Kroma de lorenzo de felici : la couleur est notre ennemie

KROMA DE LORENZO DE FELICI : LA COULEUR EST NOTRE ENNEMIE
 Que Lorenzo De Felici, qui commence sa carrière d'artiste professionnel en tant que coloriste, décide un jour de proposer un récit personnel qui place au centre des enjeux la couleur elle-même, voilà qui est somme toute assez logique. Au final, cela donne, après des années de tentative infructueuse pour trouver un éditeur acceptant de se lancer dans l'aventure, ce Kroma disponible en cette fin d'année, chez Delcourt. On y retrouve le thème désormais assez classique d'un monde post-apocalyptique où subsiste une poignée de survivant : le genre humain est alors réduit à un peu plus de 1300 personnes, toutes réfugiées dans une cité fortifiée très particulière. Dans cet univers délabré, la couleur n'existe qu'hors-des-murs, là où des lézards géants et des créatures féroces s'attaquent à tout ce qui bouge. La seule manière de leur échapper réside dans le fait d'arborer du blanc ou du noir uniquement. Ces deux couleurs échappent en effet au spectre visuel des animaux et c'est la raison pour laquelle la cité est privée de toute trace de couleur. Même les aliments que ses habitants ingèrent sont traités au moyen d'une poudre spéciale, pour apparaître tout blanc. La société est quant à elle régulée par une sorte de culte religieux qui s'apparente à une secte, dont le grand prêtre, un certain Makavi, apparaît comme un fanatique décharné qui s'évertue à former des jeunes élèves, qui ont fort intérêt à ne pas se montrer trop curieux et remettre en question ses préceptes. C'est pourtant ce qui arrive à l'un d'entre eux, dès les premières pages, lors d'un rituel qui survient tous les dix lunes. Une créature présentée frauduleusement comme un monstre, progéniture captive d'un présumé Roi des couleurs, est libérée de ses chaînes et invitée à s'échapper, pour enfin être rattrapée et rouée de coups. Un exutoire cruel qui va être le point de départ d'une remise en question totale du statuquo. 
KROMA DE LORENZO DE FELICI : LA COULEUR EST NOTRE ENNEMIE
On peut alors considérer que le tour de force de De Felici est double : tout d'abord, la capacité de réaliser ce qu'on appelle un world building, c'est-à-dire qu'il parvient à crédibiliser et à faire tenir debout tout un univers en partant de zéro, en y insérant des personnages bien campés et une héroïne qui sait susciter l'empathie, en la personne de la charmante Kroma. Son regard très particulier, la couleur de ses yeux, son destin familial qu'on devine dès le départ mais qui ne se révèle véritablement que vers la fin font d'elle une trouvaille heureuse. Mais il faut aussi faire mention du dessin : les planches sont carrément splendides, même si l'essence de cette bande dessinée est basée sur un monde où la couleur a été bannie artificiellement. Bannie à l'intérieur de la cité; c'est pour autant un véritable festival chromatique, un foisonnement qui confine à l'orgie, dès lors que l'artiste nous emmène promener dans les contrées sauvages qui entourent le seul bastion humain, avec une nature verdoyante, chatoyante, mais aussi extrêmement dangereuse, puisque peuplée d'animaux carnassiers qui eux aussi ont un rapport direct avec la couleur. C'est de cette manière qu'ils communiquent; chaque ton est comme un ordre qu'on leur donne, chaque couleur comme une consigne qu'ils respectent. Cela peut sembler un peu étrange à expliquer mais vous comprendrez très facilement à la lecture et vous verrez que le scénario, qui part sur des bases qui n'ont rien extrêmement originales, va être au final intelligent, bien structuré, capable d'intuitions raisonnées et puissantes pour la narration. Voici donc une excellente surprise en cette fin d'année, qui déboule chez Delcourt Comics et qui démontre la perméabilité totale qui existe désormais entre l'idée de comic books et la bande dessinée d'aventure et de science-fiction plus classique, telle que nous l'aimons en Europe. Ici, l'ensemble a été publié tout d'abord au States grâce à Skybound, l'étiquette de Robert Kirkman. Pour autant, cela aurait très bien pu être aussi un travail 100 % européen, présenté en librairie d'une autre manière. On ne le répétera jamais assez, comics et bande dessinée, en soi, cela ne veut rien dire et tout dire à la fois. Soyez curieux, osez lire un peu de tout, sortez des sentiers battus et lorsque vous vous retrouverez nez à nez avec Kroma, il y a de fortes chances que vous vous laissiez séduire.
KROMA DE LORENZO DE FELICI : LA COULEUR EST NOTRE ENNEMIE
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