Tara Duncan, tome 12 : L'ultime combat - Sophie Audouin-Mamikonian

Par Marie Kacher
Tara Duncan12, Sophie Audouin-Mamikonian

L’ultime combat

 Editeur : XO

Nombre de pages : 518
Résumé : Tout est-il perdu ? Tara Duncan est épuisée. La puissance de sa terrible magie la met en première ligne pour lutter contre la comète qui tente toujours de dévaster les planètes démons et d’en collecter les âmes. Lentement, mais sûrement, les sortceliers plient sous les assauts incessants. Envoyés en mission dans l’espace profond, Tara, le magicgang, mais aussi Archange, Maître Chem, Mourmur Duncan, Mara ou Selenba, vont déterrer un secret enfoui depuis plus de cinq mille ans. Par une ironie du sort, Tara sera-t-elle sauvée par son pire ennemi, Magister ? L’ultime combat vient de commencer. Et tous ne survivront pas. - Un petit extrait -

« — Magister veut que Mourmur fasse fonctionner les armes de ton peuple afin probablement d’asservir le reste de l’univers, répondit Tara d’un ton léger. Tu sais, le truc classique : « Je vais dominer l’univers, mouuuuaaaahhh ! »

Archange la regarda, ses yeux verts légèrement écarquillés.

— « Mouuuaahhhhh ? »

— Oui, c’est le rire cynique et terrible que les méchants ont en magasin. Et qu’ils ressortent pour un oui ou pour un non. « Enfin, j’ai écrasé ce moustique qui me tournait autour, mouuuuaaaahh ! », ou : « Meurs, ennemi ! Mouuuuaaaahh ! » Ils le mettent à toutes les sauces, c’est d’un banal !

Archange avait l’air de se demander si Tara avait totalement perdu l’esprit, mais le masque de Magister vira de nouveau au noir, signe qu’il n’était pas très content.

— Très drôle, fit-il d’une voix glaciale. Transportez Mourmur jusqu’à mes vaisseaux ou je vous réduis en purée d’atomes.

Et le chef des Sangraves ajouta d’une voix sépulcrale :

— Mouuuaaaaaaah ! »

- Mon avis sur le livre -

 Quand je vous disais qu’il y avait toujours quelque chose en ce bas monde qui s’acharnait pour m’empêcher de terminer mes sagas préférées, je ne vous mentais pas : quand ce n’est pas une tripotée de services presse impromptus, quand ce n’est pas une déferlante de lectures communes mal calées, quand ce n’est pas un tsunami de nouveaux challenges attractifs … c’est le covid qui s’incruste. Ce fut la toute première expérience du virus pour la famille, et autant vous dire qu’on se serait bien passé de ces dix jours de larvitude (oui, je sais, ce mot n’existe pas, mais je suis comme Sophie Audouin-Mamikonian : quand un mot mériterait d’exister car il exprime parfaitement ce que je veux dire, je l’utilise quand même). Cette minuscule petite bestiole aura même réussi l’exploit de m’ôter jusqu’à l’envie de lire, ce qui est exceptionnellement rare chez moi : s’il m’arrive de temps à autre de ne pas en avoir la force ou le courage (en particulier lors de crises de migraine fort carabinées), je conserve toujours en moi ce désir viscéral de me plonger dans un livre pour mieux supporter le reste. Mais là … même pas. Je n’avais envie d’absolument rien. Pas même de Tara Duncan, chose que je n’aurai jamais pensé possible, puisqu’il s’agit précisément de la saga qui parvient généralement à se frayer un petit chemin au cœur de mes déprimes les plus profondes. Mais pas question de laisser un truc microscopique m’empêcher de lire le dernier opus des aventures de la petite sortcelière, alors que j’avais réussi à m’enchainé avec régularité tout le reste de la saga ! Namého !

