Les femmes accouchent, les hommes se taisent • Jordan Sibeoni

Par Marine @blueM1991

Un témoignage poignant sur le devenir père et le second rôle que les papas doivent endosser. 

╰☆ Résumé ☆╮

Récit et regard d’un père autour de l’accouchement. » Quant à ton père, il n’a jamais rien raconté (…) Tu ne sais que ce que ta mère t’en a dit. Les femmes accouchent et racontent ; les hommes y assistent, mais se taisent.  » De nos jours, les pères sont présents en salle de naissance. On dit qu’ils  » assistent à l’accouchement « . Mais que signifie vraiment y  » assister  » ? Que vivent les pères durant cet événement ? Et à quoi servent-il ? Réponse : à rien, ou à pas grand-chose. Ce livre est le récit de ce pas grand-chose. Dans Les femmes accouchent, les hommes se taisent, Jordan Sibeoni relate l’accouchement et la naissance de sa deuxième fille. Il s’astreint, tout au long de ce récit sincère et sans filtre, à rester au plus près de l’expérience vécue, même quand elle dérape ou qu’elle dérange, parvenant ainsi à déconstruire les mythes et les discours sur cette expérience paternelle.

✿ Mon avis ✿

On a l’habitude de voir des récits écrits par des femmes, celles qui ressentent tout. De la première nausée à la dernière poussée. Les mères qui ont porté leur bébé, qui le connaisse avant même de l’avoir aperçu. Cet être qui leur manque ‘dans leur ventre’ une fois qu’il nait. Il est par contre plutôt rare de découvrir un récit sur la grossesse et l’accouchement à travers les yeux d’un homme. Un papa. Celui qui joue le second rôle, le figurant. Celui que l’on fait passer par la petite porte à la maternité et non par le couloir principal. Celui à qui on demande de sortir lors de la pose de la péridurale. Celui à qui on donne les ciseaux, placés au bon endroit sur le cordon ombilical pour le geste symbolique.

Dans ce court ouvrage, Jordan Sibeoni nous raconte tout cela. D’après son point de vue de père qui s’apprête à le devenir pour la seconde fois, mais aussi via le prisme de sa propre existence, lui le second enfant, celui pour lequel sa mère n’a pas souffert pendant des heures et des heures. Celui dont on a à peine une ou deux anecdotes à raconter alors que son ainé a droit à l’épopée magique qu’est la naissance d’un premier bébé.

Un texte terriblement réaliste, poignant même et que l’on ne soupçonne pas. Car qui se préoccupe de ce qu’un homme pense et ressent lorsque la Mère donne la vie, se remet de ce trauma et se consacre corps et à l’âme à cette vie qu’elle a créée ? Qui a envie de savoir que lors du (long) travail que vit une femme, l’homme qui est à ses côtés s’ennuie parfois ? ou ne sait pas quoi faire ? Qui se préoccupe de cette personne qui doit rentrer chez lui après l’heure des visites alors qu’il a à peine rencontrer son enfant, qu’il ne l’a porté que quelques instants et n’a même jamais vu ses yeux ?

Ce livre m’a profondément touché car je l’ai lu exactement au moment où il le fallait. Enceinte de mon second enfant, j’ai pu sans souci m’imaginer être sa femme, la déjà-mère prête à rempiler. Et cet homme qui nous raconte son ressenti sur la naissance de leur deuxième enfant pourrait tout à fait être mon propre mari. J’en ai été bouleversée à certains passages. Car il est vrai que nous avons de la chance, nous les mères qui ressentons tout, déjà même avant la naissance. Nous qui avons la chance de pouvoir établir un lien physique hors du commun avec l’allaitement. Le second parent lui, doit s’effacer au profit des besoins primaires de son enfant. Quitte à jouer un second rôle, à donner sa place. Aider la mère à avoir un petit répits le temps d’une douche ou d’une sieste. Mais incapable d’être celui qui pourra combler ces besoins animaux de survie, lui qui n’a pas les outils biologiques pour le faire.

Un livre qui change totalement notre point de vue sur le rôle du père, qui raconte sans tabou le ressenti d’un homme face à la venue de son deuxième enfant, celui qui, comme lui, sera comparé toute sa vie à son aîné. Sans filtre, avec honnêteté et bienveillance, un père nous révèle ses plus secrètes pensées, celles qu’il n’osera peut être jamais avouer à sa propre femme. De la poésie humaine brute.

 CHRONIQUE #778 – Juillet 2022

  • Parution : 2022
  • Editeur : Ateliers Henry Dougier
  • Nombre de pages : 115 pages
  • Genre : Biographie/témoignage