
En deux mots
Blanche est inconsolable de la perte de Pierre, son mari inhumé à Neuilly. Aussi se rend-elle régulièrement sur sa tombe pour évoquer leurs souvenirs, leurs voyages, leur amour. C’est là qu’elle va faire la connaissance de Jules qui vient fleurir la tombe de son épouse. Le vieil homme va l’aider à surmonter son chagrin.
Ma note
★★★ (bien aimé)
Ma chronique
Rendez-vous au cimetière de Neuilly
Comment survivre à la perte d’un être cher ? C’est à cette question que Pascale Lécosse va s’atteler tout au long de ce roman. Du dialogue de Blanche avec son mari Pierre, inhumé à Neuilly, à celui qu’elle entame avec Jules, lui aussi habitué de ce cimetière. Un joli chemin de résilience.
La narratrice de cet émouvant roman se rend régulièrement sur la tombe de son mari. Blanche a perdu Pierre et survit à ce déchirement en instaurant de petits rituels, la promenade avec son chien Homer, l’entretien de la sépulture au cimetière de Neuilly, les rendez-vous et les vacances avec son fils Sacha. Mais rien n’y fait, le vide est immense, teinté de colère contre ces volutes de milliers de cigarettes qui ont fini par tuer ce mari. « Je ne suis ni une femme divorcée, ni une célibataire, je suis ta veuve. Ce statut récent me codifie. Il me remise autant qu’il m’isole. De ton au-delà, je t’appartiens encore. Je porte le deuil de nos bonheurs petits et grands. Le manque de toi est vertigineux. J’enfile les journées inutiles, comme les grains d’un chapelet sans prières. Je me désespère. »
Les gens qui fréquentent régulièrement les cimetières ont-ils un état d’esprit particulier ? Ont-ils une propension plus particulière à l’écoute ? En suivant Jules, on serait tenté de répondre par l’affirmative. Le vieil homme va prodiguer des conseils horticoles, demander à Blanche de s’occuper de l’entretien de la tombe de son épouse en son absence. Petit à petit, leurs rendez-vous vont devenir l’occasion de s’épancher, de lâcher des confidences. Le vieil homme et la veuve se sont trouvés et seront les acteurs d’un épilogue que je me garderai bien de dévoiler ici.
Pascale Lécosse met du baume au cœur de tous ceux qui ont perdu un être cher. Si son roman montre bien un chemin de résilience, il ne fait pas dans le manichéisme et montre bien combien le deuil est une épreuve. Qu’il faut laisser du temps au temps pour panser une si profonde blessure. Au début, les paroles de réconfort sont inaudibles et peuvent même blesser. Mais au fil du temps, un souvenir joyeux, une musique, un paysage aimé ou même un banal dialogue peuvent servir à retisser un projet de vie. Tout comme les mots posés sur le papier, ce manuscrit intitulé « Le jardin de Pierre » que l’on va découvrir au fil des chapitres et que Blanche finira par confier à Jules.
Avec délicatesse, l’auteure de Mademoiselle, à la folie ! réussit à transformer la peine en perspective nouvelle, apaisée.
Un roman que vous pourrez lire avec Nantes de Barbara en fond sonore. C’est la chanson qui accompagne Blanche tout au long du livre…
« Voilà tu la connais l’histoire
Il était revenu un soir
Et ce fut son dernier voyage
Et ce fut son dernier rivage
Il voulait avant de mourir
Se réchauffer à mon sourire ».
La présence des absents
Pascale Lécosse
Éditions de la Trace
Roman
138 p., 18 €
EAN 9782487261167
Paru le 16/01/2025
Où ?
Le roman est situé à Neuilly et Paris, mais également en Corse, à Chamonix, Deauville et à Perros-Guirrec. On y évoque aussi de très nombreux voyages en Italie, sur les bords du Lac de Côme et du Lac Majeur aux Îles Borromées, à Anvers et en Allemagne à Hambourg et sur les bords du Lac de Constance, au Danemark, en Inde, en Afrique australe, en Namibie, au Kenya, en Jordanie aux États-Unis de Los Angeles à San Diego, de l’Utah au parc de Yosemite jusqu’à Las Vegas et de la Floride à New York et au Canada, de Montréal à Vancouver en passant par Calgary.
Quand ?
L’action se déroule de nos jours.