Après avoir lutté contre le Ravageur d’Ame, le Dragon Renégat, la Reine Rouge, l’Invasion Fantôme, l’Impératrice Maléfique et la Reine Noire, sans oublier l’infatigable et indémasquable Magister, Tara pensait avoir tout vu. Mais la voici désormais en train de lutter de toutes ses forces contre une sorte de vache stellaire devenue l’hôte bien malgré elle d’un agglomérat d’âmes démoniaques folles de vengeance : si la situation n’était pas aussi dramatique, la formulation de cette nouvelle menace aurait pu la faire éclater de rire. Mais la situation est catastrophique : s’ils ne trouvent pas rapidement une solution pour détruire une bonne fois pour toute la comète démoniaque, celle-ci va détruire absolument tout ce qui se trouve sur son passage, et il ne restera plus derrière elle que carnage, désolation … et nulle âme qui vive. Et il faut faire vite : les forces des sortceliers s’amenuisent, et la peur et le découragement gagnent chaque jour du terrain. Tara ne voit donc qu’une seule solution pour mettre fin à ce fléau dévastateur : retrouver les ultimes objets démoniaques, bien cachés par les dragons sur des planètes éloignées, avant la vache/comète. Devenir amie avec les âmes enfermées dans ces-dits objets. Et prier tous les dieux de l’univers qu’avec celles qui sont déjà ses alliées, elles seront assez puissantes pour tenir tête à celles qui sont en train de semer la mort un peu partout dans la galaxie … Mais cette expédition réserve bien des surprises à Tara et ses amis.

En lisant par-ci par-là les commentaires des autres lecteurs, je me rends compte qu’avec ce dernier tome, plus qu’avec tout autre, soit ça passe, soit ça casse. Il y a d’un côté ceux qui avaient des attentes très arrêtées sur ce qu’ils voulaient absolument trouver dans ce dernier opus, et ceux-ci ont pour l’essentiel été fortement déçus (car il ne faut pas oublier que Sophie est du genre à n’en faire qu’à sa tête, et nullement à se laisser contraindre par des exigences extérieures, quand bien même il s’agit de ses propres lecteurs) … et de l’autre, il y a ceux qui n’avaient qu’une seule attente, qu’une seule envie : celle de se laisser surprendre, et ceux-là ont été parfaitement servis, et du coup absolument ravis. Comme vous pouvez vous en douter, je fais partis de la seconde catégorie de lecteurs : connaissant Sophie, je me doutais bien qu’il ne fallait pas s’attendre à une fin trop conventionnelle, mais qu’il fallait au contraire se préparer à un final étonnant et détonnant, qui allait prendre à contrepieds toutes les certitudes et toutes les prévisions. Il est vrai, je peux comprendre la frustration des lecteurs déçus … mais je ne la partage pas, pour la simple et bonne raison que c’est justement ce que j’admire le plus chez Sophie, le fait qu’elle n’hésite pas à chagriner quelque peu ses lecteurs pour rester fidèle à elle-même, fidèle à ce qu’elle avait prévu de longue date, plutôt que de surfer sur la vague du fan-service pour être sûre de contenter absolument tout le monde. Elle aime les fins heureuses ? Elle fera une fin heureuse. Elle aime les mystères qui restent entiers ? Elle laissera certains mystères planer.

D’autant plus qu’il y a finalement bien plus important que certains mystères : il y a une comète dévoreuse d’âmes qui menace d’engloutir « proprement » et simplement toute vie dans la galaxie ! On s’occupera des autres menus tracas plus tard, si on arrive à rester en vie : tout est question de priorité, dans ce genre de situation apocalyptique ! Tara et ses plus fidèles amis, sans oublier ses nouveaux alliés, embarquent donc pour une mission des plus cruciales : prendre de vitesse une entité meurtrière capable de « sauter » d’un bout à l’autre de l’univers sans effort. Et trouver le moyen de l’arrêter tout en tenant la promesse faite aux âmes enchainées dans les objets démoniaques … Parfois, souvent, notre brave et pauvre Tara en veut terriblement aux dragons qui ont traficoté ses gènes pour la rendre si puissante : elle n’en peut plus d’être l’ultime rempart, d’être l’unique recours. Elle n’a même pas dix-neuf ans, et elle porte sur ses seules épaules la responsabilité écrasante de protéger et de sauver tout le monde (pour ne pas dire « tous les mondes »). Longtemps, Tara a supporté sans fléchir cette lourde charge : « de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités », dit un film terrien. Beaucoup de lecteurs ont reprochés à Tara d’être aussi héroïque, de toujours voler à la rescousse de tous ceux qui sont en danger ou en souffrance … ils ont intérêt à être contents, car dans ce tome, Tara laisse enfin transparaitre ce qu’elle cachait jusqu’alors bien profondément derrière ce masque de « super-héroïne » : une terreur incontrôlable, une lassitude infinie, et une certaine colère.

