Les Somnambules

Par Mana_


Un nouveau monde, le nôtre ?
Dans un petit village de Pennsylvanie, Shana surprend sa soeur, Nessie, quittant d’un pas résolu leur maison. Lorsqu’elle tente de l’intercepter, la petite fille ne réagit pas à sa présence. Mutique, absente, le regard vide, elle avance… Croyant à une crise de somnambulisme, Shana commence à la suivre. Rapidement, elles sont rejointes par un deuxième errant, frappé des mêmes symptômes que Nessie. Puis un autre. Bientôt, ils sont des centaines à converger vers la même destination inconnue, tandis que leurs proches, impuissants, leur emboîtent le pas. Très vite, cette mystérieuse épidémie enflamme le pays.

Pourquoi ce livre ? J'ai eu connaissance de l'existence de ce livre grâce au Prix Livraddict pour lequel il est nominé dans la catégorie Science-fiction. C'est déjà la deuxième fois que je dis ça, ce qui renouvelle ma satisfaction d'ouvrir mes horizons à des textes qui ont échappé à mes radars. Bref, je ne savais pas à quoi m'attendre dans ce livre, à part côtoyer des humains endormis mais debouts, et en écrivant ma chronique je ne suis toujours pas certaine d'avoir apprécié et accepté ce que j'ai lu.
Les Somnambules, c'est un titre bien réducteur pour dépeindre tout ce qui se déroule dans cette briquette de presque 1200 pages. Mais ça commence ainsi. Une puis deux puis quatre somnambules et ainsi de suite, jusqu’à former un troupeau. De là, l'auteur s'emploie à traiter tous les enjeux pouvant approcher de près ou de loin ce phénomène inquiétant. Politique bien sûr, en pleine période d'élection américaine, mais aussi religion, économie, santé… J'ai d'abord eu le sentiment que l'intrigue était très consistante, avec beaucoup d'écarts sur des sujets moins liées aux Somnambules. Les interludes sur le pasteur puis le milliardaire sont d'ailleurs de très bon exemples de ce sentiment que l'auteur s'éparpille. Il s'agit en réalité d'ouverture sur d'autres intrigues, plus profondes, plus universelles aussi. Au travers de ces petites histoires qui concernent les uns ou les autres, c'est tout un pan néfaste de notre société qui va être exhibé.
Un gros pavé de presque 1200 pages qu'on ne voit pas passer. Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde, malgré des passages moins exaltants ou une baisse de rythme dans le contenu. Certains moments ne sont que des répétitions, mais je trouve que cela amplifie le sentiment de chaos qui se propage sur la seconde moitié du roman.
J'ai beaucoup aimé la partie intelligence artificielle avec le développement sur Black Swan. Intervenant très vite dans l'intrigue, cet ordinateur est capable de penser, d'interpréter et de prendre des décisions. De là, toute une intrigue se soulève, des rebondissements, même la fin est liée à certaines choses dites ou faites par la machine, autant dire qu'elle occupe une position majeure.
Bref, ma note est finalement assez basse mais je ressors vraiment déçue par la fin. Trop facile, trop convenue, pas de saveur, pas de réflexion. Je soutiens l'écologie, j'y participe à mon échelle, mais il y a certaines choses à ne pas dire, ou faire, encore moins quand beaucoup d'œuvres l'ont déjà évoquées. Ce n'est pas original. Heureusement ça ne tombe pas comme un cheveu sur la soupe mais je ressors finalement déçue, d'autant plus que j'avais vu venir ce dernier subterfuge depuis un bon moment. Lire presque 1200 pages pour juste ça… j'ai l'impression de sortir d'un effort et finir sur un claquage. Vraiment déçue par le choix. Je ne suis pas convaincue non plus par ce chaos ambiant, mortel. Si on compare au Covid, les réactions paraissent disproportionnées. Tout ça m'a semblé peu crédible, je ne parvenais pas à concevoir et donc croire qu'un tel scénario puisse survenir. En fait, c'est comme si Chuck Wendig multipliait les intrigues, les angles de vue, pour noyer dans la masse les incohérences de son scénario… Sans me couper dans ma lecture, je n'ai pas vraiment adhéré.
Les personnages sont nombreux, mais on en suit finalement pas tant que ça. J'entends par là qu'il y a beaucoup de noms, de personnages scientifiques ou politiques à connaître, mais on n'a pas le point de vue de tous. Je me suis attachée aux deux personnages principaux, Shana Stewart et Benji Ray. La première est une bergère, gardienne du troupeau, avec ses convictions et ses objectifs. Elle n'en démord jamais, reste cohérente. Un personnage féminin fort mais pas surhumain non plus. Benji aussi à ses ambitions. Scientifique de renom, il entreprend les choses à fond, parfois par des moyens illégaux. Mais dans cette intrigue, il se rattrape à de nombreuses reprises. Son humanité attire la compassion et l'attachement. J'ai bien aimé le personnage de Sadie également. Malgré ce qu'on apprend sur elle au fil de la lecture, je n'ai pas pu m'empêcher d'apprécier son caractère enjoué et optimiste. Arav m'a également plu, par sa gentillesse et sa motivation. Il ne rechigne pas à la besogne sans perdre son humanité. J'ai éprouvé beaucoup d'émotions dans les passages où il est présent. Dans les autres personnages marquants, j'ai détesté Pete la rockstar jusqu'à un certain moment. Il connaît ensuite une évolution qui le rend un peu plus supportable, voire émouvant. J'ai détesté Matthew, un homme de Dieu assez étrange dans ses mots et ses interprétations. Il se plaint énormément sur sa triste sort mais je considère que c'est de sa faute s'il en arrive là… Enfin j'ai détesté Ozark dès son apparition. Gros dur, bourru sûr de lui, je ne me suis pas trompée sur ses intentions, ce qui le rend d'autant plus détestable. J'ai aimé le détester car il a pleinement joué son rôle dans cette intrigue.
Ça se lit très bien. La traduction rend le style fluide et je n'ai pas vu les heures passer en me plongeant dans ce bouquin. Lu en lecture commune, une participante a comparé l'écriture aux autres grands auteurs américains, comme Stephen King, et je suis d'accord qu'il y a une sorte de similitude dans le style et la façon de construire le récit.

Une lecture riche par tous les domaines traités. Crainte, paranoïa, message de dieux, toutes les interprétations sont possibles pour déterminer le rôle de ses Somnambules. Grâce à eux, notre société est passée au peigne fin, avec nos rares qualités et nos défauts innombrables. Religion, politique, science, rien n'est laissé au hasard… Les personnages nous entraînent dans leur déboire, chaque petite fourmi façonne l'intrigue. C'est une lecture de longue haleine, intense, mais décevante par une fin creuse. Ça reste une expérience marquante.

14/20