Duchess - Chris Whitaker (entre **** et *****)

Par Philisine Cave

Duchess est une héroïne lumineuse malgré la poisse qu'elle porte en elle. Parce qu'on ne peut pas dire que la vie l'épargne : un géniteur inconnu, une mère qui sombre, une famille qu'elle porte à bout de bras malgré son jeune âge. À peine ado et déjà en charge de son frangin, le superbe Robin, plein de vie et d'envie d'un quotidien normal, Duchess est une guerrière et a décidé de devenir une hors-la-loi. Autour d'elle, des bienveillants et des gens qui ne lui veulent pas que du bien... Parce que Duchess a l'art de s'attirer les ennuis en en provoquant certains, en en subissant d'autres.


Chris Whitaker nous dépeint une survivante constamment en colère, victime et insolente, qui jure comme elle respire, une herbe qui a grandi trop vite, pris trop tôt des responsabilités de grande (avec une mère déviante), jette les mots de peur de s'attacher. Et pourtant Duchess va en avoir des ange-gardiens, de ceux qui supportent ses jurons et reconnaissent sa fragilité derrière une carapace d'emmerdeuse. 

À travers Duchess, Chris Whitaker compose une œuvre magistrale et explore l'Amérique judiciaire et l'Amérique profonde, fait la part belle au Montana, terre d'exil et de ressource(s). Par une intrigue haletante, l'auteur parle de rédemption, de filiation, de harcèlement, de survie, de transaction immobilière, de patience, de discrimination, de dépression infantile et de sombre vengeance. Par une galerie attachante de personnages loyaux et fidèles malgré la violence qu'ils portent en eux - Star la mère de Duchess, Vincent King le briseur de famille, Walk l'ami fidèle, Dolly, Hal, Thomas Noble, Darke, Martha etc. Duchess élargit son horizon et son coeur à défaut d'agrandir son avenir. 

Par une plume soigneuse et précise, riche dans ses descriptions à la fois des paysages et des personnages, Chris Whitaker pose une atmosphère de roman noir réussi, à mi-chemin de celui d'amour et de contemplation, d'épopée façon western moderne, du polar carcéral. Duchess est finalement proche de Là où chantent les écrevisses de Delia Owens.

Au cours de la lecture, on passe par diverses émotions -rarement le rire, souvent l'inquiétude avec un pincement au cœur final fatal, parce qu'on est triste de la quitter, de quitter son monde pourtant pas si gai, de se dire que tout n'est pas perdu, même si la vraie générosité implique parfois un réel abandon. 

Restent des courses longues à vélo qui valent les plus belles déclarations. Touchant et bluffant.

Éditions Sonatine

Traduction de Julie Sibony 

Lu dans le cadre d'une Masse critique privilégiée : je remercie les éditions Sonatine et le site Babelio pour cette très belle découverte.