Ce qu’en dit l’éditeur
Il y a comme une urgence dans l’écriture de ce roman qui nous emporte dans l’intimité d’un couple inséparable où l’amour est plus fort que le chagrin : « Tu m’as si bien accompagnée, que je ne serai jamais seule. »
Blanche se sent perdue à la mort de Pierre, son mari. Après toute une vie de travail, de voyages partagés, les heures sont lentes. Le temps s’étire entre les promenades de son teckel…Pour surmonter la peur qui la hante d’oublier son grand amour, Blanche va fixer ses souvenirs dans l’écriture. Elle va tout dire de leur bonheur et aussi de sa rivale ; une tige bien roulée de 72 millimètres…
Au cimetière où elle se rend chaque jour, elle va faire la connaissance de Jules, un vieil homme, amoureux des fleurs. Après une première rencontre houleuse, pendant des mois, ils se retrouveront dans le jardin de Pierre où ils partageront leur histoire, jusqu’au jour où le vieillard disparaîtra sans un au revoir … Il lui faudra attendre le printemps suivant pour avoir l’explication du silence de son camarade de cimetière.
La veuve au teckel, nous emporte dans l’intimité de ce couple inséparable. La veuve au teckel, nous rappelle que l’amour est plus fort que le chagrin : Tu m’as si bien accompagnée, que je ne serai jamais seule.
Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Actualitté (Inès Lefoulon)
Blog Mémo Émoi
Les premières pages du livre
« 1
Tu compresses entre ta paume et tes doigts le paquet vide que tu abandonnes sur la table basse. La GITANE marine se tord dans ses volutes blêmes, Tu sors de ta mallette une cartouche neuve. Tu en extrais les dix paquets que tu ordonnes soigneusement dans le tiroir du bar. Tu ouvres une bouteille de Corton-Charlemagne. Tu ajoutes deux glaçons dans mon verre, comme j’aime. = À toi, mon Amour !
Je te souris.
L’avion était plein. C’est long tout de même. Demain, j’emmènerai Sacha à l’école.
— Demain, nous serons mercredi.
Tu bois une gorgée, tu pousses le bas du paquet neuf, éjectant d’un coup les deux rangées de dix. Je ne te souris plus. Je monte me coucher :
— Tu redescends ?
— Le plat de lasagnes est encore chaud, tu auras juste à le sortir du four
— Tu es fâchée ?
— Seulement désespérée
Dans l’escalier qui mène à notre chambre, j’entends rouler la pierre de ton briquet. Tu enflammes la GITANE, elle te consume. Sur la fumée de ta cigarette, se dessine le linceul de nos espoirs perdus. Il nous reste un peu moins de vingt années à partager et le reste de ma vie à te regretter. Je perds la partie. Je ne suis pas de taille à lutter contre cette rivale de papier qui tatoue de goudron le cœur des hommes. Je ne t’entends pas venir, je te sens m’approcher. La fumée de ta cigarette te précède. Après toutes ces années, je pose encore mes conditions :
— Pas en voiture, pas dans la chambre, pas avec Sacha, pas avec le chien.
— Mais quand alors ?
Je pense : ce sera elle ou moi.
Elle n’est pas maïs et pourtant, elle jaunit le blanc de tes yeux bleus, elle ambre ta peau et tes ongles, elle ocre la racine de tes cheveux blonds. Elle te fane et tu n’as que cinquante-cinq ans. Elle souligne notre différence d’âge, déjà grande. Elle passe l’éclat des tableaux, elle imprègne les tentures du salon, elle pâlit les murs qu’il faudra bientôt repeindre. Pour diminuer ta dose et essayer une fois de plus d’en finir, tu as troqué la blonde contre la brune.
Combien de tentatives échouées et de promesses rompues ?
Et la GITANE danse. Elle dépose son voile de deuil sur notre amour, elle se cambre, joue des castagnettes, elle te tue à petit feu.
Je redoute que ce soit elle plutôt que moi.
Tu m’attrapes par la taille et nous ondulons avec Ella Fitzgerald sur Night and day. J’aurai peur demain.
