La Fileuse d'argent

Par Mana_


Petite-fille et fille de prêteur, Miryem ne peut que constater l'échec de son père. Généreux avec ses clients mais réticent à leur réclamer son dû, il a dilapidé la dot de sa femme et mis la famille au bord de la faillite... jusqu'à ce que Miryem reprenne les choses en main. Endurcissant son coeur, elle parvient à récupérer leur capital et acquiert rapidement la réputation de pouvoir transformer l'argent en or. Mais, lorsque son talent attire l'attention du roi des Staryk - un peuple redoutable voisin de leur village -, le destin de la jeune femme bascule. Obligée de relever les défis du roi, elle découvre bientôt un secret qui pourrait tous les mettre en péril...

Pourquoi ce livre ? Je l’ai reçu dans une de mes premières Kube, en début d’année. Je ne vous cache pas qu’après mon abandon de Téméraire, tome 1 de la même autrice il y a quelques années maintenant, j’ai plutôt grimacé en découvrant ce titre dans le colis. Je lui ai toutefois laissé sa chance, attendant une période propice pour mieux apprécier l’ambiance hivernale.
Par bien des côtés, cette lecture m’a rappelé Trilogie d’une nuit d’hiver de Katherine Arden et il me semble avoir vu quelqu’un dire sur le forum de Livraddict que les deux histoires sont issues du même conte. Autant vous dire que mon cerveau n’a pas pu s’empêcher de faire des comparaisons entre les deux œuvres, ce qui a d’autant plus péché pour celui-ci que la trilogie susmentionnée est un quasi coup de cœur à chaque tome.
J’étais donc frileuse à l’idée de me lancer dans La Fileuse d’argent, et pourtant je me suis très rapidement coulée dans le canapé pour apprécier la lecture. Dès le début, j’ai été happée par ce récit où les personnages apparaissent progressivement. L’ambiance est parfaite, on visualise et on ressent parfaitement ces plaines enneigées et ce froid qui transperce vêtements et os. Le petit frisson est également dû à la crainte répétée de la route des Staryks, ces créatures seigneuriales de l’hiver décrites comme étant frigides, autoritaires et dangereuses. Les ont-dits et autres rumeurs des villageois forgent la réputation de ces êtres merveilleux sortis tout droit des légendes de là-bas.
En parallèle de ces légendes, le début semble très terre-à-terre avec ce problème de prêt d’argent, l’enrichissement de certains et l’appauvrissement de d’autres, dans un sens qui peut paraître scandaleux à tout bon capitaliste qui se respecte. A côté de ça, une famille subit la rudesse du froid, de la famine et de la violence patriarcale. Les problèmes de chacun vont en douceur se croiser, s’unir, ne faire qu’un pour contrer la menace grandissante qui se cache dans l’ombre de la neige. J’ai aimé le début et découvrir la force de ces trois destins de femme, la suite m’a un peu moins emportée. J’ai ressenti énormément de longueur, ce qui a réduit l’effort porté sur l’ambiance. Je lisais mécaniquement sans forcément comprendre le contenu car mon esprit s’envolait tout le temps vers des contrées moins moroses… Je ne saurais dire précisément ce qui ne l’a pas fait, probablement des longueurs ici et là qui m’ont éloignée de ma lecture. J’ai raccroché les wagons sur la fin. Les femmes sont froides envers leurs comparses, les hommes admirent enfin l’étendue de la force des femmes… L’émotion est également plus présente, plus poignante, et j’ai finalement tourné la dernière page avec de petits pincements au cœur : la mélancolie de quitter un univers enchanteur et des personnages marquants et des regrets de ne pas avoir été atteinte par tout le développement qui précède.
Je parle d’un univers enchanteur et c’est bien là l’une des forces du récit. L’ambiance hivernale est omniprésente, dans les descriptions, les réactions des personnages. Même dans les dialogues on perçoit la vapeur qui s’échappe de la bouche des interlocuteurs. C’est la lecture parfaite en étant près d’un feu de cheminée ou sous un plaid en plein hiver - avec pourquoi pas une petite infusion à la cerise ?
Les personnages paraissent un peu surhumains et si j’ai compati à leur sort, l’attachement fut plus circonspect. En fait, deux des trois femmes ont des comportements très froid, comme si elles s’éloignaient de leur condition et agissaient mécaniquement, comme le ferait un robot, sans véritable âme. Ce fut surtout le cas pour Myriem, ça l’a parfois été pour Irina. Des trois, j’ai préféré Wanda, la seule à avoir des réactions correctes et à faire preuve d’altruisme. J’ai adoré les parents de Myriem, qui subissent la situation de tous les côtés mais qui gardent malgré tout leur amour et leur simplicité. Les personnages masculins jouent le mauvais rôle. Entre le tsar imbu de lui-même, avec une explication plausible derrière, et le roi Tsaryk est hautain, totalement détaché de tout. Difficile de s’attacher à eux mais la fin est vraiment émouvante les concernant, je ne pensais pas ressentir ça à leur égard.
J’ai vraiment un problème avec le style d’écriture de Naomi Novik. Déjà dans Téméraire je la trouvais trop soutenue, avec un certain décalage dans le milieu dans lequel on évoluait (guerres napoléoniennes). Ici, la froideur colle parfaitement au décor et à l’ambiance mais j’ai le sentiment que c’est quelque chose de constant chez l’autrice, qu’elle a toujours ce style, bref qu’elle ne fait pas évoluer sa forme en fonction de son fond. C’est un style assez lourd, qui manque parfois de fluidité.

Un excellent début, une fin émouvante, c’est bien au milieu que ça a pêché. Même si j’étais curieuse de découvrir dans quelle galère se dirigeaient les personnages, je ne me suis pas sentie investie plus que ça dans l’élévation de la menace. A côté de ça, la plume est un peu lourde et l’ambiance est parfaite. Si j’ai beaucoup aimé la légende hivernale, je pense que la lecture a subi la comparaison avec une autre œuvre à succès du même type. Je conseille néanmoins La Fileuse d’argent à tous ceux qui veulent une lecture pour passer l’hiver.

14/20