de se redresser : cela lui prendra un temps fou alors que le moindre quadrupède gambade dès la première goulée d’air pour échapper à des prédateurs maladroits qui le regardent s’éloigner en salivant.
L’homme est ridicule. Il l’ignore d’autant plus qu’on le trouve formidable sans qu’il ait encore rien fait de mémorable et qu’on le couvre de cadeaux inutiles. La chance encore : il aurait pu naître ailleurs où une bouche à nourrir de plus est une malédiction. L’homme est un enfant roi. À peine sa couche pleine, on la lui change. À son premier cri, on le nourrit. Il renifle ?
On s’inquiète. Il cligne de l’œil ? On s’esbaudit. Il met enfin son pied dans sa bouche ? On crie au génie. On le berce pour qu’il s’endorme. On choisit la meilleure crème hydratante pour ses rougeurs. Et cela va durer. C’est à se demander pourquoi cela devrait cesser.

[005]
L’homme passe les premières semaines de son développement à se développer. On ne peut en attendre davantage. C’est une attention de tous les instants. Il grandit comme jamais. Chaque jour, il diffère de la veille. Ses parents ne le lâchent pas des yeux. Il mue, il mute, il se transforme en quelque chose d’assez pré- visible mais le processus n’en semble pas moins miraculeux.
Incapable de prononcer un mot, il sera bientôt volubile au point de demander qu’on augmente son argent de poche et qu’on lui offre un deux-roues motorisé. C’est un mystère. Il crache un soir sa purée d’épinards sur les murs de la cuisine et se lève le lendemain pour aller chercher un kebab au coin de la rue parce que les haricots verts, il n’en veut plus. Pourtant, il y a eu des étapes, on le sait bien. Mais tout va tellement vite. Profitez-en, disent les oncles et les tantes aux parents épuisés. Ils n’en peuvent plus.
L’enfant fait n’importe quoi. Il n’écoute personne. Il répond non quoi qu’on lui dise, quoi qu’on lui demande. C’est non. Pour la promenade, ranger sa chambre, mettre un pantalon, embrasser sa grand-mère. Il faut dire qu’elle pique un peu, mais il pourrait faire un effort. Non. Non. Non. On essaye de le piéger avec des doubles négations pour qu’il accepte malgré lui : « Tu es sûr que tu ne veux pas refuser de ne pas vouloir de ratatouille ? » Non ! Mais l’on n’a aucune idée de ce qu’on lui a demandé. On n’est pas du tout avancé. On finit en pleurant son assiette de ratatouille froide alors qu’il s’enfuit à quatre pattes dans le couloir, laissant derrière lui des traces de purée d’aubergines : on n’a de toute façon plus d’énergie pour préparer autre chose. Le parent doit encore lire une histoire, chanter une chanson, retrouver le doudou caché derrière la machine à laver la vaisselle. Chanter une chanson. Lire une histoire. Faire un câlin. Un bisou. Éteindre la grande lumière. Allumer la petite. Fermer, non, entrouvrir la porte de la chambre. Remonter les draps. Ramasser la tétine. Ah, mais on avait dit : pas de tétine, jamais… Mais le parent a craqué après trois nuits sans sommeil. Fermer la porte. Ouvrir la fenêtre. Vérifier que l’enfant respire. Lui donner à boire un peu d’eau. Chanter une chanson.
Changer la couche. Recommencer. Vérifier que le doudou respire. Éteindre la fenêtre. Fermer la tétine.

[006]
L’homme n’a pas toujours une enfance heureuse, des parents aimants, un toit au-dessus de sa tête. Les circonstances de son arrivée au monde ne sont pas idéales. Rarement abandonné dans une poubelle à la naissance, il doit cependant éviter le congélateur, les secousses à répétition, les coups dans l’abdomen, les rites sataniques. Il arrive qu’il soit enfermé à la cave des années durant avec toute sa fratrie, qu’il dorme sur un vieux chiffon mité, attaché à une tuyauterie rouillée, et qu’affamé il lèche de désespoir des peintures au plomb qui se détachent en lambeaux d’un mur attaqué par le salpêtre. Sa croissance est mise à mal faute de vitamines, d’oligo-éléments, de purée de carottes et de protéines. Il mesure la moitié de la taille d’un enfant de son âge, pèse moins qu’un souffle d’air glacial dans un palais abandonné. Les pupilles dilatées, il ne verra la lumière du soleil qu’au bout de dix ou quinze ans, alors que sa grande sœur aura déjà accouché d’un de ses demi-frères et que le FBI aura enfin repéré cette étrange famille dont les habitants des maisons les plus proches n’avaient pas remarqué le comportement suspect. C’étaient des voisins discrets, mais charmants, toujours prêts à rendre service. L’homme peut arriver au monde directement dans la rubrique des faits divers. La probabilité d’un tel démarrage dans la vie est néanmoins inversement proportionnelle à la place que de telles histoires tiennent dans les
médias. C’est rassurant.

