La guerre des amazones : la resistance au féminin

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 Peu importe ce qu'annonce le titre, il ne sera pas question ici de splendides créatures grecques ou des Amazones telles que nous pouvons l'imaginer ou les retrouver chez DC Comics, avec la sculpturale Wonder Woman. Non, ici nous allons faire un tour à l'est, au royaume de Bohême et nous remontons le temps jusqu'au tout début du neuvième siècle. À l'époque, Charlemagne avait envoyé son fils, Karl, le roi des Francs, pour christianiser les peuples slaves qui habitaient ces contrées lointaines. Par christianiser, il faut entendre en réalité une opération d'effacement identitaire, culturel et religieux, par la force. Ceux qui ne se plient pas aux nouvelles règles sont torturés ou tout simplement éliminés. Le récit s'arrête sur le roi Krok et ses deux filles, qui ont toutes deux des caractéristiques très différentes. Libussa est une guerrière; elle ne renonce devant rien et c'est par l'épée qu'elle entend se faire respecter, avant tout. Téta pour sa part est beaucoup plus taciturne; elle a des visions et semble en mesure de communiquer avec les dieux slaves, qui inspirent ses choix et ses présages. Clairement, les femmes d'alors n'ont pas une position privilégiée dans la société. Pour autant, elles n'ont pas du tout l'intention de se laisser faire. Nous rencontrons ainsi une autre guerrière qui ne s'en laisse pas compter, Vlasta, qui va devenir l'amante de Libussa. Une relation qui prouve que les femmes sont capables de s'émanciper et n'ont pas forcément besoin d'un chevalier servant pour subvenir à leurs besoins et les protéger de l'ennemi. Il faut d'ailleurs signaler que Guillermo G. Escalada, le dessinateur de cette histoire, ne cherche pas à érotiser les figures féminines qu'il met en scène, mais au contraire tente de leur attribuer une puissance physique et des caractéristiques en accord avec les actes qu'elles accomplissent. Et tout ceci s'inscrit dans des pages absolument splendides, où les moindres détails sont crédibles et fascinants, où la lumière s'adapte à merveille avec le climat rigide et parfois spectral dans lequel baigne cette bande dessinée.
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Malheureusement, l'artiste nous a récemment quitté bien trop tôt, à l'âge de 50 ans, aussi cet album est-il un hommage sincère et évident à son travail, en tout points remarquable. Stéphane Piatzszek parvient à allier une sorte de reconstitution romancée de faits historiques, avec une aventure violente et féministe, où les seuls personnages qui font preuve de solidarité et suscitent l'admiration sont des femmes, justement. C'est une histoire d'amour, de passion, qui se heurte à l'avancée des forces de Karl et aux revers que subissent les hommes de Krok, qui succombe et doit laisser le trône à sa plus jeune fille, Téta. Faut-il savoir s'agenouiller devant l'envahisseur et en épouser les diktats pour survivre, ou aller chercher l'aide d'un autre ennemi pour guerroyer jusqu'à la dernière goutte de sang ? Une stratégie qui implique des sacrifices, des revers, probablement illusoire. La christianisation de peuples aux coutumes et croyances "païennes" est un sujet toujours intéressant, voire même pertinent à aborder. Je vous renvoie aux très bons trois tomes de Jylland, publiés par Anspach, pour en voir les effets en Terre Scandinave. Ici, le grand drame guerrier, civilisationnel et religieux de Piatzszek est encore plus cruel et interroge sur la folie des hommes et la résilience des femmes. Un album à découvrir chez Soleil, un récit de résistance élégant et réussi. 

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