BD : Un zoo en hiver - Jirô Taniguchi (entre **** et *****)

Par Philisine Cave

Un zoo en hiver retrace les débuts dans la vie d'adulte d'un jeune homme Mitsuo Hamagushi dont le souhait professionnel est de devenir mangaka (créateur de mangas). On est à Tokyo dans les années 1967-1968.

Un zoo en hiver est une plongée dans le monde japonais, celui des codes du travail à pas d'heure (finir à 3h du matin et diner au restaurant ensuite est considéré comme normal, tout comme dormir trois ou quatre heures par nuit), celui des codes de conduite sociétaux (en 1967, l'adultère d'une femme aisée est fortement réprimé ; la fautive y perd sa liberté de mouvement et y gagne un retour au cocon patriarcal peu enclin à  la compréhension), celui de l'attente et du perfectionnisme : une bonne histoire n'est pas forcément publiée, le mangaka assure sa réussite grâce à un staff au point pour compléter les images et les ombres. Dans Un zoo en hiver, on y découvre un jeune héros avec sa première cuite, la première danse, le premier baiser, le premier amour, les premiers nus, avec ses doutes et ses désirs de réussite, ses rendez-vous dominicaux dans le zoo du coin pour shooter en images les scènes animales : un jeune homme qui a transcendé la volonté maternelle d'une sécurité plan-plan de l'emploi, un adolescent qui débute tôt le rythme infernal du boulot-métro-dodo. Un zoo en hiver montre la promiscuité des corps (la colocation est une obligation), rend hommage aux petites fourmis travailleuses sans lesquelles aucun manga ne pourra sortir fini.   

Le tracé de Jirô Taniguchi est net et pointilleux, les dialogues sont justes, le scénario est d'une logique implacable, les décors sont d'une précision remarquable. J'ai déroulé l'histoire avec un vrai plaisir de lecture et de découverte culturelle. J'ai aimé les images, j'ai oublié le noir et blanc (mon cerveau y a mis des couleurs), j'ai visualisé toutes les scènes, tous les caractères. J'ai aimé et j'ai compris les moments de tension (la pression sociétale, la pression familiale, l'espoir et la maladie). Une infinie tendresse se dégage de cette œuvre qui est un hommage certain à tous ceux qui conçoivent des albums imagés, sans compter leurs heures ni les sacrifices. À juste raison. À découvrir absolument.

Editions Castermann 

Traduction du japonais par Corinne Quentin.

Emprunté à ma bibliothèque préférée 
 

autre avis : La Chèvre grise