[007]
Plus souvent, l’homme est choyé. Les premières années de sa vie sont un paradis qu’il perd peu à peu. Il a fait ses dents, appris à s’asseoir sur le pot, à se tenir sur deux jambes puis à sauter à cloche-pied. Il rit de bon cœur et dessine des arcs-en-ciel, des bonshommes, des maisons bleues. L’homme fait connaissance avec le système scolaire. Sa maîtresse est un modèle de patience et de droiture, toute à sa mission, juste, et presque tendre. Il doit apprendre à lire. Tandis que les quadrupèdes n’ont guère progressé, l’homme assoit sa supériorité sur le monde en déchiffrant des histoires édifiantes. Toto a perdu son doudou. Toto va à la plage. Toto fait du vélo. Toto, l’homme l’a bien compris, c’est lui. Toto a des amis, une école, des parents, et dans une des histoires, une petite sœur. L’homme lit les belles histoires de Toto. Toto porte parfois un autre nom. C’est un renardeau, une tortue, un écureuil ou un ourson un peu balourd. Il en existe de multiples versions. Toto est même de temps à autre un petit garçon. L’homme adore ces histoires que sa maman lui lisait jusque-là, le soir, lumière tamisée, mélodie aigrelette d’une boîte à musique mécanique. Passé l’euphorie des premiers mots déchiffrés, l’homme sent venir l’arnaque, le piège, la roulade dans la farine. Qu’il se débrouille maintenant : le soir, il est seul. Plus personne pour lui lire une histoire. L’homme compense sa solitude en se plongeant dans des volumes de plus en plus complexes, de plus en plus épais.
Il a perdu la chaleur de sa mère, leurs rires complices, sa main dans ses cheveux. Il gagne les tours du monde, les aventures, les expéditions, les trésors pirates, les îles désertes, les voyages en ballon, les batailles épiques, les quêtes, les voyages initiatiques, les premières romances. Toto lui paraît rapidement ridicule.
Toute la magie du monde est là, dans sa bibliothèque, et il lit jusqu’au milieu de la nuit, une lampe torche allumée sous ses couvertures, alors que la maison dort depuis longtemps.
L’homme est un chevalier, un aventurier, un gentleman cambrioleur, un évadé, un cow-boy à moustache, un explorateur des pôles, un constructeur d’aqueducs, un prince afghan en résidence dans les Vosges, un chercheur d’or du dimanche. Il résout des mystères, évite des pièges, dénoue des intrigues insolubles, trouve des coupables. Toto est loin. L’homme est plongé dans des tempêtes tropicales, des avalanches, des tsunamis. Il voyage sur la Lune ou dans un bathyscaphe. Sa mère lui manque moins. »

Extraits
« Il garde parfois contre lui un livre de poche corné, gondolé, trouvé dans un carton sur un trottoir. C’est un roman de Saint-Exupéry, c’est Le Lion de Kessel, c’est Hemingway, c’est de l’espoir et il peaufine son français mot après mot, phrase après phrase. Il s’accroche, il s’émerveille, il vole des piles pour lire la nuit à la lumière forcément chancelante d’une lampe torche de fortune. Plongé dans la lecture, il oublie parfois la faim, le froid et la fatigue. Il est sur les crêtes des montagnes espagnoles, ou dans les airs ou la savane. Il a le fusil à la main, il repousse des ennemis, il sent la chaleur des vents de sable du Sahara qui remontent sur l’Europe. Il croise une femme et son cœur chavire. Il part à la recherche d’un trésor et rentre chez lui ruiné. Il échoue sur une ile déserte, à moitié noyé, mais s’en sort. Il enquête, il cambriole, il fait justice, il part à la conquête de l’espace. L’homme ne sait pas encore que les livres sont en train de le sauver. » p. 40

« L’homme s’exerce à ne rien faire. Il reste assis. Il attend. Il ne s’ennuie pas. Le temps passe. Qu’il l’occupe ou non n’y change rien. L’homme est seul et il attend. Une heure, ou deux. Il attend qu’il soit l’heure. Il pourrait lire, regarder un film. Il pourrait s’activer. Repeindre une fenêtre. Régler un problème administratif. Répondre à un courrier. Il pourrait agir comme tant d’autres le font. Ou s’ennuyer. Il ne s’ennuie pas. Il pourrait méditer. Il ne médite pas. Il ne cherche pas à s’occuper. Simplement le temps passe et il aura plus tard quelque chose à faire. Il doit parfois donner le change. L’homme est intimement persuadé que faire quelque chose plutôt que rien n’a pas vraiment d’importance. D’ailleurs, si la plupart des gens se contentaient de ne rien faire, le monde n’irait pas beaucoup plus mal. C’est pourtant ce qu’on lui demande : ce qu’il fait, ce qu il a fait de sa journée, de sa semaine, de son week-end. Ce qu’il a prévu. Quels sont ses projets. Mourir. Mourir lui semble le seul projet sûr. Et il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre, s’asseoir et attendre. Ça viendra. Ce n’est pas une dépression : il n’y a rien de triste. Pas de larmes, pas la moindre pression, pas de difficulté. L’homme attend son heure. Il pourvoit à ses besoins essentiels. Il dort, se lave, mange même. » p. 128

À propos de l’auteur

Sébastien Bailly © Photo DR

Sébastien Bailly est né près de Paris et a grandi à Rouen, où il vieillit maintenant. Ancien journaliste, il a notamment travaillé pour Ouest-France, Télérama et Libération, et est aujourd’hui formateur en communication. Admirateur de Perec, on lui doit d’avoir trouvé l’unique « e » qui s’était glissé par erreur dans une réédition de La Disparition. Il a écrit plusieurs ouvrages dont un essai, Les Zeugmes au plat (Mille et une nuits, 2011) préfacé par Hervé Le Tellier. Parfois l’homme est son premier roman. (Source : Éditions Le Tripode) 

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