Hazel

Hazel

En deux mots
Hazel brûle sa vie dans les soirées parisiennes, tentant de noyer son mal-être dans l’alcool, la drogue, le sexe sans lendemain. Quand elle croise Ian, une lueur d’espoir s’allume, même si elle sait qu’elle n’est pas prête pour une vie de couple. Les sentiments viendront-ils à bout de sa soif d’indépendance ? Rien n’est moins sûr, comme le serine son ami Romain.

Ma note
★★★ (bien aimé)

Ma chronique

«Elle vivait sa vie comme une éphéméride»

Dans un second roman haletant, Sarah Koskievic raconte la vie dissolue d’une Parisienne qui, entre la drogue, l’alcool et le sexe, rêve d’une improbable histoire d’amour. Ian sera-t-il l’homme qui réussira à lui faire renoncer à ses principes ?

Les scientifiques ont bien essayé d’expliquer ce qui se passait au moment d’une rencontre, quand deux êtres se trouvent. Les manifestations physiologiques, la chimie du «coup de foudre». Pourtant le mystère reste entier. Ainsi quand Ian croise le regard de Hazel, il ne sait pas encore qu’il est sur le point de faire basculer sa vie. Tout juste peut-il constater qu’il n’avait encore jamais rencontré une telle fille: «Elle avait dans le fond de son regard un minuscule éclat jaune, qui laissait transparaître sa folie. Elle était de celles qui ne reculent devant rien. Elle ne disait jamais non, trop contente de prouver qu’elle pouvait relever n’importe quel défi. Elle voyait la vie comme une succession de moments chiants et longs, un fléau dont elle voulait désespérément s’échapper sans bien savoir comment faire. Elle vivait sa vie comme une éphéméride. Une journée s’écoulait, elle en arrachait le souvenir et passait à la suivante. Elle avait cette propension à se renouveler tous les matins et à mourir tous les soirs.»
On se doute bien que cette fille incandescente n’est pas faite pour la vie de couple. Peut-être pas non plus pour le bonheur. Pourtant, elle a envie d’y croire, elle qui noie son mal-être dans la vodka, dans des soirées qui ne sont plus vraiment joyeuses, mais plutôt faites pour oublier, pour sombrer dans des nuages de tabac, dans des lignes de coke, dans des vapeurs d’alcool, dans des relations aussi éphémères qu’insatisfaisantes. Elle se donne pour avoir l’impression de vivre. Et se retrouve au petit matin encore plus malheureuse que la veille.
C’est sur le rythme syncopé d’une playlist (voir ci-dessous) qui donne aux chapitres leur titre que l’on suit ces errances dans le Paris des bobos qui, s’ils n’ont guère de problèmes d’argent, sont tous plus ou moins mal dans leur peau.
En leur donnant successivement la parole, Sarah Koskievic nous permet de détailler ces malaises existentiels, ces quêtes désespérées vers un avenir plus serein. Et comme il est plus facile de juger les autres que soi-même, les avis sont souvent tranchés, excessifs, assassins. Ainsi, Romain qui est l’ami d’Hazel, ne peut s’empêcher de penser que son féminisme est excessif, qu’elle devrait s’amender un peu. L’occasion de souligner que la galerie de personnages proposée ici montre combien l’époque est dramatiquement instable. Chacun se veut fort et affiche ses faiblesses, chacun se veut libre et se perd dans des principes destructeurs. Chacun veut profiter de la vie en oubliant que le bonheur ne se trouve pas dans des addictions plus ou moins puissantes. Cette Meute, pour reprendre le titre du premier roman de l’autrice, a sans doute écouté No Future en boucle.
On pense au Vernon Subutex de Virginie Despentes, mais dans un style plus frénétique, plus décapant, qui colle parfaitement au propos. Jusqu’à l’ultime chapitre qui ne reprend pas pour rien le titre du premier, Sympathy For The Devil, bouclant une boucle qui pourrait vous surprendre.

Playlist du roman
« Sympathy For The Devil », The Rolling Stones
« Heal Tomorrow », Naive New Beaters Feat. Izïa
« Unknown Pleasures », Joy Division
« Take Me Out », Franz Ferdinand
« La nuit je mens », Alain Bashung
« La ritournelle », Sébastien Tellier
« How Deep Is Your Love ? », The Rapture
« Whip It », Devo
« Comment est ta peine ? », Benjamin Biolay
« Je bois et puis je danse », Aline
« Le reste », Clara Luciani
« Come Back To Me », HollySiz
« L’anamour », Serge Gainsbourg
« Love Will Tear Us Apart », Joy Division
« Veridis Quo », Daft Punk
« Reviens va-t’en », Alain Bashung
« Feels Like We Only Go Backwards », Tame Impala
« The Less I Know The Better », Tame Impala
« Sympathy For The Devil », The Rolling Stones

Hazel
Sarah Koskievic
Éditions de La Martinière
Roman
192 p., 18 €
EAN 9791040116417
Paru le 25/08/2023

Où?
Le roman est situé en France, principalement à Paris, ainsi qu’en Espagne, à Barcelone.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Hazel est éblouissante.
Hazel est brisée.
Hazel enchaîne les relations d’un soir.
Dans ses veines coulent le vitriol et la fureur.
Et puis.
Et puis, elle rencontre Ian.
Elle, princesse du cynisme, décide de croire en cet amour qu’elle n’a vu que sur les comptes Instagram de ses copines, triptyque coup de foudre/mariage/compte-joint.
Au rythme du Paris nocturne et des fumoirs de boîtes de nuit, ces deux trentenaires se télescopent dans une histoire d’amour toxique. Jusqu’à sa fin, inattendue.
«Un coup de foudre entre eux? Non, c’était une collision.»

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Benzine Mag. (Éric Debarnot)
IDBOOX (Elizabeth Sutton)
Blog Ce que j’en dit
Blog À bride abattue
Blog Miss Chocolatine bouquine

Les premières pages du livre
1
Romain
« Sympathy For The Devil »
J’ai replacé le voile sur ses cheveux. Finalement ça lui allait bien ce blanc virginal, comme quoi on peut grimer une putain en ange. Hazel a glissé son bras sous le mien et nous avons remonté l’allée doucement. J’ai senti ses muscles se raidir sous les miens, j’entendais même ses dents grincer. Me lâche pas, a-t-elle murmuré, me laisse pas faire ça et je me suis retenu d’exploser de rire et d’interrompre cette mascarade.
J’avais de la gueule dans mon smoking Yves Saint Laurent et elle aussi avait mis les petits plats dans les grands : c’est elle qui habillait la robe et non l’inverse. Elle arborait fièrement le blanc, la traîne, le voile et ses cicatrices.
Devant l’autel, j’ai frôlé ses lèvres pour la première fois, elles avaient un goût de sel, de peur et de défiance. Plus vite que je ne l’aurais voulu, j’ai dû me résoudre à la donner à quelqu’un d’autre.
Je l’ai laissée partir avec une pointe dans le cœur.
Si on m’avait dit qu’un jour je serais le témoin du mariage d’Hazel, je n’y aurais jamais cru.
Jamais.
Mais elle était là, dans cette église protestante, et je m’attendais à la voir se consumer par le feu à tout moment. Elle ne croit même pas en Dieu.
À la place de la marche nuptiale, « Sympathy For The Devil » a retenti et les gens se sont levés. Y a pas à dire, Hazel avait réussi un coup de maître.

2
Romain
« Heal Tomorrow »
Je l’attends au comptoir comme je l’ai toujours fait et elle est en retard. J’aime les choses linéaires et immuables.
Propres. Stables. Précises.
C’est pour ça que je me refuse à décaler ce dîner au vendredi ou à l’avancer au mercredi. Impossible aussi de changer de resto. On va chez Sam le jeudi, c’est une adresse qu’on ne partage pas, on se la refile sous le manteau, rue du Faubourg-Saint-Denis. On a commencé à venir quand on était au lycée et qu’on n’avait pas les moyens de se payer autre chose que le plat du jour, c’est normal qu’on perpétue la tradition.
On a trente ans, on est architectes et on gagne du fric. Beaucoup trop aux yeux de certains. Bien sûr, j’en gagne plus qu’Hazel, je suis un homme. Quinze pour cent de plus, pour être exact. Elle n’a pas l’air de m’en vouloir.

Au fil des années, Sam a apporté quelques améliorations. Les murs en crépi couleur rouille ont été repeints, les tables en Formica ont été remplacées par du vieux chêne à l’aspect faussement abîmé et les prix ont doublé. Sam a son bouclard au milieu des Turcs, des Indiens qui tiennent les manucures du passage Brady, des putes chinoises et des souteneurs du boulevard Saint-Denis, de la mafia sri-lankaise qui règne en haut, côté gare de l’Est.
Dans le bas de la rue, on trouve encore quelques réminiscences des Turcs qui ont investi le quartier au milieu des années 1980. Le Lahmacun a été rebaptisé Street Food et la Pizza Grill Istanbul a dû adapter sa carte au flot incessant de nouveaux clients qui se bousculent dans le coin.
Le patron a investi son argent pour se payer un webmaster. Il lui a fait un joli petit site qui promet des pizzas à la viande hachée et des grillades aussi bien adaptées à un déjeuner sur le pouce qu’à un dîner d’affaires. Comme si les pontes des grandes banques allaient asseoir leur cul en argent massif dans un resto oublié des services d’hygiène. Reste qu’il a quatre étoiles sur Google, que les affaires tournent mieux que jamais et que maintenant au Pizza Grill, on voit tous ces jeunes couples pleins d’avenir qui se lâchent le jour de leur cheat meal.

La junk food, c’est chic qu’une fois par semaine, faut pas charrier.
Plus loin, sur le même trottoir, le PNY ne désemplit pas. Pour les riverains, l’ouverture de ce resto a été le signal : le quartier va enfin prendre de la valeur. Pour Sam, la concurrence fait rage et les affaires vivotent depuis que 5 Pailles a ouvert à droite de son troquet. On y bouffe bio et vegan.
Des graines, des pousses, le tout dans des bols en bambou recyclables, pas l’ombre d’un Coca, mais du thé matcha verdâtre infâme. La faune d’instagrammeuses se bouscule pour le boire, un peu et le prendre en photo, beaucoup. Impossible de croire qu’à une rue près, les rabatteurs de Château-d’Eau attendent la cliente pour la traîner vers un salon de coiffure afro. Les tresses, les extensions, les ongles… Ils suivent les femmes jusqu’à l’usure, jusqu’à ce qu’elles acceptent enfin. Devant le Lidl du boulevard de Strasbourg, les daronnes africaines côtoient les petites vieilles historiques du quartier, armées de leurs caddies et de leurs cannes. Dans les rayons, les nouvelles habitantes de Strasbourg-Saint-Denis, Stan Smith aux pieds dans leur jean 7/8 juste au-dessus des chevilles viennent acheter une centrifugeuse Silvercrest pour presser les fruits qui accompagnent leur morning routine. Les moins connes téléchargent le catalogue sur leur iPhone avant de se déplacer et se retrouvent en file indienne devant la vitre du magasin le jour de la promo. Chéri, ce soir on bouffe des pâtes aux truffes, c’est semaine italienne chez Lidl.
Avant de rencontrer Hazel, je n’avais jamais bu un verre « juste comme ça » avec une meuf. Une amie. Le terme me filait la gerbe. Chez moi, on est des hommes. Des bonshommes, des mecs, des vrais, on fait régner la loi, on n’a pas d’« amies ».
On a des plans cul, des rencards, des meufs à ne plus savoir qu’en faire, mais pas une nana avec qui on partage réellement quoi que ce soit, et sûrement pas tout.
La première fois que j’ai vu Hazel, c’était en terminale. Elle venait d’intégrer le lycée en milieu d’année après s’être fait virer de son bahut précédent, on ne sait pourquoi. Elle a échoué sur la chaise à côté de moi, la seule de libre. Elle ressemblait à Keira Knightley avec son ossature frêle, ses pommettes saillantes, ses cheveux longs et noirs.
Ses yeux sans expression qui lui donnaient un air fantomatique. Quand elle a sorti ses stylos et les a alignés sur le bord de la table, j’ai compris qu’elle était flinguée. J’ai prié pour la détester, j’ai tout fait pour ça, mais quand personne ne la regardait, elle esquissait un drôle de sourire de morte qui me plaisait beaucoup trop.

Extrait
« Je n’avais jamais rencontré une fille comme Hazel. Elle avait dans le fond de son regard un minuscule éclat jaune, qui laissait transparaître sa folie. Elle était de celles qui ne reculent devant rien. Elle ne disait jamais non, trop contente de prouver qu’elle pouvait relever n’importe quel défi. Elle voyait la vie comme une succession de moments chiants et longs, un fléau dont elle voulait désespérément s’échapper sans bien savoir comment faire. Elle vivait sa vie comme une éphéméride. Une journée s’écoulait, elle en arrachait le souvenir et passait à la suivante. Elle avait cette propension à se renouveler tous les matins et à mourir tous les soirs. » p. 160

À propos de l’autrice
HazelSarah Koskievic © Photo Astrid di Crollalanza

Sarah Koskievic est journaliste. Après plusieurs années passées à New-York, à Miami, à Tel-Aviv, elle est aujourd’hui directrice de production éditoriale de «Transfert» (Slate.fr), l’un des podcasts les plus écoutés en France. Après La Meute (Plon, 2019), Hazel est son deuxième roman. (Source: Éditions de La Martinière)

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