2
Assis sur la grève blonde, longtemps après que les vacanciers avaient quitté la plage, nous aimions regarder les vagues battre les rochers ocres des calanques. A l’heure du couchant, nous remontions jusqu’à l’hôtel par le chemin pentu, juste à temps pour admirer, encore essoufflés, le soleil éclairer le golfe avant de se noyer dans la mer argentée. Je ne retournerai pas dans ce coin perché de Corse où la montagne embrasse la mer. Je ne naviguerai plus sur ce grand bleu signalé de citadelles. Je n’introduirai plus la clef dans la serrure de notre chambre, toujours la même ; la neuf. Je n’étendrai plus nos serviettes chargées de sel et de sable sur la rambarde qui borde la terrasse où nous prenions notre petit-déjeuner. De là, nous observions les visiteurs profiter d’un dernier bain dans la piscine de l’hôtel, avant de poursuivre leur route vers Porto et au-delà.
Faire le tour de l’île comme la plupart de ces touristes avides de points de vue, n’était pas dans nos habitudes. Nous avions trouvé notre terre promise, nous avions découvert ce coin pour y rester tout un mois sans en bouger, sidérés par la beauté du lieu. C’est à peine si l’on s’aventurait jusqu’au village aux deux églises qui se font face, comme pour un duel au soleil. Nous y faisions quelques achats, pressés de regagner Piana, notre paradis. Je ne reverrai pas Marianne, l’hôtesse de ce lieu béni, qui au fil des années, nous accueillait comme des amis et nous traitait comme sa famille, au point de faire le déplacement sur le continent pour nous soutenir quand je t’ai enterré.
Pour te survivre, je plongerai dans un délire de cocaïne, je coudrai le patchwork de nos bonheurs pour me protéger du froid glacé de ton absence.
Je rassemble un costume bleu nuit, la cravate que tu portais à la mairie pour notre mariage, une chemise bleu clair et un mouchoir en coton blanc. Je recommande au détaché des Pompes funèbres, de surtout le glisser dans la poche droite de ta veste. | J’accorde pour ta mort la tenue que j’aurais voulu assembler pour le mariage de notre Sacha.
Le jardin de Pierre
À l’entrée du cimetière ancien, des arbustes de rhododendron mauves, fuchsia, côtoient des fougères tanzaniennes, des camélias écarlates. Le printemps éclate. Je passe devant la tombe de Pierre Fresnay et d’Yvonne Printemps. La promenade est bordée de cyprès et de bruyères. Je suis des yeux la trace blanche d’un avion dans le bleu Majorelle du ciel sans nuage. Le soleil m’étourdit un peu, il brouille les gravures des sépultures. Au prochain croisement, j’emprunterai l’allée à droite. Ni marches, ni ascenseur pour rejoindre ta nouvelle adresse : Division 12, Allée E, Tombe 6. L’hortensia blanc que je t’ai porté hier matin, n’est plus là. —Si c’est votre Hydrangea macrophylla que vous cherchez, il est en face, au nord : Division 10, Allée C. Je l’ai calé contre la haie au niveau de la Tombe 9. Il risque d’y avoir pas mal de vent, cette nuit. L’homme est coiffé d’un Panama, il porte un costume trois pièces coquille d’œuf. Avec ses lunettes de soleil cerclées d’or, il me fait penser à un personnage de Thomas Mann. Il est comme j’imagine Gustave von Aeschenbach dans La mort à Venise. La haute silhouette soulève son chapeau pour me saluer. Il dépose sa veste sur le banc, déboutonne les poignets de sa chemise à fines rayures bleues, remonte ses manches sur ses avant-bras imberbes. Il retire l’alliance de son annulaire gauche, la glisse dans sa poche gousset. Il sort d’un sac Botanic des rosiers, des gants qu’il enfile et un plantoir. Il se courbe sur la jardinière en pierre et commence à planter.
— Si l’Hydrangea se développe autant en Bretagne et en Normandie, sans oublier les côtes d’Armor et la campagne anglaise, c’est qu’il aime l’ombre. Il se plaira mieux en face, au nord. D’un pas décidé, je rapporte ton Hortensia que je campe exactement à sa place de la veille.
— Croyez-moi, si vous vous entêtez à le laisser ici, il ne tiendra pas plus de quelques semaines. Peut-être deux ou trois, mais pas davantage. Nous sommes plein sud, vous devriez aller sur du Laurus nobilis, de l’Olea europea … Je m’assieds sur le bord de ta demeure, je tourne le dos au gêneur.
— Oh désolé, je veux parler du laurier, de l’olivier ou encore d’un rosier.
