Une vie d'ado post-68 en chansons

Par Lucie Cauwe @LucieCauwe

Carole Zalberg.


C'est un joli livre tout en hauteur, en douce couleur crème. La guitare dessinée en couverture par Benjamin Monti s'accorde avec le titre, "Song book", le nouvel ouvrage Carole Zalberg (L'arbre à paroles, collection "iF", 122 pages). Rien ici ne laisse deviner le début de ce très beau et touchant récit: "C'est sur un matelas nu, dans la chambre désertée de son grand frère que je cède à Marc après des mois d'un siège constant, têtu, et faussement bon enfant." Un dépucelage consenti mais sans désir au son de la chanson de Genesis "Supper's ready". Une relation sous emprise qui marquera longtemps la future romancière.
"Song book est né lors d'un trajet en voiture", explique-t-elle. "Nous écoutions "MacArthur Park," de Donna Summer. Mon époux découvrait le morceau et je me suis rendu compte, en en parlant, que me remémorer quand et comment je l'avais moi-même découvert ouvrait une porte sur mon adolescence, ravivait des sensations, recomposait des images. La musique, telle une capsule temporelle, avait ce pouvoir-là. J'ai alors eu l'idée de laisser remonter à ma mémoire les chansons de ma vie et d'écrire ce qu'elles m'inspiraient."
Un projet évoqué avec l'écrivain belge Antoine Wauters, qui est aussi éditeur, et qui est immédiatement accepté. En dix-sept chansons du temps, Carole Zalberg évoque sa vie d'adolescente, ses amours bien entendu, ses espoirs, ses déchirements, ses amitiés, ses expériences, ses souffrances, les boulets qu'elle traînera longtemps. On est au milieu des années 1970 et dans les années 1980. L'éducation parentale est alors à une généreuse liberté, avec ses avantages évidents mais aussi ses inconvénients.
De sa plume juste, précise, sans pathos ni jugement, l'écrivaine évoque son passé avec une foule de détails qui restituent parfaitement l'époque post-68. De séquence en séquence, non chronologiques, on suit une jeune fille qui devient une jeune femme, qui chante et danse, qui voyage et étudie, qui multiplie les expériences quitte à en payer le prix. "Monsieur mon passé, laissez-moi passer", chantait Léo Ferré. Sa phrase sera reprise par la psy Catherine Bensaïd dans le livre "Aime-toi la vie t'aimera" (Robert Laffont, Pocket). Mais à l'adolescence, même si on le sait, comment faire? C'est cette fragilité de jeunesse qu'évoque magnifiquement Carole Zalberg, née en 1965, dans "Song book", sans trop  de pudeur mais avec une sincérité transcendée par sa manière d'écrire. Cette recherche constante du bonheur dans le travail et dans l'amour, cette espèce d'obligation qu'elle en a, descendante d'immigrés, la mènera à la réussite, romancière publiée, animatrice de formidables rencontres littéraires, en couple heureux avec le même homme depuis plus de trente ans et mère d'enfants aujourd'hui adultes.
Le livre paraît dans la belle collection "iF", créée en 2012 par Antoine Wauters. Elle propose des textes à la croisée des genres, des textes transfrontaliers. La collection privilégie la diversité des formes, la liberté de ton et le plaisir d’oser. Les dessins de couverture sont signés Benjamin Monti.