D’une certaine manière, l’ultime combat que nous promet le titre de ce tome n’est pas seulement celui qui confronte Tara et ses amis à cette menace d’un nouveau genre … C’est aussi eux-mêmes que nos héros doivent affronter : ils doivent affronter une bonne fois pour toutes les blessures de leur passé, leurs doutes, leurs peurs, leurs peines. La réapparition inopinée d’un personnage que tous pensaient mort et enterré depuis au moins une bonne vingtaine d’années, pile au mauvais moment, représente ce passé qui empêche de regarder vers l’avenir, qui enferme. Je suis vraiment très heureuse que ce brave Various ait osé prendre les choses en main : Lisbeth a toujours tellement laissé passer l’Empire en premier qu’elle en a oublié qu’elle méritait aussi d’être heureuse … Plus généralement, je suis très heureuse que tout soit bien qui finisse bien pour les personnages principaux : les drames et les tragédies, c’est bien, mais les fins heureuses, c’est très bien également (pour ne pas dire « mieux »). On aspire tous au bonheur, à la sérénité, et j’estime qu’on y a tous droit … et d’autant plus des jeunes gens comme Tara, Cal, Robin, Mara, Jar, Moineau, Fafnir, Betty, Fabrice et Sylver, qui ont déjà vu et vécu bien trop de souffrances et d’épreuves au long de leur courte vie. Alors même si, une fois de plus, je peux comprendre l’agacement de certains lecteurs, qui estiment que tout s’est résolu trop vite, trop bien, par un « tour de passe-passe » tiré par les cheveux … je ne partage pas cet agacement. La façon dont tout se résout est fort inattendu, c’est indéniable, mais elle ne me dérange pas le moins du monde : j’ai été surprise au tout dernier moment, et c’est bien plus que je pouvais l’espérer !

En bref, vous l’aurez bien compris : si une grande majorité de lecteurs (y compris parmi les plus passionnés) laissent éclater haut et fort leur déception, leur frustration, voire même parfois leur colère, face à cette fin de cycle qui « trahit » toutes leurs attentes, elle a dans mon cas dépasser toutes mes attentes ! C’est du Sophie Audouin-Mamikonian dans toute sa splendeur : beaucoup d’action, un rythme trépidant au point qu’il en devient insoutenable, beaucoup de rebondissements, des coups de théâtre et des révélations comme on n’en trouve que trop peur … mais aussi beaucoup d’émotions, avec des déclarations poignantes, et surtout beaucoup d’humour, avec des situations cocasses à souhait et des dialogues hilarants au possible. Mais ce qui m’a le plus réjouit, c’est bel et bien d’apprendre que ce n’était pas réellement fini, qu’il n’y avait pas besoin de dire adieu à tous ces personnages que l’on a appris à connaitre et à apprécié tout au long de ces douze tomes, qu’il n’y avait pas non plus besoin de dire adieu à cet univers fantasque et farfelu, drôle et coloré qui nous a tant fait rêvé. Je sais que cette vision ne fait pas l’unanimité, que certains auraient préféré une fin nette et définitive, mais pour ma part, je suis vraiment très heureuse de pouvoir retrouver Tara, Cal et tous leurs amis pour de nouvelles aventures ! Car même si c’est une saga qui ne plait visiblement pas à tout le monde, ça reste à mes yeux une des meilleures sagas qu’il m’ait été donné de lire, sans doute aussi car c’est l’une des plus originales, des plus insaisissables … J’ai toujours aimé ce qui sort du lot !