Les Classiques de Priscilla – Passion simple d’Annie Ernaux

Par Livresque78

Annie Ernaux fait partie de ces autrices que je connais mal malgré mes quelques années d'études en littérature française. Peut-être était-elle trop récente à l'époque où j'usais mes pantalons sur les bancs de l'université... Bien sûr, j'avais lu La Place en préparant les concours d'enseignement, parce que c'est un texte dont on étudie souvent des extraits pour travailler sur l'autobiographie avec les élèves, mais j'en garde un souvenir assez terne. Cette grande dame s'est toutefois vu attribuer le Prix Nobel de littérature, alors je me suis dit qu'il fallait retenter. Pourquoi pas avec Passion Simple ?

Voici la quatrième de couverture : " À partir du mois de septembre l'année dernière, je n'ai plus rien fait d'autre qu'attendre un homme : qu'il me téléphone et qu'il vienne chez moi. " Annie Ernaux.

J'avais envie de voir si cette peinture de la passion amoureuse allait m'émouvoir. Et bien, non, toujours pas ! Ce récit, cette autofiction, est très réaliste. On sent toute la dépendance engendrée par la passion, qui n'est pas de l'amour, mais plutôt un besoin névralgique et physique de l'autre, près de soi, sur soi, en soi. A tel point que le reste de la vie, de l'univers même ne devient qu'un décor à l'attente de retrouvailles, de nouvelles. La femme en devient un objet, une attente. On ne peut s'y attacher de ce fait, elle est vide sans lui et, avec lui, elle n'est qu'avec lui, un corps disponible, à l'affût et en tension. En cela, l'œuvre est pleinement réussie parce que cette vacuité m'a frappée et c'est un sentiment qui ne m'a jamais quittée.

Il m'a manqué l'émotion. Tout est dépersonnalisé. Et je comprends parfaitement que c'est lié au propos. La passion n'est pas l'amour et se défait de l'individualité pour simplement consommer l'autre jusqu'à épuisement. Mais cette neutralité est aussi ce qui avait rendu ma lecture de La Place sans relief, presque sans saveur.

Un élément a toutefois suscité mon intérêt, c'est tout le travail de la narratrice se regardant raconter. Ce personnage fait son deuil en le mettant en mots et j'ai trouvé très intéressante la manière dont elle se projette dans cet exercice. Là encore, la narration devient un simple travail purgatoire, presque une cure, dépourvue d'émotion. Il ne s'agit ni de reconquérir, ni de tout raconter, mais de se purger de cette " passion ", terme qui, rappelons-le, signifie étymologiquement " ce qui fait souffrir, ce que l'on subit ".

J'entends parfaitement tout ce que ces écrits ont eu de différent à leur parution. Je ne remets pas en cause le talent de l'autrice. Je crois juste que ce n'est pas pour moi. Lire, c'est aussi en apprendre davantage sur soi. J'ai besoin, quand je lis, de vouloir comprendre, de vouloir savoir, d'avoir besoin de tourner les pages et, avec Annie Ernaux, je ne ressens pas cette urgence. A mon goût, c'est plat. Juste, très souvent, mais plat. Ce n'est pas ce que j'attends de la littérature. Je m'interrogeais sur un autre de ses récits, L'Evénement, qui aborde la question de l'avortement. J'imagine que ça ne peut pas être aussi froid... Je l'espère... Peut-être me laisserai-je tenter... Et alors peut-être vous en parlerai-je...

En attendant, si vous avez une autre opinion que la mienne, je serais ravie d'en discuter avec vous !!

Priscilla