Le Cerf-Volant de Laetitia Colombani

De l'autrice, nous connaissons tous le roman La Tresse que j'ai lu il y a cinq ans maintenant ( et chroniqué ici). Cet autre texte me semble moins connu, ou peut-être a-t-il moins fait l'unanimité, ce que je peux comprendre. Je vous explique pourquoi tout de suite.

Voici la quatrième de couverture : Brisée par un drame personnel, Léna abandonne la France et son poste d'enseignante pour partir en Inde, au bord du golfe du Bengale. Un matin, alors qu'elle nage dans l'océan, elle manque de se noyer. Une petite fille qui jouait au cerf-volant court chercher de l'aide.
Comment la remercier ?... Âgée de dix ans, la petite travaille dans un restaurant et ne sait ni lire ni écrire. Entourée d'un groupe de filles du village et de leur cheffe, la tumultueuse Preeti, Léna se lance dans un incroyable projet : fonder une école pour tous les enfants du quartier qui en sont privés.
Au cœur d'une Inde tourmentée commence une aventure où se mêlent l'espoir et les désillusions, la volonté face aux traditions, et le rêve de changer la vie par l'éducation.

Je ne peux pas dire que j'ai été insensible à cette histoire, elle réunit bien des thèmes qui me sont chers. La foi de Léna en l'éducation ; le soutien indéfectible des personnages à une cause, à une idée qui devient plus qu'un idéal parce qu'elle se réalise ; l'amour et la filiation qui ne se fondent pas que sur le sang. C'est un roman fort, plein de bons sentiments. Peut-être un peu trop.

Pour ma part, j'ai trouvé que l'ensemble manquait un peu de relief. La narratrice a beau évoquer ses difficultés, les problèmes semblent s'envoler trop facilement. Administratifs, personnels ou communicationnels, tous semblent se régler sans (trop de) violence, sans (trop de) conséquences. Et quand il y a l'une, il n'y a jamais l'autre. Je ne dis pas qu'il aurait fallu davantage de sang, il y a d'autres manières de prendre un problème à bras-le-corps, mais là, on n'y croit pas.

Cerf-Volant Laetitia Colombani

J'ai aimé retrouver Lalita (de La Tresse) et voir Léna prendre la suite de sa mère dans la construction d'un avenir pour cette petite intouchable. Preeti est un personnage très intéressant et le roman a le mérite de nous faire découvrir les Red Brigades et montre qu'à son rythme le pays évolue, les mentalités avec. Les discussions entre les deux femmes nous jettent en plein visage le drame de la femme dans un pays où le viol n'est pas puni, où la femme n'a rien à dire, où personne ne la défend. C'est un sujet sensible et finalement trop peu connu. En cela, le roman a une vraie force, un véritable impact.

Le personnage principal, Léna, est lui aussi finement travaillé. Elle est déchirée entre le désespoir et la foi, entre l'enthousiasme et la tentation du néant, constamment sur le fil. Finalement, elle sauve Lalita bien moins que Lalita ne la sauve. On la sent se reconstruire au fil du récit, de manière fragile, instable jusqu'à la fin. Accepter la mort, puis accepter la vie malgré tout est un trajet long, celui du deuil, et j'ai été touchée par sa manière d'y parvenir, d'échouer et de réessayer quand même, même après avoir abandonné.

Bref, un roman que la brièveté a parfois desservi mais qui reste une lecture agréable, où l'on se prend à espérer que l'humanité progresse et progressera encore, dans le traitement des enfants, des pauvres, des femmes grâce à l'éducation, à la sororité, à la bonté, à d'autres humains tout simplement. Et ça fait du bien d'y croire !

Priscilla