L’indésirable rince son outil sous l’eau claire de la fontaine à proximité et tamponne ses mains fines avec un mouchoir de lin blanc. Il ajuste sa bague avant de remplir deux arrosoirs. Il irrigue généreusement ses jeunes plantations avant de finir de vider l’un d’eux sur mon hortensia. Il remplit le sac Kraft des pots vides en plastique noir et dépose le tout dans le dépotoir de l’allée. Je fais l’œil de pigeon pour regarde faire sans qu’il ne me voie. J’aperçois notre fils qui s’avance, les bras chargés d’un hortensia lie-de-vin. L’intrus soulève son couvre-chef qu’il complète d’un : Au revoir, Madame. Sacha s’assied près de moi :
— C’est qui ?
— Le descendant de Lenôtre |
— Le traiteur ?
— Non ! Le jardinier.
3
Dans l’encadrement de la porte de notre chambre, tu me regardes tasser un sac de voyage : — Qu’est-ce que tu fais ? À quoi joues-tu, Blanche ? Je m’acharne sur la fermeture du cuir bourré :
— Merde ! ça ne ferme pas
— Enlève les cintres, au moins.
Toujours ton impossible flegme, en toute circonstance.
Je bascule le sac éventré sur ses roulettes, tu me barres la route, je peste :
— Tu m’avais promis d’arrêter. Cette fois, c’est fini ! Terminé ! Over !
Tu précises que de deux paquets de blondes, tu es passé à un paquet de brunes. Tu argumentes que depuis que tu es en charge de l’Asie chez Havas, ce sont autant d’heures passées dans les avions sans fumer. Je tente l’électrochoc :
— J’ai rencontré quelqu’un.
— Épouse-moi alors et j’arrête.
Trop mûre pour la robe blanche, trop jeune pour l’ensemble gris perle, nous nous marions le premier juin de l’an deux mille, en bleu : Marine pour toi, Dragée pour moi. Je promets de te porter soutien et assistance dans ce mariage à trois.
Ta maîtresse est une tige bien roulée de soixante-douze millimètres. Tu la sors dans mon dos, tu l’allumes. Tu inhales son nuage de méthanol. Tu inspires et elle t’empoisonne au plomb, à l’arsenic. Elle te comble d’ammoniac. Et tu reproduis cela jusqu’à trente fois chaque jour de notre vie. Rien ne te dégoûte, ni ne t’éloigne jamais d’elle ; pas même cette toux aiguë dont tu souffres depuis peu et qui fragmente nos conversations. Tu pars à sa recherche dans tout Paris quand le manque d’elle se pointe. Tu as essayé tant de fois de rompre, de t’en passer. Tes proches te mettent en garde : tu vas tout foutre en l’air, à commencer par toi, arrête Pierre ! Tu vas tout perdre !
J’envisage la catastrophe jusque dans nos moments les plus joyeux. J’oppose le drame à notre bonheur et cela malgré moi. La révélation de la tâche assassine qui te condamnerait m’obsède. Comment lâcher prise et troquer les comment t’arrêter contre les nous verrons bien… Je dois intégrer ton addiction, l’apprivoiser et comprendre que tu ne fumes pas par plaisir mais par besoin. Au-dessus de notre amour, plane la séparation définitive de ta mort.
Je ne prétends pas ne pas avoir aimé avant toi, j’affirme que je ne m’en souviens pas. »
Extrait
« Pour t’aimer encore, je me préserve de la craquelure qui ferait de toi un homme parmi les hommes. Je te travestis. Je t’acquitte de m’avoir faite ta survivante. Dans les réunions, désormais, je ne suis ni une femme divorcée, ni une célibataire, je suis ta veuve. Ce statut récent me codifie. Il me remise autant qu’il m’isole. De ton au-delà, je t’appartiens encore. Je porte le deuil de nos bonheurs petits et grands. Le manque de toi est vertigineux. J’enfile les journées inutiles, comme les grains d’un chapelet sans prières. Je me désespère. » p. 38
À propos de l’autrice
Pascale Lécosse © Photo DR
Pascale Lécosse effectue l’essentiel de sa carrière dans la publicité, au sein du groupe Publicis comme directrice générale de régie. Elle se fait remarquer au théâtre, pour sa pièce Père et manque créée en 2016, produite par Atelier Théâtre Actuel, dont les droits ont été acquis par Eva Giesel pour l’agence littéraire Lietag Verlag pour tous les pays de langue allemande. Elle publie en aout 2017 son premier roman Mademoiselle, à la folie ! (Source : Éditions de La Trace)
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