Souffle à la femme, Francité et Ghetto Island de Kalilou Diakité

Souffle femme, Francité Ghetto Island Kalilou Diakité

Kalilou Diakité, une plume sculptée par la passion et l’ouverture sur les autres. Ce coordinateur éducatif œuvre au sein de l’association Zy Va. L’homme aux multiples talents allie son engagement social à son amour des mots, en écrivant des récits qui puisent dans les racines de l’âme humaine. Poète, scénariste, mais aussi romancier, Diakité a déjà présenté plusieurs ouvrages de poésie et d’essais, chacun portant la marque de son cœur ouvert à l’autre et de son âme de rebelle : quelqu’un qui souhaite intégrer les exclus, en luttant notamment pour l’égalité homme-femme. 

Son premier roman porte le titre anglais de « Ghetto Island ». Ce texte se décrit des quartiers populaires, de la vie quotidienne qui s’y écoule, avec ses bons et ses mauvais moments. À travers cette œuvre dépourvue de filtre, Diakité raconte les histoires croisées de plusieurs personnes différentes et qui se ressemblent pourtant. En croisant ces gens dans la rue, on ne se doute pas un instant de leur parcours, de ce qu’ils ont vécu depuis leur naissance. Sans doute à cause de la très mauvaise image véhiculée par les médias d’aujourd’hui et par les frasques, bavures policières qui se déroulent dans les quartiers, leur simple évocation peut faire frissonner. Mais au-delà du cliché parfois réaliste et crédible, l’on peut aussi remarquer à quel point ces communautés sont en lutte constante : celle d’exister.

Dans chaque ligne qu’il écrit, Kalilou Diakité réussit à représenter l’expérience humaine, en toute simplicité, nous rappelant que derrière tous les visages qu’on croise, se cache un univers d’émotions et de rêves. Sa plume accessible à toutes les générations a pour objectif de neutraliser les préjugés. L’auteur pourrait d’ailleurs être défini comme un artisan des mots, un conteur des temps modernes, tant on l’imagine lire à voix haute ses textes lors de sessions « lecture » … Son ouvrage « Ghetto Island » est son premier roman, mais d’autres de ses textes sont tout aussi intéressants, comme « Souffle à la femme », un essai ayant pour sujet principal les femmes à travers le monde. Reconnaissant leurs luttes quotidiennes, ce texte pointe du doigt les injustices vécues par toutes les femmes du monde. Avec une prose efficace qui garde en haleine, Diakité présente un livre parfait pour quiconque souhaite comprendre la profondeur de la lutte. Cela pourrait même encourager les hommes, qui se sentent souvent exclus du féminisme — alors qu’ils peuvent tout à fait jouer le rôle d’alliés. Se sentant attaqués dans leur virilité, les hommes misogynes pensent que le féminisme cherche à les éradiquer. Visiblement, Diakité a compris que le féminisme concerne avant tout l’égalité et le respect des êtres humains… D’ailleurs, l’artiste reconnaît leur douleur, sans jamais les présenter en victimes ; il célèbre l’indépendance des femmes : une autonomie toujours remise en cause, laborieuse, mais qui doit progresser. En abordant des thèmes comme la maternité, la représentation des femmes dans le domaine politique, Diakité s’interroge et ne s’impose pas comme un donneur de leçon. Lui aussi essaie de se déconstruire à son échelle, du patriarcat inhérent à notre société. 

Dans la lignée de « Nous sommes toutes des féministes » de Chimamanda Ngozi Adichie, cet essai fait partie des textes qui marquent durablement les esprits… 

D’ailleurs, toutes les œuvres de Diakité provoquent la réflexion, alimentent le débat et, espérons-le, le changement. Lire des essais et des manifestes enrichit notre compréhension des dynamiques de genre et nous pousse à remettre en question les structures de pouvoir existantes, faisant de ces lectures un élément essentiel de notre développement culturel et intellectuel. Dans un autre style, « Francité » représente une lecture tout aussi intéressante, même si le propos est différent. Dans ce texte, l’auteur aborde une variété de thèmes qui font de la France le pays qu’il est à ce jour.

Diakité révèle son regard sur la France, en abordant notamment ses tensions, mais aussi ses paradoxes. La force de cet essai atypique réside dans son approche multidimensionnelle de la société française. Diakité réussit à capturer l’esprit de la « Francité » en évoquant, certes, ses problèmes, mais aussi sa richesse. Grâce à sa prose poétique et ce style si reconnaissable et travaillé, Diakité instruit tout en divertissant. Aujourd’hui, l’identité nationale et les valeurs républicaines sont plus que jamais devenues des sujets d’actualité. Cet ouvrage invite à se poser des questions essentielles : que signifie être français ? Au-delà des clichés et des simplifications, des amalgames et du séparatisme, l’auteur s’interroge, au même titre que le lecteur. On pense notamment à « L’identité malheureuse » d’Alain Finkielkraut ou « La France périphérique » de Christophe Guilluy. Toutefois, Diakité évite les écueils trop répandus du pessimisme pour offrir une vision équilibrée et critique de son sujet. Il ouvre un dialogue avec son lectorat, sans s’imposer comme détenteur de la réalité absolue. Dans son analyse, Kalilou Diakité développe ses opinions. 

Ghetto Island : ce qui se passe vraiment dans les cités

Dans ce roman d’une rare sincérité, l’auteur peint fidèlement le quotidien d’une cité sensible, à travers les yeux de son personnage : Kal, un jeune résident tiraillé entre des émotions contraires. Ce texte, premier du genre pour Diakité, présente ce qui se déroule dans les banlieues. À la fois témoin et acteur, Kal est le maillon d’une chaîne fragile et forte, pris entre solidarité dans le deuil et débrouillardise pour survivre. Grâce à une narration réussie et immersive, l’écrivain transporte le lecteur dans la rue. Les escaliers, les appartements de ce ghetto. Diakité réussit l’exploit de rendre palpables les émotions, les problèmes et les petits bonheurs simples dans ces quartiers défavorisés. L’artiste en appelle à plus d’empathie et de compréhension vis-à-vis de ces communautés marginalisées, souvent laissées à elles-mêmes et réduites au triste surnom de « zone de non-droit ». Ce roman peut faire penser à « La Haine » de Mathieu Kassovitz, ou encore « Kiffe-Kiffe Demain » de Faïza Guène. Si vous avez aimé ces œuvres, nul doute que « Ghetto Island » possède toutes les qualités pour vous convaincre. Résultat : ce récit pourrait bien jouer un rôle dans la sensibilisation aux réalités des quartiers. Il pourrait être étudié dans un contexte éducatif, comme au lycée. Certes, son contenu est parfois brut et choquant, mais il convient à une triste réalité… 

Trois récits différents, trois angles et trois visions qui se rejoignent en un seul et même discours : celui de l’acceptation de l’autre, et un appel au changement, à l’éveil des consciences.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois