Yardam

Par Mana_


À Yardam, la folie est sexuellement transmissible. Dans l’espoir d’endiguer l’épidémie, la population est mise en quarantaine, isolée du reste du monde. Le virus n’a pas épargné Kazan. À l’image de la ville qui s’enfonce dans le chaos, il sombre lentement. Pour s’en sortir, il serait prêt à toutes les extrémités, y compris à manipuler Feliks et Nadja, un couple de médecins étrangers venu s’enfermer volontairement dans la cité pour trouver un remède. Dans son désespoir, il va accomplir le pire…

Pourquoi ce livre ? Ce fut la réponse à une envie Kube, cet abonnement qui permet d’avoir un livre par mois, sur la base des envies renseignées. Je ne m’attendais pas à le recevoir, pourtant ce ne fut pas une déception car j’ai découvert cette autrice depuis ses débuts et je suis plutôt une adepte, malgré quelques déceptions.
Manque de chance, Yardam vient creuser l’écart avec l’engouement que j’avais ressenti pour les premiers romans d’Aurélie Wellenstein. Le synopsis est pourtant très bon et j’ai adoré ce concept de base de revisiter le mythe du vampire pour obtenir un résultat fort différent et des réflexions très intéressantes sur la monstruosité humaine et ce qu’il est nécessaire de commettre pour survivre.
Aspirer l’âme des gens par un baiser, c’est glauque à souhait. Ajoutez à cela la folie des uns et la peur des autres, vous allez obtenir un molotov très performant… Néanmoins je suis déçue par cette ambiance. Certes, on perçoit bien la décadence de la mentalité, portée par la crainte de devenir la prochaine coquille et par l’inconnue dans cette équation. Quel est ce virus ? On perçoit bien également le vent de violence qui se lève et qui souffle la révolte, toujours portée par cette peur viscérale de la menace invisible. Toutefois, le regard se concentre trop sur les personnages et leurs problèmes, plutôt que de rendre compte de l’ambiance générale qui se délite. Là où j'aurais souhaité une intrigue moins épaisse, avec le sentiment que l’autrice faisait inutilement durer le plaisir, j’aurais apprécié davantage d’interludes sur la ville elle-même, propre à incarner un personnage à part entière, et une fin plus développée, notamment sur le plan politique.
J'ai eu de gros problèmes vis-à-vis des rapports sexuels décrits avec détails. Que ça ait une importance de premier plan dans l'intrigue est un fait, ainsi je conçois la nécessité d'en lire au fil du récit. D'ailleurs je me suis fait la réflexion que cela aidait à comprendre comment cela se transmet (et j'ai assimilé cela à des maladies sexuellement transmissibles, un autre sujet fort traité ici, à demi-mots). Mais il y a en avait trop, dans différents registres, et cela a nui finalement à la pertinence de ces scènes. J'en avais tout simplement marre, alors que je ne suis pas récalcitrante à lire du sexe intelligemment écrit (comme pour les Kushiel de Jacqueline Carey).
Pour parler des personnages, je ne peux pas dire que je sois enchantée par ces derniers. Dans une ville en huis-clos si dangereuse, Kazan comme Feliks sortent du lot sans pour autant être repérés et inquiétés. Des fois poursuivis, des fois planqués à proximité du danger, je n'ai stressé à aucun moment pour leur peau, alors que tous deux qu'ils croisent sont lynchés. J'ai eu le sentiment d'un décalage entre eux et le sentiment de réalité que souhaite donner l'autrice à son univers. Au-delà de ça, le couple formé par Nadja et Feliks est bien trop mielleux à mon goût. Dès le départ, ils débarquent dans une ville en pleine crise pour tenter de trouver, comme bien d'autres, un remède… et ils jouent finalement les amoureux enamourés (répétition volontaire) en terrasse. Je ne peux pas croire en ça. Tout comme je ne peux pas accepter leur fin, trop heureuse dans leur malheur ambiant - j'ai compris l'image bien sûr, mais même ainsi ça ne passe pas. C'est le personnage du maréchal qui m'aura le plus convaincue. Son évolution est prévisible et manque de nuances, mais ça colle parfaitement avec cette maladie et il parvient à ne pas paraître méchant tout de suite, du moins aux yeux des gens perdus.
Le style se lit très bien. Moins poétique que dans Les Loups chantants, il a au moins le mérite d'être direct, rendant la lecture fluide.

Je ne peux pas dire que Yardam me laissera un souvenir impérissable. Le concept était plutôt original avec cette réinterprétation du mythe du vampire, toutefois je considère qu'on reste sur une intrigue trop simple, avec beaucoup de longueurs. Les personnages soulèvent des réflexions sans être attachants. Bref, je suis allée au bout par curiosité mais je suis déçue par l'ensemble. Pas de doute, je ne parviens pas à retrouver la beauté des premières œuvres d'Aurelie Wellenstein.

11/20