Résumé :Un acte de traduction est toujours un acte de trahison.
1828.Un jeune orphelin chinois est recueilli à Canton par un professeur et conduit à Londres. Rebaptisé Robin Swift, le jeune garçon consacre ses journées à l'étude des langues dans l'optique d'intégrer le prestigieux Institut royal de traduction de l'Université d'Oxford, plus connu sous le nom de Babel. Berceau de l'argentogravure, les étudiants y exploitent le sens perdu des mots à l'aide de barres d'argent enchantées.
Dès ses premiers jours à Oxford, Robin prend conscience que ces travaux confèrent à l'Empire britannique une puissance inégalée et servent sa soif de colonisation, au détriment des classes défavorisées de la société et de ses territoires. Servir Babel revient donc à trahir sa patrie d'origine.
Peut-il espérer changer Babel de l'intérieur ? Ou devra-t-il sacrifier ses rêves pour faire tomber cette institution ?
Mon avis :Une prouesse littéraire remarquable, une œuvre majeure ! Jamais la brutalité du système colonial ainsi que ses complices que sont le capitalisme et le patriarcat, n’a été aussi puissamment illustrée dans un récit ! Un récit épique. 
L’écriture de l’autrice est saisissante et évocatrice. Le style m’a fait l’effet d’un jeu d’alchimie, tant tous les petits rien, font des grands tout.. Chaque détail contribue à l’ensemble.
Elle nous présente les outils du colonisateur avec la précision d’un chirurgien. Elle nous parle d’hégémonie culturelle et de l’exploitation de la communauté intellectuelle à des fins belliqueuses (clin d’œil à Oppenheimer). 
L’auteure aborde le racisme de manière percutante, et offre, au passage, une brillante démonstration du white savior et des white tears. Elle explore également le classicisme et l’échelle de valeurs humaines de l’occident, autrement dit leur boussole morale.
À travers une palette ingénieuse de personnages, elle présente toutes les manières d’appréhender les discriminations du racisme ordinaire et de sa violence : docilement en rasant les murs, en rendant les coups, en intellectualisant pour mettre de la distance salvatrice. La combinaison entre les héros et les héroïnes est particulièrement remarquable.
L’autrice ne laisse rien au hasard. Tout est critiqué avec finesse et férocité. Elle nous propose une démonstration brillante et enrobe le tout dans une aventure accessible. 
Il va sans dire que c’est un coup de cœur.
Au plaisir.